Le «bouledogue» de Trump s'apprête à faire tomber des têtes
Donald Trump s'est trouvé un nouveau jouet: des vidéos générées par intelligence artificielle. Sa dernière création tourne au ridicule Chuck Schumer, le chef des démocrates au Sénat, et Hakeem Jeffries, son homologue à la Chambre des représentants.
Il fait dire à Schumer que les démocrates veulent prendre en charge les frais de santé de tous les immigrés clandestins. Quant à Jeffries, il l'affuble d'une fausse barbe et d'un sombrero. Tout cela est évidemment faux et vise à donner l'impression que les démocrates sont responsables du nouveau «shutdown» qui frappe le gouvernement américain, une première depuis 2018.
Un homme influent avec beaucoup de pouvoir
En revanche, la menace du président n'a rien d'un bluff: dans ce cas, il a en effet annoncé vouloir licencier massivement des fonctionnaires. L'homme chargé de mettre cette menace à exécution s'appelle Russell Vought (à prononcer «woot»). Il dirige l'Office of Management and Budget (OMB) et est sans doute le technocrate le plus influent de la Maison-Blanche.
L'OMB est le centre névralgique de tous les flux financiers du gouvernement américain. Celui qui sait quels leviers actionner et à quel moment y dispose d'un pouvoir considérable. Vought possède ce savoir. Il occupait déjà cette position stratégique lors du premier mandat de Trump et, durant les quatre années de son bannissement de la Maison-Blanche, il a systématiquement approfondi son expertise.
Vought est l'un des auteurs de «Project 2025», un document stratégique libertaire visant à transformer les Etats-Unis en un Etat minimaliste. C'est également un chrétien très pratiquant, qui aime citer la Bible, parle doucement et ne jure jamais. Sur le plan politique, c'est un militant convaincu: il lutte avec passion contre ce qu'il considère comme un appareil d'Etat hypertrophié et contre le «Deep State».
Dans ce combat, il a réussi à s'imposer. C'est lui qui a annulé neuf milliards de dollars d'aide au développement, alors même que le Congrès avait déjà approuvé ce financement. Il a également supprimé des centaines de réglementations concernant la protection de l'environnement et la sécurité au travail, et il milite pour que le président puisse faire prévaloir sa volonté auprès de la Réserve fédérale.
Passer derrière Elon Musk et ses erreurs
Par son approche sans compromis, Vought heurte parfois même les Républicains. «La sénatrice Susan Collins, présidente de la commission des crédits, a qualifié cela d'illégal», rapporte le New York Times. Les libertaires, en revanche, le couvrent d'éloges. Ainsi, le célèbre militant anti-impôts Grover Norquist explique:
L'ancien stratège en chef de Trump, Steve Bannon, a surnommé Vought «le bouledogue MAGA».
Au début du second mandat de Trump, Vought a d'abord dû rester en retrait et laisser le terrain à Elon Musk et à sa troupe Doge. Après tout, le patron de Tesla avait soutenu la campagne de Trump à hauteur de 250 millions de dollars et promis avec emphase de supprimer au moins 2000 milliards de dollars du budget fédéral du jour au lendemain.
Musk a échoué et a été évincé de la Maison-Blanche sans bruit ni fracas. Depuis, Vought a pris le relais et, contrairement à Musk, il a fait ses devoirs. «Vought était furieux en voyant le chaos provoqué par Doge», relève le New York Times.
Il a depuis repris le contrôle. Son ami Joe Grogan, qui a également travaillé à la Maison-Blanche lors du premier mandat de Trump, constate a posteriori:
Un couperet prêt à tomber à tout moment
Après le blocage du gouvernement, des licenciements massifs pourraient se produire, et l'OMB y est parfaitement préparé. Selon le Washington Post, une directive a déjà été envoyée à toutes les administrations pour déterminer qui serait concerné en cas de licenciements massifs. Vought se rapprocherait ainsi de son rêve d'un Etat ultra-minimaliste.
Reste à voir si la situation évoluera dans ce sens. Les démocrates ont quant à eux enfin trouvé leur priorité: le coût des soins de santé. Ils conditionnent leur soutien à la prolongation du budget à la poursuite des subventions aux assurances-maladie prévues par l'Affordable Care Act, plus connu sous le nom d'Obamacare, ainsi qu'au maintien des hôpitaux dans les zones rurales dont la fermeture était initialement envisagée. Comme l'affirme l'influente sénatrice Elizabeth Warren:
Et effectivement, les démocrates sont allés jusqu'au bout et n'ont pas cédé, comme l'annonçait Warren:
Un pari très risqué
Lors du premier mandat de Trump, les démocrates avaient réussi à repousser les attaques contre l'Obamacare. Ils sont donc convaincus que, cette fois encore, ils ont le soutien de la majorité des Américains, et que ce nouveau shutdown pourrait jouer en leur faveur.
Trump, lui, mise sur les licenciements massifs, et sur des vidéos générées par IA. L'une d'elles évoque les soi‑disant «med beds»: des lits d'hôpital high-tech où quiconque s'y allonge guérit instantanément, et même les membres amputés repousseraient. Cette théorie du complot absurde provient, comme on pouvait s'y attendre, de la mouvance QAnon, qui affirme que ces lits «magiques» ne seraient accessibles qu'à une élite secrète censée diriger les Etats-Unis. Dans la vidéo générée par IA, Trump promet de les rendre accessibles à tous.
Traduit et adapté par Noëline Flippe