Attendre de voir, ainsi pourrait-on résumer la devise chinoise. Alors que la victoire de Donald Trump se dessinait toujours plus clairement, Pékin a réagi avec retenue, comme on pouvait le prévoir:
A ce stade, en effet, rien ne change aux yeux du gouvernement chinois. Car tant les républicains que les démocrates suivent une ligne dure vis-à-vis de Pékin. Les marchés ont en revanche déjà anticipé les temps difficiles que devrait connaître l'économie de la première puissance mondiale. L'indice principal de Hong Kong, le Hang Seng, a chuté de plus de 2% à la fin de la séance.
La grande crainte de Pékin est que Trump, qui avait déclenché une guerre commerciale contre la Chine, ne sorte une artillerie encore plus lourde. Pendant sa campagne, le candidat de 78 ans avait déjà annoncé vouloir imposer des droits de douane punitifs de 60% sur les importations. Si cela devait vraiment arriver, ce serait un coup dur pour l'industrie manufacturière de l'Empire du Milieu. La valeur de ses marchandises exportées vers les Etats-Unis atteint 400 milliards de dollars.
Mais le conflit commercial pourrait-il également déboucher sur un affrontement militaire? La rhétorique contre la Chine devrait au moins redevenir nettement plus agressive sous Trump. A cela s'ajoutent les bisbilles régulières entre le futur dirigeant et ses alliés en Asie de l'Est - il a par exemple remis en question les garanties de sécurité américaines si la Corée du Sud ou Taïwan ne revoient pas à la hausse leurs dépenses dans le domaine de la défense. Tout cela fait que les Etats-Unis ne sont plus considérés comme un partenaire fiable.
Pékin pourrait évidemment exploiter ces fissures. Car, dès que Xi Jinping décrètera une non-intervention américaine dans le conflit autour de Taïwan, l'île au gouvernement démocratique lui sera servie sur un plateau d'argent. Pékin rêve de ce scénario: ramener la «province dissidente» à sa mère patrie, sans même devoir risquer une guerre contre les Etats-Unis.
Le gouvernement chinois devrait en outre miser sur le fait que Trump, et son fameux «Make America Great Again», se replie toujours plus sur lui-même, se retirant alors du coeur des conflits de ce monde - du Proche-Orient à l'Ukraine.
Mais surtout, les médias de propagande en profitent pour dépeindre les Etats-Unis comme un pays chaotique, au bord du gouffre politique. «On se croirait au théâtre, en pleine controverse. La polarisation et la division entre les deux partis sont extrêmes», écrit en substance le journal du parti Beijing Daily.
Et à la télévision d'Etat, la CCTV, le correspondant à Washington est intervenu en direct devant des magasins fermés, verrouillés avec des lattes de bois par crainte des émeutes. Avec un message implicite: les libertés démocratiques mèneraient en fait à la violence et au chaos. Tout le contraire du Parti communiste chinois, seul garant selon le régime de la stabilité.
(Adaptation française: Valentine Zenker)