Economie
Climat

Le réchauffement climatique va ruiner l'économie mondiale

Pourquoi sauver le climat serait une sacrée bonne affaire

Cet été a été marqué par de nombreuses catastrophes, pourtant la Suisse a plutôt eu de la chance dans son malheur. Malgré ça, l'avenir, notamment financier, semble sombre à la lumière des études récentes.
01.09.2024, 18:52
Niklaus Vontobel / ch media
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Glissements de terrain, coulées de boue, inondations: les précipitations ont causés de nombreux dégâts en 2024 en Suisse. Pourtant, elle a eu de la chance dans son malheur, cela aurait facilement pu être pire. Il aurait suffi qu'une de ces pluies extrêmes s'abatte non pas sur une commune rurale, mais sur une grande ville.

En Suisse, lorsqu'on évoque les catastrophes naturelles, on pense généralement à des tragédies comme celles du Misox ou de Brienz, explique Erich Fischer, chercheur en climatologie à l'EPF de Zurich. Pourtant, une pluie extrême sur une ville pourrait causer bien plus de dommages - pour la simple raison qu'il y a beaucoup plus de gens, de voitures, de rues ou de bâtiments.

«Lausanne a eu de la chance»

Il y a six ans, la Suisse a pu constater à quel point cela pouvait aller vite. Une «pluie record» s'est abattue sur Lausanne le soir du 11 juin 2018: en seulement 10 minutes, 40 litres d'eau par mètre carré ont frappé Lausanne.

Dans les rues asphaltées de Lausanne, l'eau ne s'infiltre pas dans le sol comme elle le ferait dans des régions rurales. En l'espace de quelques minutes, elle a dévalé les escaliers d'un passage souterrain de la gare, telle une cascade, et aurait pu le transformer en piège mortel. Elle s'est engouffrée dans les caves des maisons, a jailli des puits, a inondé les rues, les magasins, les écoles, la gare.

«Lausanne a eu de la chance à l'époque»
Erich Fischer

Les nuages se sont déplacés assez rapidement et les pluies torrentielles ont pris fin avant que la situation ne s'aggrave. D'autres villes européennes s'en sont moins bien tirées.

Milliards investis en Suisse pour se protéger

Au-dessus de Copenhague, par exemple, les nuages ont déversé jusqu'à 200 litres par mètre carré pendant deux heures au cours de l'été 2011, causant des dégâts d'environ 1 milliard d'euros. Sur Gênes également, en 2011, jusqu'à 500 litres par mètre carré sont tombés pendant plusieurs heures, plusieurs personnes sont mortes et plus de 100 ont dû quitter leur logement.

Avec le changement climatique, ces fortes précipitations sont devenues plus fréquentes et plus extrêmes au cours des 120 dernières années. C'est ce qu'ont montré différentes études, la dernière en date étant celle de MétéoSuisse. Celle-ci a en outre montré qu'au cours des 40 dernières années, la quantité de pluie qui tombe en l'espace de 10 minutes a également augmenté de 20%.

La Suisse n'est pas sans défense face à ces tendances et les dommages ne doivent pas inévitablement continuer à augmenter. La Suisse peut se protéger et elle le fait - mais cela coûte évidemment de l'argent. Chaque année, la Suisse dépense 2,9 milliards de francs pour se protéger contre les catastrophes naturelles. C'est de l'argent bien investi si l'on regarde les dommages que l'on s'épargne - mais si l'on pouvait, on préférerait le dépenser pour autre chose.

Une caractéristique particulièrement néfaste du changement climatique

Les pluies extrêmes ne sont qu'une des nombreuses conséquences du réchauffement climatique et la Suisse n'est qu'une des scènes de ce changement global. Les événements qui se produisent dans d'autres pays se répercuteront sur la Suisse, par exemple sous la forme de réfugiés climatiques. L'ampleur des conséquences économiques - de nouveaux chiffres et études sensationnels ont été publiés récemment à ce sujet, qui mettent également en évidence une caractéristique particulièrement néfaste du changement climatique.

C'est à ce paradoxe que s'est attaqué une nouvelle étude de l'université de Harvard. Le changement climatique est souvent décrit comme une menace existentielle, affirment les auteurs de l'étude. Pourtant, des estimations empiriques montrent qu'un réchauffement de la planète d'un degré ne coûterait que 1 à 3% de la valeur ajoutée mondiale.

Mais ces estimations sous-estiment toutes les conséquences, car elles ne prennent en compte que les variations de température nationales, qui ne s'accompagnent pas d'une forte accumulation d'événements climatiques extrêmes comme la chaleur, la sécheresse, les tempêtes ou les fortes pluies. L'étude de Harvard s'est donc penchée sur les variations de température globales qui se sont produites à la suite d'éruptions volcaniques ou de cycles solaires - et ce sur 120 ans et dans plus de 170 pays.

Les chercheurs sont ainsi parvenus à la conclusion qu'un réchauffement supplémentaire de 2 degrés affaiblirait l'économie mondiale au point d'entraîner une perte de 29%, principalement en raison de la fréquence accrue des événements climatiques extrêmes. Et le pire, c'est que la perte économique serait irréversible.

Il n'y aurait pas de retour comme après la crise du Covid, car le CO2 reste dans l'atmosphère pendant des siècles. Ce serait comme si l'on devait vivre aux Etats-Unis pendant la Grande Dépression «pour toujours».

Génération perdue sur les marchés boursiers

L'institut climatique de Potsdam a examiné si les différences de chaleur ou de pluie entre les régions avaient des conséquences économiques. Pour ce faire, les chercheurs ont analysé les données de 1600 régions sur une période de 40 ans. Les effets constatés leur ont permis de faire des prévisions jusqu'en 2050.

Selon ce rapport, le réchauffement climatique, qui semble aujourd'hui déjà inévitable, coûtera à lui seul très cher. Il y aura une baisse globale des revenus de 19% - un coût annuel de 38 000 milliards de dollars. C'est six fois plus que l'argent que le monde devrait dépenser pour limiter l'augmentation globale de la température à 2 degrés. La lutte contre le changement climatique serait donc une sacrée bonne affaire.

Le changement climatique a longtemps été considéré comme un non-événement, même pour les bourses. Ainsi, l'un des plus grands gestionnaires de fonds au monde a fièrement calculé que même un réchauffement de la planète de 5 degrés d'ici 2080 ne lui donnerait pas de sueurs froides. Son portefeuille d'actions ne perdrait que 4% de sa valeur.

Le récit des actions qui restent cool a récemment été qualifié de «risible» dans une étude de l'école de commerce EDHEC de Londres. Emmenés par Riccardo Rebonato, physicien et ancien cadre supérieur de la société d'investissement Pimco, les chercheurs critiquent les estimations précédentes.

Ils sont principalement dus au fait que l'on s'est contenté de regarder ce que coûterait le passage à une économie sans CO2. En ce qui concerne les coûts du changement climatique, on a fait comme s'ils n'apparaissaient que dans un avenir lointain et comme s'ils étaient négligeables pour les évaluations actuelles des actions.

Si l'on ne fait pas cela et que l'on tient compte correctement des coûts climatiques, il faut s'attendre à des conséquences énormes pour les bourses. Si les émissions de CO2 ne sont pas plus limitées qu'elles ne l'ont été jusqu'à présent, il pourrait y avoir une correction de la valorisation globale des actions allant jusqu'à 40% - et il s'agit là d'un calcul très prudent avec des hypothèses conservatrices. En revanche, si l'on parvient à limiter le réchauffement à 2 degrés, cela ne représenterait que 5 à 10%.

Selon Rebonato, ces pertes ne se produiront probablement pas après des catastrophes individuelles dramatiques. Elles se produiront de manière insidieuse et s'étaleront sur de nombreuses années, au cours desquelles l'économie deviendra progressivement moins productive et les entreprises livreront des résultats décevants. Il n'y aura pas de sortie de cette misère, les pertes seront permanentes. Rebonato a donc commenté son étude en ces termes:

«Il pourrait y avoir une génération perdue à la bourse»

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

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