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Temu, Shein, AliExpress la crainte d'un «second choc chinois»

Le bonheur des consommateurs, le cauchemar des concurrents: le shopping en ligne chez Temu.
Le shopping en ligne chez Temu: le bonheur des consommateurs, le cauchemar des concurrents.Image: Keystone

Pourquoi la Chine risque de «désertifier les centres-villes» suisses

Pour beaucoup de consommateurs européens, l'afflux de vêtements à bas prix venus de Chine est vu comme une aubaine. Les associations textiles, elles, tirent la sonnette d'alarme.
17.10.2025, 11:5717.10.2025, 11:57
Niklaus Vontobel / ch media

Un porte-parole de l’association européenne du textile Euratex déplore dans le Financial Times:

«Les entreprises chinoises se comportent en Europe de manière très agressive pour écouler leurs marchandises»

La raison, selon lui, est simple: «Elles ne peuvent plus vendre leurs vêtements aux Etats-Unis».

Les droits de douane records imposés par Donald Trump détournent, en effet, les exportations chinoises vers l’Europe. Durant le premier semestre 2025, les exportations de vêtements chinois vers l’Union européenne ont bondi de 20%, surtout dans le segment du bas de gamme.

Déjà en 2024, une marée de colis (4,6 milliards au total) a déferlé sur l’Europe, majoritairement en provenance d’Asie.

Des habits bon marché qui séduisent

La Suisse vit elle aussi sa propre vague. Au deuxième trimestre 2025, les importations de vêtements chinois ont encore progressé de 29% par rapport à la même période de l’année précédente, indique Peter Flückiger, directeur de l’association Swiss Textiles. Entre 2021 et 2024, le chiffre d’affaires des géants chinois du commerce en ligne Temu, Shein et AliExpress a littéralement explosé, passant de presque zéro à 600 millions de francs. Chaque jour, des centaines de milliers de colis venus d’Asie ont traversé la frontière suisse.

Cette vague réjouit de nombreux consommateurs suisses, lassés des «prix suisses» que pratiquent les autres marques. Le magazine Beobachter a récemment calculé la différence: les trois grands détaillants C&A, H&M et Zara facturent en moyenne 64% plus cher en Suisse qu’en Allemagne pour des vêtements identiques, souvent issus des mêmes chaînes d’importation.

Les professionnels du secteur, eux, s’inquiètent. Ils dénoncent:

  • Une «surproduction de vêtements à la durée de vie extrêmement courte».
  • Une «hausse sans précédent des déchets textiles».
  • Une «pression insoutenable sur les entreprises qui respectent des standards élevés».
  • La «menace d’une désertification des centres-villes» avec la fermeture progressive des commerces.
Joie des consommateurs, colère des concurrents: ici, le déballage d'une commande en ligne.
Joie des consommateurs, colère des concurrents: ici, le déballage d'une commande en ligne.Image: Imago

L'Occident commence à douter

Les associations européennes et suisses ont donc adressé des lettres aux autorités compétentes. Leur message est clair:

«La politique doit agir»

Jusqu’à récemment, de telles revendications étaient rejetées d’emblée. Mais ce consensus s’effrite. Il s’est déjà effondré aux Etats-Unis. Et alors qu’une nouvelle vague d’articles chinois à bas prix déferle, l’Europe commence elle aussi à s'interroger.

La machine économique chinoise est comme un moteur lancé à pleine puissance, incapable de ralentir. Alimentée par des crédits bon marché, des salaires maintenus artificiellement bas, des émissions massives de CO2 et la frénésie de fonctionnaires locaux désireux de promouvoir les industries bénies par Pékin, cette machine tourne à vide. Le Wall Street Journal résume ainsi:

«La Chine produit trop de tout»
Wall Street Journal

Longtemps, cette surproduction concernait surtout le secteur immobilier. Des millions d’appartements sont restés vides, certains gratte-ciel ont été dynamités aussitôt construits, jusqu’à ce que même le président chinois Xi Jinping dénonce cette «croissance fictive» et impose des «lignes rouges» aux banques. Résultat: le boom devient krach, et le géant Evergrande, deuxième promoteur du pays, s’effondre.

Des voitures neuves vendues au rabais

Pékin réoriente alors son économie: place à l’industrie. Désormais, la Chine produit trop d’acier, trop de ciment, trop d’aluminium, trop de verre, trop de panneaux solaires, trop de charbon. Encore une fois, trop de tout, pour elle-même et pour le monde.

Le phénomène prend parfois des airs absurdes: des voitures électriques flambant neuves sont vendues comme véhicules d’occasion, à des prix de seconde main, faute d’acheteurs. Selon le Financial Times, plus d’un tiers des seize plus grands constructeurs chinois ne gagnent plus assez pour rembourser leurs dettes à court terme.

Un analyste du quotidien britannique parle d’«une phase d’élimination». Le géant BYD se prépare à une «grande bataille finale», tandis que le patron de Great Wall Motor avertit:

«Il y a un "Evergrande" dans le secteur automobile chinois. Il n’a simplement pas encore explosé»

Le président chinois Xi Jinping tente désormais de reprendre le contrôle. Il fustige des «baisses de prix déguisées qui perturbent le marché», parle d’«involution», une concurrence destructrice, et exige qu’elle soit «urgemment corrigée».

De l'énergie renouvelable bon marché

Ironiquement, la même surproduction a aussi un effet positif: les technologies vertes deviennent abordables. Grâce à une production massive de panneaux solaires, de turbines éoliennes et de voitures électriques, la Chine a fait chuter les prix au point de dépasser un seuil historique: l’énergie renouvelable est désormais meilleur marché que les énergies fossiles. Comme l'écrit l’économiste Noah Smith:

«La Chine est en train de sauver le monde du changement climatique, discrètement, mais sûrement»

Pendant des années, l’Occident s’est voulu serein: les consommateurs profitent, les travailleurs déplacés se reconvertissent, les Etats compensent, et surtout; le commerce allait démocratiser la Chine. Une illusion, reconnaissent aujourd’hui nombre d’observateurs.

Cette certitude a été ébranlée une première fois en 2016 par l’étude The China Shock, qui montrait comment des régions entières des Etats-Unis perdaient leur tissu économique, sans jamais se relever. Dans la foulée, Donald Trump a été élu, promettant de «rendre leur grandeur» à ces régions sinistrées, en faisant de la Chine le bouc émissaire de tous les maux.

Le grand désenchantement occidental

La bulle de sérénité a définitivement éclaté quand la Russie a envahi l’Ukraine. Les Européens ont enfin compris qu’ils n'ont pas transformé Moscou par le commerce, ils se sont simplement rendus dépendants de son gaz et de son pétrole. Et ils ont payé le prix fort.

La Chine sait, elle aussi, user de son pouvoir économique. Quand la Lituanie a resserré ses liens avec Taïwan en 2021, Pékin a bloqué ses importations, ainsi que celles d’autres pays contenant des composants lituaniens. Désormais, les entreprises étrangères ne peuvent même plus exporter d'aimants industriels contenant une trace de terres rares chinoises sans autorisation.

Les Etats-Unis protestent bruyamment, accusant Pékin de nuire à «son image dans le monde». Mais, ironie du sort, la Chine ne fait qu’imiter la stratégie américaine: utiliser la dépendance technologique comme levier politique.

Le Wall Street Journal parle déjà d’un «second choc chinois», potentiellement plus dévastateur que le premier. Le précédent concernait surtout l’immobilier, un secteur impossible à exporter. Cette fois, c’est l’industrie tout entière qui déborde sur le reste du monde. Et la question se pose, plus pressante que jamais: faut-il accueillir ces produits à bas prix sans broncher, ou leur dire «non»?

Adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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