Le début de la semaine a offert des images atypiques en Corée du Sud. Des milliers d'enseignants ont protesté au centre de Séoul, devant le Parlement national. Vêtus de noir et brandissant des pancartes, ils déploraient la «triste mort d'enseignants» et réclamaient «l'établissement des faits». Les manifestations, auxquelles se sont joints environ 120 000 enseignants dans toute la Corée du Sud, ont paralysé le pays. Les médias nationaux ont publié des images de salles de classe vides: «Ecole temporairement fermée», a par exemple titré Yonhap, la principale agence de presse.
Que s'est-il passé? Depuis des semaines, le suicide d'une enseignante préoccupe le pays d'Asie de l'Est. En juillet, celle-ci a été retrouvée morte dans son école à Séoul. Selon les médias, elle estimait que son autorité était sapée. Elle aurait subi d'énormes pressions, tant de la part des élèves que des parents, dans le cadre d'une dispute entre écoliers.
L'un a eu lieu jeudi à Séoul, l'autre vendredi dans la ville de Gunsan, située au sud-ouest du pays.
La situation est extrêmement tendue. La Corée du Sud est un pays où l'importance sociale des enseignants est encore bien plus grande que dans les pays européens. Les horaires scolaires s'étendent jusqu'en fin d'après-midi et les enseignants ne sont pas seulement responsables de l'apprentissage des enfants, ils assument aussi des tâches importantes en matière d'éducation. En conséquence, les attentes à l'égard du personnel sont très grandes.
Au cours des deux dernières décennies, le niveau général de l'éducation en Corée du Sud s'est élevé et le marché du travail s'est précarisé. Parallèlement, une orientation de plus en plus compétitive s'est établie dans les écoles du pays. Selon une étude du KTU, syndicat des enseignants, 40% des enseignants sud-coréens risquent la dépression. Selon cette même étude, un enseignant sur six a déjà eu des pensées suicidaires.
Souvent, les enseignants sont suivis de près, harcelés et même menacés dans leur travail par des parents qui veulent que leurs enfants obtiennent les meilleures notes. «Les directeurs d'école n'interviennent jamais», ajoute l'enseignante.
Une autre critique porte sur les conditions de travail. Ainsi, la militante Claire Ham, qui se joint aux protestations, déclare: «Les enseignantes, surtout les plus jeunes, ont souvent des contrats à durée déterminée de deux ans seulement, de sorte qu'elles ne bénéficient pratiquement pas de protection.» Cela rend les enseignants concernés plus vulnérables face à l'exploitation.
Les protestations ne donnent pour l'instant lieu qu'à des changements mineurs. A partir de la nouvelle année scolaire, à l'automne, les enseignants seront autorisés à inspecter les smartphones des élèves si ceux-ci perturbent les cours. Si nécessaire, le personnel enseignant doit pouvoir retirer temporairement leur smartphone aux enfants. Et ceux qui entravent l'apprentissage de la classe pourront également être mis à la porte.
Un autre signal a suivi: Lee Ju-ho, ministre sud-coréen de l'Education, a annoncé mardi que les enseignants ne seraient pas punis pour avoir manifesté et fait grève. Pourtant, le ministre avait annoncé le contraire, tentant apparemment d'éviter des manifestations de trop grande ampleur.
Le fait que Lee Ju-ho ait cédé après une rencontre avec des associations d'enseignantes peut être interprété comme un signe d'ouverture. En Corée du Sud, les manifestations de travailleurs sont souvent sévèrement réprimées et il n'est pas rare que des infractions mineures aux règles soient assorties de peines de prison.
Interprété de l'allemand par Tanja Maeder