Un membre du personnel enseignant parle d’«épuisement institutionnel» à propos des relations entre l’Université de Genève (Unige) et le syndicat CUAE, de tendance gauche radicale. Organisation défendant les intérêts du corps estudiantin de l’Unige, la Conférence universitaire des associations d'étudiant.e.x.s a fini par «exaspérer» la direction universitaire, affirme la personne précitée, qui souhaite garder l’anonymat.
Jusqu’en 2024, la CUAE, en tant que faîtière, représentait à titre exclusif les associations d’étudiants des neuf facultés et treize centres interfacultaires de l'Unige auprès du rectorat. Cela n’est plus le cas aujourd’hui.
Depuis l’année dernière et un vote de l’Assemblée de l’Université, le «parlement» de l’alma mater genevoise, les associations étudiantes facultaires et interfacultaires de l’Unige peuvent se constituer en faîtières. C’est chose faite pour les associations étudiantes des neuf facultés existantes, et en cours pour le groupe interfacultaire Global Studies Institute (GSI), indique l’Unige, sollicitée par watson. Ce qui signifie que désormais ces nouvelles faîtières dialoguent directement avec la direction sans passer par la CUAE. Si celle-ci perd son monopole d'association faîtière, elle conserve toutefois son statut de syndicat et les attributs financiers qui lui sont liés, telle la somme de 30 000 francs allouée à la réalisation de son agenda annuel, objet de controverses l'an dernier.👇
En charge des relations avec la CUAE et les associations estudiantines facultaires, le vice-recteur Edouard Gentaz, à la tête d’une structure appelée «vivre ensemble», créée par la nouvelle rectrice Audrey Leuba lors de son entrée en fonction en avril 2024, confirme à watson cette innovation, dont la conséquence est d’ôter du pouvoir à la CUAE.
«Dans le cadre de mes fonctions et depuis le début de l’année 2025, je suis amené à rencontrer une fois par mois la CUAE et quatre fois par année une vingtaine de représentants des associations étudiantes facultaires et interfacultaires», explique Edouard Gentaz. Comment en est-on arrivé là?
2022 restera comme une annus horribilis pour le rectorat dans sa confrontation – le mot s’impose – avec la CUAE. Cette année-là, trois incidents émaillés de violences s’étaient produits. Ils impliquaient pour deux d’entre eux des activistes transgenres, et des membres de groupuscules d’extrême gauche pour le troisième, les axes de militantisme se recoupant dans l'ensemble de ces cas.
La CUAE, qui n’était pas formellement impliquée dans ces actions, dont l’une visait la conseillère nationale UDC genevoise Céline Amaudruz, avait apporté son soutien aux fauteurs de troubles, contre lesquels le rectorat avait menacé de porter plainte ou s’y était résolu. Ce faisant, la CUAE ne cachait nullement son engagement dans le camp de la gauche radicale.
Début 2023, dans une interview au «19h30» de la RTS, le prédécesseur d’Audrey Leuba, l’ancien recteur Yves Flückiger, avait jugé «inacceptables» les méthodes des activistes à l’encontre de Céline Amaudruz, certaines étant assorties de menaces de mort. C’est sous le dernier des deux mandats d'Yves Flückiger que fut mise en chantier la réforme rognant les prérogatives de la CUAE.
Alexis Couniniotis, étudiant en droit et vice-président des Jeunes libéraux-radicaux genevois, était l’un des organisateurs de la soirée du 21 décembre 2022 mise sur pied à l’UNIGE, au cours de laquelle Céline Amaudruz avait subi une tentative d'entartage qui n’avait rien d’amicale – l'élue UDC était conviée en qualité de jurée par le Club genevois de débat, une association universitaire.
Le comité du Club genevois de débat avait demandé à la CUAE de prendre la défense de l'association et de dénoncer publiquement les actes commis. «Elle n'avait pas souhaité donner suite à notre demande», se souvient Alexis Couniniotis. L’étudiant en droit, qui en aura bientôt terminé de son parcours universitaire, l’assure:
Interlocuteur des étudiants au plus haut niveau, le vice-recteur Edouard Gentaz aborde les choses d’une façon qui se veut pragmatique.
Le responsable du «vivre ensemble» à l’Unige développe son propos:
Ce qui veut dire?
Présidente depuis septembre 2024 de l’Association des étudiant(e)s en droit de l’Unige (AED), Iliana Mebarki salue la transformation en faîtière de son association. «Cela permet d’accroître notre visibilité et notre crédibilité auprès du rectorat», dit-elle. En première année de master, se destinant au droit des affaires, l’étudiante apprécie l’autonomie ainsi conférée à son association, qui représente environ 1000 étudiants.
Le 3 juin, à Genève, c’est un rectorat de l’Unige paraissant proche de l’épuisement, qui, sous la pression d'une quinzaine de militants propalestiniens, renonçait à sa présentation de l’année académique 2026 face à un parterre attendu de bailleurs de fonds. Face aux radicalités étudiantes, certains n’envisageant plus la possibilité du dialogue contradictoire sur quantité de sujets, le «vivre ensemble» promu par le vice-recteur Edouard Gentaz a tout de l'impérieuse nécessité tout en portant mal son nom.
Contactée par e-mail pour connaître son point de vue sur la création des faîtières facultaires, la CUAE n’avait pas répondu à nos sollicitations au moment de la publication de cet article.