Il y a une part de jalousie, peut-être; une part d'inquiétude, probablement. Mais face à ce que beaucoup, en Europe, présentent comme une distorsion de concurrence, l’examen des faits montre que le PSG n’est pas si différent des autres, seulement que certains excès sont mieux préservés du jugement moral.
Paris est certes une entreprise étatique (le Qatar), alimentée par des fonds souverains. Pour vulgariser, disons que c’est un nouveau riche. Mais l’Europe peut-elle à ce titre l’empêcher de concurrencer par tous les moyens, fussent-ils illimités, une élite déjà bien en place, habituée à «s’entendre», qui a construit sa prospérité sur un siècle d’histoire?
Plusieurs clubs le pensent. Certains le disent.
Ceux qui en appellent à l’éthique et au fair-play financier font néanmoins apparaître des distorsions… dans le raisonnement.
Pour rappel, l’UEFA a conçu ce règlement en 2010, sous la présidence de Michel Platini, dans le but de réguler l’activité économique du football européen. A cet instant, la moitié des clubs affichait un bilan déficitaire et/ou un niveau d’endettement record.
Le football vivait au-dessus de ses moyens. Des hedge funds opportunistes constituaient des portefeuilles (TPO, ou tierce propriété) en rachetant les droits économiques des joueurs à des clubs ruinés - lesquels abandonnaient ainsi leur dernière valeur marchande.
Le fair-play financier, ici, répondait à un besoin vital. Son principe, relativement sage, consistait à ne pas dépenser plus d’argent qu’on en gagne. Plafonner les découverts et contenir la surenchère: assainissement nécessaire.
Sauf qu’à partir de cette intention louable, le fair-play financier s’est peu à peu intéressé à l’équité sportive. Plus sournoisement: à la provenance de l’argent. D’une quête d’équilibre budgétaire, il a basculé dans une doxa égalitaire.
En résumé, et pour schématiser, un club peut posséder autant d’argent qu’il le souhaite; le fair-play ne l’autorise à dépenser que ses revenus nets, ce qui exclut de fait les contributions souveraines, potentiellement illimitées, du Qatar (PSG), d'Abu Dhabi (Manchester City), et d’une oligarchie en exil (Chelsea).
Sans l’énoncer clairement, le fair-play financier ne s'attaque plus tant au surendettement qu'au mécénat. Il traque dans des contrats de sponsoring fictifs la preuve de son omniprésence clandestine (Manchester City, bilan équilibré), en jetant un oeil distrait sur des impérities manifestes et tragiques (Barcelone, 1,3 milliards d’euros de dette).
C’est ainsi qu’en 2019, l’UEFA a suspendu Paris et Manchester City de toute compétition européenne pour une durée de deux à trois ans, au motif de partenariats publicitaires surfacturés; avant que le Tribunal arbitral du sport n’invalide la décision, faute d’éléments à charge. Ce désaveu avait scandalisé toute l’Europe...
Par ce biais, le fair-play financier crée une autre forme d’injustice. Il freine l’ambition des clubs émergents et, corollaire, défend les privilèges d’une vieille aristocratie européenne conservatrice, dont les dépenses ne sont pas moins insensées, mais simplement plus irrémédiables (Barcelone ne peut plus homologuer de nouveaux contrats).
De même que ses vénérables institutions (Bayern, Real, Juventus, etc.) ne posent aucun problème de concurrence aux farouches tenants du fair-play financier, ni par leur puissance économique, ni par le commerce florissant qu'elles tirent de leur ancienneté, personne ne s’est indigné lorsque des montages fiscaux ont permis d'effacer la dette de plusieurs clubs espagnols dans les années 2000.
Tel est l’examen des faits: si l’argent du pétrole et du gaz menace l'hégémonie historique du BAT (Real Madrid) et de l’automobile (Juventus), il ne rompt certainement pas les équilibres néolibéraux du football moderne, tournés vers la recherche de capitaux et la merchandisation. Le PSG paie ses factures et ne spolie personne. Il ne nuit qu’au palmarès de ses rivaux.
Aussi, le problème n’est-il pas la lâcheté supposée de l’UEFA, ni même ses accointances possiblement suspectes (le président du PSG occupe une fonction en vue au Comité exécutif), mais le concept doctrinal de fair-play financier, sa propension à définir quel argent est acceptable, quelle dépense est justifiée - plutôt que remplir sa mission première de prévenir les faillites.
Le PSG qui va garder Mbappé et signer Lionel #Messi #MessiAuPSG
— Mehdii Dz_ 🇩🇿 🌟🌟 (@MehdiiDz_) August 6, 2021
Nasser quand on lui parle du fair-play financier : pic.twitter.com/gJOXLlbC3Q
Dans son combat archaïque contre le mécénat, le fair-play financier privilégie une forme d'héritage sur un autre, l’héritage de l’histoire, d’une ère industrielle sur les ressources émergentes des états pétro-gaziers (que l’on qualifie aisément de sulfureux).
Pis: le fair-play financier prétend réguler des inégalités que l’UEFA a elle-même créées, à tout le moins facilitées, en réservant la Ligue des champions aux grands clubs. Pis encore: le règlement entend empêcher un propriétaire d’investir librement de l'argent dans sa propre entreprise, au motif que d’autres n’en ont pas autant. Comme si tout un secteur économique devait se développer au même rythme…
Cette vision de la société est certainement intéressante, mais, dans les faits, elle n’a aucune existence réelle. Ou alors Apple ne serait encore qu’un ordinateur.
Il n’est pas prouvé au demeurant que le PSG ne respecte pas les termes du fair-play financier, puisque des cinq stars recrutées cet été (Donnarumma, Ramos, Hakimi, Wijnaldum et Messi), seul Hakimi a nécessité une indemnité de transfert (70 millions d’euros).
Quant à l’explosion de la masse salariale, elle ne deviendra formellement répréhensible que si les recettes n’augmentent pas dans des proportions équivalentes. Or, à l’ouverture des boutiques officielles, mercredi matin, au rayon hommes, tous les maillots de Messi sont partis en vingt minutes.