Macron a de bonnes raisons de risquer une nouvelle humiliation
Il faut reconnaître une qualité à Macron: il ne renonce jamais, même quand l’entreprise semble vouée à l’échec. Maintenant, le président français souhaite discuter avec Poutine d’une possible fin de la guerre. Selon lui, il pourrait être «utile», justement maintenant, de renouer le contact pour se mettre d’accord sur les modalités d’un cessez-le-feu en Ukraine. A Moscou, l’écho ne s’est pas fait attendre: le président russe se dit «prêt au dialogue».
Peut-on espérer un vrai progrès? L’objectif de Macron est double. D’une part, il souhaite remettre les Européens au cœur des négociations sur l’Ukraine, surtout si le président américain Donald Trump venait à se désintéresser du dossier. D’autre part, il refuse de se cantonner à un rôle de simple figurant diplomatique, comme ce fut le cas à Miami pour les délégations britannique, française et allemande. Les Etasuniens avaient négocié séparément avec Russes et Ukrainiens. Des échanges jugés «constructifs», mais qui n’ont encore donné aucun résultat concret.
C’est pourquoi Macron souhaite réactiver son canal direct avec le Kremlin, comme c’était encore le cas juste après le début de la guerre en février 2022. A l’époque, il s’était impliqué sans relâche pour rester en contact avec Poutine: quinze conversations téléphoniques, souvent longues de plusieurs heures, et un voyage à Moscou quelques jours seulement avant l’invasion.
Mais ces efforts s’étaient soldés par une humiliation cinglante. En entrant dans la salle de réunion du Kremlin, Poutine ne s’était même pas levé et l’avait invité à s’asseoir à l’autre bout d’une table interminable.
Quelques jours avant le déclenchement du conflit, un enregistrement avait circulé à Paris. On y entendait Macron tenter sa dernière carte: une proposition de rencontre entre Poutine et le président Joe Biden. Le président russe, lui, n'était pas intéressé par ce qu’il considérait comme des illusions pacifistes: «Pour être franc, je t’appelle depuis un gymnase, je vais jouer au hockey», avait-il lancé.
Une humiliation en entraîne une autre
Le Kremlin n’a jamais caché son mépris pour le président français. Lorsque Macron a réduit les contacts à partir de la mi-2022, Poutine l’avait raillé en le surnommant «Napoléon». La semaine dernière encore, il a traité les dirigeants européens de «porcelets», tandis que Dmitri Medvedev n’a pas hésité à qualifier Macron de «tapette».
Malgré tout, le président français reste déterminé. Selon l’Elysée, le contexte des pourparlers sur l’Ukraine est favorable:
Dans un premier temps, un entretien téléphonique bilatéral avec Poutine semble s’imposer avant une rencontre en personne, d’autant que les tentatives de médiation précédentes n’ont guère porté leurs fruits.
Aux Etats-Unis, lors du sommet «Alaska 2025», le dialogue entre le président russe et le président américain n’avait pas fait évoluer la situation. Trump et Poutine «sont du même côté», explique-t-on à l’Elysée, ce qui rend toute solution difficile.
Une puissance nucléaire à faire respecter
Macron connaît Poutine depuis huit ans et le tutoie. Il échange régulièrement avec ses partenaires européens, Friedrich Merz et Keir Starmer, mais estime qu’une rencontre doit se faire «d’homme à homme». Il assure toutefois vouloir rester «totalement transparent» avec le chancelier allemand, le premier ministre britannique et le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Mais d’où Macron tire-t-il un quelconque mandat européen pour rencontrer Poutine? En réalité, un chef d’Etat français n’en a pas besoin pour agir. Dimanche encore, il a souligné sa stature de leader national en annonçant solennellement qu’il offrirait à la France, à partir de 2038, un porte-avions flambant neuf. Macron a rappelé:
Des diplomates parisiens mettent toutefois leur président en garde contre l’illusion de maîtrise face à Poutine. Elle pourrait éclater comme une bulle de savon. Le scepticisme est général. Cession du Donbass, réduction de l’armée ukrainienne, veto à l’Otan, garanties de sécurité pour Kiev: chacune de ces exigences russes semble aujourd’hui insurmontable. Trop élevées, même pour le président français, fier capitaine d’un futur porte-avions.
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich
