Donald Trump aurait pu se rendre dans le Delaware pour rendre hommage aux cercueils de quatre soldats morts en service. Chacun de ses prédécesseurs l’aurait fait. Le président actuel, lui, a préféré faire rentrer de l’argent dans ses caisses privées: il a pris l’avion pour un tournoi dans l’un de ses clubs de golf.
L'organisateur de l'événement sportif? L'Arabie saoudite, grand Etat pétrolier. Les sponsors: la compagnie aérienne saoudienne Riyadh Air, le géant pétrolier Aramco et l’application chinoise Tiktok, dont le sort dépendra bientôt directement d’une décision de Donald Trump. Une journée comme les autres, donc.
L’historienne Anne Applebaum tient le suivi des opérations troubles de Donald Trump. Chacune des pratiques qu’elle recense vaudrait à n’importe quel conseiller fédéral suisse un limogeage immédiat. L'ancien baron immobilier, lui, agit sans entrave: aucun tribunal, aucun parlement, aucune future élection ne l’arrête.
Selon Bloomberg, il aurait déjà doublé sa fortune personnelle depuis le début de son second mandat, pour atteindre environ 5,4 milliards de dollars:
La liste tenue par Anne Applebaum ne cesse donc de s’allonger. David Pepper, spécialiste de la corruption, a même établi un palmarès de ses plus grandes affaires d’enrichissement. En voici une petite sélection.
Donald Trump a lancé ses propres cryptomonnaies, les Trump-Coins, qu’il utilise pour vendre l’accès à sa personne, à la présidence, et à ses faveurs. Les plus gros investisseurs dans ces pièces se voient promettre un dîner avec lui. L’agence Reuters a révélé tous les détails.
Les 220 plus gros détenteurs ont déboursé 148 millions de dollars pour pouvoir dîner avec le président américain dans son club privé. Les 25 investisseurs les plus importants ont à eux seuls versé 111 millions, s’assurant un accès VIP en petit comité. Le premier prix de cette surenchère revient au cryptomilliardaire Justin Sun, avec la modique somme de 18,5 millions de dollars.
Le même Justin Sun, né en Chine, a investi environ 30 millions de dollars dans World Liberty Financial, la cryptobanque des Trump, peu après l’élection de ce dernier. D’après Bloomberg, cette banque a d’abord été un fiasco, comme tant d’autres entreprises estampillées Trump, allant des casinos à la compagnie aérienne, en passant par une université où personne ne voulait investir.
Peut-être à cause du pedigree des associés de Donald Trump: l’un vendait des cours de drague, l’autre des cures de nettoyage intestinal. Mais lorsque Justin Sun a apporté ses millions, la roue a tourné. Quelques mois plus tard, bonne nouvelle pour lui: la SEC, gendarme américain des marchés, a suspendu la plainte contre lui pour fraude.
Acheter des cryptos Trump n’a rien d’attrayant en soi, comme le note Bloomberg. Elles ne donnent aucun droit sur la banque ni possibilité de revente. Mais ce n’est pas le but. L’essentiel des fonds investis transite en réalité vers une autre société de Trump. Bloomberg écrit:
Bien plus simple que de devoir dépenser des millions dans ses hôtels, comme l’avaient fait des Etats du Golfe durant son premier mandat. Deux investisseurs des Emirats arabes unis ont visiblement flairé le filon: l’un a acheté pour 100 millions de Trump-Coins, l’autre, un fonds souverain, a utilisé la cryptobanque de Trump pour investir 2 milliards dans Binance, la plus grosse plateforme crypto au monde.
Leur objectif? Condamné en 2023 pour blanchiment d'argent, le fondateur de Binance espère une grâce présidentielle. Quant aux Emirats, riches mais vulnérables, ils comptent sur le parapluie militaire américain.
Avec les Trump-Coins et la cryptobanque, il est devenu très simple de faire parvenir des millions à Donald Trump. Plus besoin de montages complexes, de sociétés-écrans ou de séjours dispendieux dans ses hôtels. Tout le monde peut participer: citoyens, entreprises, Etats.
Autre levier prisé: les licences Trump pour des projets immobiliers. Hôtels, golfs, résidences portant son nom fleurissent au Moyen-Orient, à Oman, au Qatar, à Dubaï et en Arabie saoudite. Valeur totale: 10 milliards de dollars, selon Bloomberg. Reuters signale aussi des revenus tirés de projets en Inde et au Vietnam.
Toujours le même principe: verser de l’argent ou d’autres avantages à l’homme d’affaires, en échange de faveurs ou, au moins, de sa bienveillance présidentielle.
Ceux qui ne peuvent pas lui transférer directement des millions peuvent embaucher ses proches comme consultants ou administrateurs. Donald Trump Jr. cumule déjà sept mandats de ce genre. Autre option: devenir membre de son nouveau cercle VIP baptisé «The Executive». Ou encore adhérer à son club Mar-a-Lago, où la cotisation annuelle vient de grimper à un million de dollars.
Pour le grand public, Donald Trump ratisse large. Il vend tout ce qui peut se vendre: montres Trump, parfums Trump, baskets Trump, smartphones dorés à 499 dollars, cartes numériques à collectionner… Même ses bibles, les Trump Bibles, sont certifiées sur son site comme «officiellement soutenues par le président». Tout cela peut sembler grotesque, mais Trump en retire plusieurs millions, selon Reuters.
Sur ce marché, il n’y a pas de contrepartie pour les acquéreurs. Personne n’achète des baskets dorées pour obtenir une faveur présidentielle. Mais Donald Trump monétise le prestige de sa fonction comme le ferait un sportif, un chanteur ou encore un influenceur.
Donald Trump lui-même se considère en droit d’agir ainsi. En 2016, il déclarait: «Le président ne connaît pas de conflit d’intérêts». La loi serait donc totalement de son côté.
Ou en tout cas, il s'applique à ce que ce soit le cas. Sous son second mandat, il a supprimé le registre des sociétés-écrans, démantelé les task forces de lutte contre les avoirs volés et affaibli drastiquement le fisc (IRS) via une réduction massive d’effectifs. En parallèle, il facilite l'engrangement de cash, notamment avec une loi visant à promouvoir les stablecoins.
Son fils Eric, lui, n'y voit que du feu. Interrogé par le Financial Times, il a juré, la main sur le cœur:
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder