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Pourquoi tout le monde déteste Kamala Harris

Pourquoi tout le monde déteste Kamala Harris
Près de trois ans après son arrivé au poste, la vice-présidente est toujours dans les bas-fonds des sondages d'opinion.montage: WATSON
Analyse

Tout le monde déteste Kamala Harris

Depuis trois ans qu'elle est vice-présidente, Kamala Harris reste reléguée aux tréfonds des sondages et peine à convaincre jusque dans son propre camp. Pourquoi tant de haine envers la colistière de Joe Biden, qui s'apprête à jouer un rôle clé en 2024?
29.08.2023, 18:5030.08.2023, 07:59
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«We did it, Joe!» iPhone collé contre l'oreille, lunettes de soleil sur le nez, sourire béat. Kamala Harris rayonne ce 7 novembre 2020. Le décompte des votes semble, enfin, avoir livré son verdict. Joe Biden est le 46e président des Etats-Unis. Faisant de sa colistière, Kamala Harris, la première vice-présidente femme, noire et d'origine asiatique de l'histoire américaine.

Tout avait si bien commencé. Alors comment peut-on arriver, presque trois ans plus tard, à ce titre déshonorant de «vice-présidente la plus impopulaire de mémoire récente»?

Critiquée de tous bords

Première femme, première Noire, première Asiastique: c'est peu dire que Kamala Harris était porteuse d'espoir, mais aussi d'attentes. «Il y a eu beaucoup d’enthousiasme autour de sa candidature et de son caractère historique. Et depuis qu'elle a pris ses fonctions, cet enthousiasme est tombé à plat», note la stratège démocrate Carly Cooperman, à Vox.

«Certains démocrates sont déçus»
Carly Cooperman, Vox.

Les premières critiques et désillusions émergent très tôt, au détour de missions aussi délicates que médiatisées. «Ingrates», juge son entourage. «Presque impossibles», tranche la journaliste et historienne Kate Andersen Brower. A commencer par l'objectif d'endiguer la vague migratoire illégale en provenance des pays d'Amérique centrale. Un dossier sur lequel le gouvernement américain s'encouble depuis des décennies.

Un portefeuille casse-gueule qui, selon les proches de la nouvelle vice-présidente, ne correspond ni à ses compétences ni à son expertise. D'autant que Kamala Harris débarque dans une position bizarre: elle est la première, depuis des décennies, à prendre ses fonctions avec moins d’expérience à Washington que son président. Quatre ans seulement de Sénat au compteur. Joe Biden en affiche 36, ainsi que huit ans en tant que vice-président. Difficile de rivaliser.

Insuffisamment préparée, sans réelle vision, la vice-présidente a tendance à être mise à l'écart, quand elle ne s'isole pas toute seule. A cela s'ajoute un roulement inhabituellement élevé au sein de son personnel, mais aussi des rumeurs de brouille avec ses employés et de désaccords avec le président. Sans oublier une poignée de gaffes verbales très médiatisées et d'apparitions publiques irrégulières.

Vous obtenez un «épouvantail» politique.

«C’est un épouvantail que les républicains peuvent utiliser pour faire passer leur message, à savoir qu'une présidente Harris serait encore pire qu'un président Biden»
Un stratège républicain anonyme à Politico.
WASHINGTON, DC - MAY 26: U.S. Vice President Kamala Harris gives remarks at the top of a roundtable on high-speed internet with members of Congress in the Eisenhower Executive Office Building on May 2 ...
Souvent maladroite en public, la vice-présidente peine à répondre aux attentes de son électorat.Getty Images North America

Il n'en faut pas plus pour que le soufflé Kamala, très observé, se dégonfle sitôt sorti du four. Ses adversaires républicains se régalent. Les alliés démocrates s'arrachent les cheveux. En février 2023, ils sont des dizaines, même parmi ses propres conseillers, à faire part anonymement de leur désarroi dans un article très à charge du New York Times. Kamala Harris ne serait, tout simplement, pas à la hauteur du défi. Plus personne ne voit en elle la future dirigeante du parti. Encore moins celle du pays.

Le job ingrat de vice-président

Face aux critiques, Kamala Harris use d'une méthode bien à elle: courber le dos et attendre. En espérant des jours meilleurs et que le monde comprendra. «Je ne suis pas dans la tête des gens», avance-t-elle prudemment à Politico, dans un article qui lui a été consacré cette semaine. Selon ses alliés, c’est exactement cette posture qui a exacerbé le malaise.

«En tant que vice-présidente, elle ne veut pas prendre les devants sur l'administration»
Al Sharpton, révérend, à CNN.

La faute au poste-même de vice-président? Il faut reconnaître à Kamala qu'elle n'est pas la première à subir les aléas de la fonction «la plus insignifiante jamais imaginée par l'homme», comme le résumait déjà John Adams en son temps. Un job prestigieux et un potentiel tremplin pour de futures aspirations présidentielles, certes, mais aussi ingrat, limitant, frustrant, avec peu de responsabilités et, surtout, beaucoup d'embûches.

«Il est presque impossible en tant que vice-président d'utiliser son poste à son avantage politique de manière calculée»
Kate Andersen Brower, journaliste et auteur de First in Line, un livre sur la vice-présidence.

Choisi pour des raisons politiques et de stratégie de campagne, afin de combler de potentielles lacunes sur un ticket, le vice-président doit jouer l'équilibriste. Faire preuve de leadership tout en restant loyal. Se faire entendre et être visible, mais juste le strict nécessaire. Et ne jamais donner l'impression de vouloir de contrôler le président des Etats-Unis.

WASHINGTON, DC - MAY 01: U.S. Vice President Kamala Harris (L) speaks as President Joe Biden (R) listens during a Rose Garden event at the White House to mark National Small Business Week on May 1, 20 ...
Le rôle de vice-président est sans doute le plus casse-gueule de toute l'administration américaine.Getty Images North America

Impossible de vanter trop bruyamment ses réalisations, sous peine de faire ombrage au numéro 1. «Personne ne veut éclipser le patron», glisse au New York Magazine un agent politique vétéran qui a travaillé avec trois vice-présidents démocrates. En revanche, un vice-président constitue un excellent paratonnerre. Un bouc émissaire a sacrifié sur l’autel des critiques. Et une cible de choix pour l'opposition.

Quand Joe Biden s'est largement attribué les succès de son administration, Kamala Harris assumait la responsabilité de politiques moins efficaces, comme l'immigration.

«Je pense qu'elle n'est pas suffisamment reconnue pour tout le travail qu'elle fait en coulisses. Et d'une certaine manière, c'est le rôle du vice-président»
LaTosha Brown, co-fondatrice de Black Voters Matter, à Vox

En d'autres termes, Kamala paie sa loyauté au prix fort.

A un «battement de coeur» de Joe Biden

Car un autre facteur évident pèse sur les épaules de Kamala Harris et peut expliquer pourquoi la vice-présidente, peut-être davantage que ses prédécesseurs, fait l'objet d'un examen critique si minutieux: l'âge de Joe Biden.

Alors que le président soufflerait ses 86 bougies à la fin d'un potentiel second mandat, sa vice-présidente sera évidemment un facteur décisif en 2024. Il y a une chance, réelle, pour qu'elle doive assumer le rôle de présidente. Plus que quiconque avant elle, Kamala Harris n'est «plus qu'à un battement de cœur» du poste suprême.

Compte tenu de son impopularité, c'est aussi une faiblesse pour le président. «L'un des arguments les plus percutants contre Joe Biden», confirme John Morgan, un important collecteur de fonds pour les démocrates, au New York Times. Une faille que les républicains ne vont pas hésiter à exploiter à fond. La candidate Nikki Haley en a déjà fait une démonstration, en affirmant que «si vous votez pour Joe Biden, vous comptez vraiment sur une présidente Harris».

Pour le 46e président et candidat à sa réélection, il est donc urgent de redorer l'image de son associée. Convaincre l'électorat, à commencer par les démocrates, qu'il dispose d'une partenaire prête, fiable et compétente. D'autant que, à 81 ans, Joe Biden doit combler son inévitable manque d’énergie pour mener une «vraie» campagne de terrain.

«Plus elle est exposée tôt, mieux c'est. Harris doit être prête à devenir présidente. Biden l'a choisie en 2020. Il doit maintenant investir en elle»
Edward Luce, rédacteur en chef au Financial Times.

Certains alliés de Kamala Harris ont confié craindre au New York Times qu’il ne soit déjà trop tard. Les résultats des sondages concernant le vice-président sont inférieurs à 50% depuis la première année de mandat. Les dégâts pourraient être irréparables.

D'autres voient un espoir dans le créneau que s'est trouvé Kamala Harris cette année: promotion du droit à l’avortement, congé parental, éducation, droits civiques lutte contre la violence armée ou le réchauffement climatique. Un portefeuille de la dernière chance pour épousseter l'image publique de leur protégée d'ici 2024.

Le temps est compté. Son avenir politique, mais sans doute aussi le succès de la candidature démocrate en novembre prochain, dépendent à présent d’une question simple: Kamala Harris peut-elle faire une seconde impression?

Barack Obama vanne Joe Biden en l'appelant son «vice-président»
Video: watson
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