On s'y attendait, il l'a fait. Mardi, Ron DeSantis annonçait le limogeage en bonne et due forme de sa directrice de campagne, Generra Peck. La malheureuse se trouvait sur la sellette depuis quelques semaines déjà, après avoir accumulé les boulettes. Faut dire que promouvoir des vidéos au ton ouvertement homophobe ou truffées de références au nazisme, on a connu plus efficace pour raviver l'intérêt des électeurs.
L'annonce intervient au milieu d'un vaste remaniement de l'équipe de campagne de l'homme qui reste encore, pour l'instant, le principal espoir du parti républicain pour vaincre Trump pour 2024. Pour l'instant. Peut-être plus pour longtemps. Chaque semaine, l'ancien président des Etats-Unis conforte son avance dans les sondages. Pas plus tard que la semaine dernière, le New York Times dévoilait une enquête d’opinion pour le moins dévastatrice.
Pis: 54% affirment que le 45e président, sous le coup de trois inculpations pénales, est «fun». 16% en déclarent autant pour Ron DeSantis. Ce n'est pas demain que le candidat républicain, moqué pour son «manque de magnétisme personnel» et de capital-sympathie, sera choisi par les électeurs républicains pour se marrer autour d'une bonne bière – ou d'un pudding au chocolat.
Certes, tel n'est pas vraiment l'objectif du gouverneur de Floride. Ron DeSantis a basé sa candidature sur la promesse qu'il est un républicain pur souche, plus éligible et plus sérieux que son concurrent. Plus dur, aussi. En appliquant des politiques de plus en plus extrémistes dans son Etat, le défenseur autoproclamé d'un «monde débarrassé du wokisme» entendait dépasser son rival par la droite.
Manque de bol, ça n'a pas marché.
La guerre contre le progressisme est loin d'être la propriété absolue des Américains. «A la fin de la journée, il faut des résultats. Donald Trump est mon homme. Il l'a prouvé au niveau national», clame David Green, 69 ans, du New Hampshire, au New York Times.
Entre les projets de loi drastiques, la lutte contre Disney, les polémiques sur l'esclavage «qui a de bons côtés» ou sur sa promesse de «commencer à trancher des gorges» (les employés fédéraux, précisons), pas étonnant non plus que d'autres donateurs de droite, plus modérés, commencent à flipper. C'est le cas de Robert Bigelow, principal donateur individuel de Ron DeSantis, qui vient de ranger son chéquier.
Bref, Ron DeSantis est coincé. Quelque part entre l'envie de rallier la plus grande faction du parti républicain, qui soutient encore Trump de manière indéfectible, et un plus petit groupe de dissidents, à la quête d’un nouveau leader.
Heureusement, Ron DeSantis a pigé que sa stratégie de campagne n'avait pas tout à fait fonctionné jusqu'à présent. Il est prêt à changer. Pas tant sur son positionnement idéologique. Les esclaves, les droits des femmes ou les fonctionnaires, non. C'est plutôt du côté de son personnel que Ron DeSantis est allé chercher la source de ses problèmes.
Justement, les finances du candidat sont presque aussi désolantes que les sondages d'opinion. Avant d'être graciée par son patron, l'ancienne directrice Generra Peck a reconnu, lors d'une réunion de crise le mois dernier, que la campagne avait dépensé trop d'argent pour intensifier ses opérations. Elle doit désormais se tourner vers une forme plus légère.
Près de 30% du personnel de campagne a ainsi giclé dès la mi-juillet. Rien de nouveau sous le soleil de Floride: depuis qu'il a été élu au Congrès en 2012, l'inconstance est une constante dans les équipes de Ron DeSantis.
Un cure d'amaigrissement financière qui n'a pas empêché le républicain, le matin-même de l'annonce, de sauter dans un jet privé pour aller collecter des fonds dans le Tennessee. Ron et sa femme Casey n'ont pas posé le pied sur un vol commercial depuis des années et ne comptent pas commencer de sitôt. Même si cette habitude pèse lourdement dans le budget de campagne.
Pour remplacer sa directrice, le gouverneur n'est pas allé chercher bien loin. Habitué à s'entourer de collaborateurs loyaux, il vient d'élire James Uthmeier, 35 ans, son actuel chef de cabinet et l'un de ses principaux conseillers politiques au gouvernement de Floride, pour occuper la place vacante.
S'il n'a jamais géré de campagne électorale de sa vie, ce conseiller parmi les plus fidèles, fiables et farouchement conservateurs de Ron DeSantis bénéficie, en outre, de l'aval de Madame DeSantis. Un sérieux atout. Casey conserve jalousement son rôle d'yeux et d'oreilles du gouverneur.
Inexpérimenté, peut-être, mais James Uthmeier a la niaque. Au fil de ses années de serveur, l'assistant s'est taillé une réputation de conservateur enragé dans les cercles politiques de Floride. Il a joué un rôle-clé dans presque toutes les politiques conservatrices et controversées qui ont construit la marque DeSantis - de la gestion de la pandémie de Covid aux politiques anti-LGBT et antiavortement. Un choix de direction surprenant, donc, alors que plusieurs donateurs enjoignent le candidat à modérer ses positions.
Le trentenaire évite soigneusement de qualifier sa promotion dans la campagne de «reboot» (redémarrage, en anglais). Un mot méprisé dans une campagne politique, où les conseillers préfèrent parler de «reloading» (rechargement).
Qui dit nouveau staff, dit aussi nouvelle stratégie. Plus question de jeter des millions de dollars par la fenêtre. Ron DeSantis prévoit des événements de campagne plus modestes et moins coûteux dans les premiers Etats de la primaire républicaine: Iowa, New Hampshire et Caroline du Sud.
Autre revirement surprenant de la part du candidat en déroute: son retour dans les médias grand public. Il y a deux jours, Ron DeSantis accordait sa première interview à NBC News, quelques mois seulement après qu'un porte-parole ait affirmé qu'il boycottait le réseau. Un entretien qui a fait grand bruit. Après trois ans à tourner autour du pot, c'est la première fois que l'ex-protégé de Trump reconnait sa défaite lors de l'élection de 2020.
Pas sûr que cela suffise à renverser la tendance, même s'il affirme qu'il préfère «de loin être sous-estimé». Jamais un candidat accusant 30 points de retard dans les sondages n'a réussi à remporter une primaire. Face à Donald Trump, Ron DeSantis a encore tout à prouver.