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Enfants et écrans: l'éducation numérique démarre à la naissance

Les autorités valaisannes ont décidé de s'attaquer au sujet des écrans le plus tôt possible, dès le jardin d'enfants.
Promotion santé Valais a décidé de s'attaquer dès la crèche à la problématique des écrans.Image: montage watson

Des petits suisses «cliquent sur les bananes pour qu'elles se pèlent»

Depuis 2023, le Valais applique une éducation numérique élargie pour composer avec les problèmes de notre époque concernant les écrans et les réseaux sociaux. Entretien avec sa coordinatrice.
23.05.2025, 11:5623.05.2025, 15:59
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Les différents cantons romands s'emparent de la problématique des écrans et des réseaux sociaux. Genève lance sa campagne de prévention intitulée Ecrans, parlons-en!.
Les députés fribourgeois évoquaient également ce 22 mai 2025 un projet d'éducation numérique à l'école. «L'éducation numérique n'est plus un gadget», a relevé le député PLR Savio Michellod.

En Valais, les plus jeunes sont scrutés. Le canton peut d'ailleurs être considéré comme pionnier dans l'approche du numérique dans le milieu de l'enseignement – et plus largement encore. Pour y répondre, Sophie Cottagnoud, coordinatrice de la stratégie cantonale pour une éducation à un usage numérique responsable à Promotion santé Valais (PSV).

Elle commence par nous évoquer quelques exemples en crèche qui interrogent:

«Des enfants cliquent sur la banane au goûter en espérant qu'elle se pèlera comme sur les jeux»

Selon elle, cibler large est fondamental, en collaborant avec tout le réseau de partenaires. Elle nous expose alors les contours du projet:

«Il y a quelques années, avant 2019 et les premiers balbutiements du projet, plusieurs éléments ont tiré la sonnette d'alarme au sein du canton du Valais. Les professionnels sur le terrain étaient inquiets face à l'émergence des troubles psychosociaux, éducatifs, ou face à l'émergence des troubles somatiques observés dans le milieu scolaire, mais aussi extrascolaires.»

Autour de ces questions, les autorités valaisannes ont décidé de prendre le taureau par les cornes. Ce sont quatre services et départements qui unissent leurs forces:

  • Le Service de l'enseignement.
  • Le Service de la formation professionnelle.
  • Le Service cantonal de la jeunesse.
  • Le Service de la santé publique.

Les lignes d'attaque décidées, la stratégie est un tout qui incarne un processus collaboratif pour instaurer une réelle éducation au numérique et non de diaboliser les écrans ou les réseaux sociaux.

Former le plus tôt possible

Il faut donc commencer très tôt, comme nous l'explique Sophie Cottagnoud: «On forme le personnel de crèche justement sur ces thématiques pour les tout-petits, pour qu'il puisse être le multiplicateur de nos messages auprès des parents». Elle explique même qu'«une éducation à un usage numérique responsable, s'amorce dès le début, avant la naissance, avec les futurs parents.»

Sophie Cottagnoud est la coordinatrice cantonale pour une éducation numérique responsable à Promotion santé Valais.
Sophie Cottagnoud.Image: dr

La coordinatrice cantonale nous explique d'ailleurs que la prévention démarre très tôt. Elle passe aussi par les sages-femmes, pour sensibiliser les nouveaux parents au plus vite.

Quatre actions sont mises en place: dialoguer, responsabiliser, saisir les opportunités et sécuriser. «Ce sont des axes qui fonctionnent parce qu'on travaille avec les écrans. Saisir les opportunités, par exemple, c'est justement voir comment les écrans peuvent être utilisés pour faire des choses positives», complète la spécialiste.

Pour ce faire, ce sont six tranches d'âge qui ont été établies par les autorités:

  • 0-3 ans, les écrans sont prohibés pour le bon développement de l'enfant.
  • 3-4 ans, l'enfant est guidé par les parents devant un écran.
  • 4-8 ans, l'adulte est conscient qu'il est un exemple pour l'enfant. Il fixe un cadre et parle des émotions ressenties face aux écrans.
  • 8-12 ans, un cadre clair responsabilise l'enfant sur la portée de ses actions sur les écrans.
  • 12-15 ans, l'adolescent a les connaissance nécessaires et est responsable de ses actes.
  • 15 ans et plus, le jeune est capable de choisir sa place dans la société numérique.

Appuyer sur les bienfaits des réseaux sociaux

La coordinatrice cantonale n'oublie pas les bienfaits des réseaux sociaux, qui peuvent apporter une multitude d'aspects positifs; que ce soit pour l'école, ou aussi dans le privé, pour la socialisation ou pour s'informer.

Sophie Cottagnoud préfère questionner le rôle des politiques des plateformes face à la jungle virtuelle. «Il y a l'environnement numérique et il y a l'environnement physique. Dans ce dernier, le devoir est accompli, les enfants sont même parfois surprotégés. Et dans l'environnement numérique, actuellement, ce devoir n'est pas atteint», analyse-t-elle.

Mieux prévenir pour éviter un risque de dégradation de santé mentale des jeunes liés aux écrans et aux réseaux sociaux? Sophie Cottagnoud répond:

«Oui. Mais on ne peut pas dire que les réseaux sociaux créent directement de l’anxiété. Il n'y a pas de cause directe et unique scientifiquement avérée. D’autres facteurs entrent en jeu dans l’équation»

Selon notre interlocutrice, l'important est avant tout de réguler, les adultes inclus.

Prenons l'exemple de l'atelier de l'hyperconnectivité mis en place dès le secondaire 2 (à partir de 15 ans): «Le but, c'est que l'adolescent ou l'adolescente prenne la place qu'il ou elle souhaite dans le monde numérique», cadre la coordinatrice cantonale.

Alors que le projet est lancé et semble faire ses preuves depuis deux ans, Promotion santé Valais ne souhaite pas tirer des conclusions hâtives. «Nous pourrons dresser un bilan dans 10 ans, quand les gens auront grandi à travers la stratégie», analyse Sophie Cottagnoud.

La «conscientisation de l'urgence» est plus forte

Une chose est certaine, le projet fonctionne. La coordinatrice informe que les gens viennent s'informer sur le site. «La page sur l'éducation numérique est l'une des plus visitées de Promotion santé Valais», renseigne-t-elle. Il y a un intérêt constant et graduel confirmé.

Sophie Cottagnoud constate l'intérêt grandissant des pédiatres pour obtenir du matériel, par exemple:

«La conscientisation de l'urgence est plus forte autour des 0 à 4 ans»
Sophie Cottagnoud

Le travail de PSV ciblait principalement cette tranche d'âge, «où beaucoup était à faire» confirme notre interlocutrice.

Les enseignants sont aussi friands du travail fourni par Promotion santé Valais. Ils désirent être outillés face à cette problématique. Les futurs professeurs (à la HEP Valais) sont aussi sensibilisés par Promotion santé Valais une fois par année. «Il y aussi un gros travail qui est fait dans la formation continue des enseignants en Valais», glisse la coordinatrice cantonale. C'est un souhait du service de l'enseignement et de la HEP-VS que chaque enseignant sache répondre à ce sujet.

Les autres cantons scrutent le travail du Valais

Ce travail des autorités valaisannes ne passe pas inaperçu auprès de nombreux cantons. Des acteurs des cantons de Vaud, Zürich, Soleure ou encore Bâle ont toqué à la porte de l'Etat du Valais pour se renseigner.

Les cantons romands commencent à s'emparer de la problématique des écrans, des réseaux sociaux. L'éducation numérique responsable, c'est une collaboration qui passe de l'école à chez soi. Le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP) du canton de Genève appuyait sur l'importance du travail auprès des familles: «Le DIP souligne l’importance d’une collaboration étroite avec les familles, les jeunes passant la majeure partie de leur temps d’écran en dehors du cadre scolaire.»

Genève lance sa campagne
A Genève, les autorités ont lancé également une campagne de prévention intitulée Ecrans, parlons-en!. Le DIP du canton de Genève, le département de la cohésion sociale et de la solidarité de la Ville de Genève (DCSS) et la fondation Action Innocence se sont associés pour interroger les écoliers sur leur utilisation des écrans.

Le DIP explique dans un courriel adressé à watson: «L’éducation numérique repose sur le Plan d’études romand. Elle vise à rendre l’élève autonome face à la technologie comme instrument d’apprentissage et de communication, tout en lui permettant d’exercer un regard critique sur celle-ci. Elle contribue également à la prévention des risques possibles (dépendance, cyberharcèlement, hacking, diffusion de fakenews).»
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Video: watson
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