Il est rare d'apercevoir l'éclat d'une casquette «Make American Great Again» au coeur de Manhattan. Ce 27 octobre, c'est pourtant une marée de couvres-chef et de pancartes TRUMP-VANCE qui s'est abattue sur l'arène emblématique du Madison Square Garden, pour un meeting aussi symbolique que décrié.
Près de 200 000 personnes auraient tenté de se dégotter une place, selon l'équipe de campagne de Donald Trump, à l'un des évènements les plus importants et les plus craints de cette campagne. Un rallye annoncé depuis des semaines par les opposants du milliardaire républicain comme un «rassemblement nazi».
En fin d'après-midi, la fête commence. Alors que les «USA, USA, USA» retentissent par intermittence dans les gradins rouge-blanc-bleu, tout le who's who de la droite dure américaine et du parti républicain se succède pour mettre l'ambiance avant l'arrivée du principal intéressé.
L'humoriste Tony Hinchcliffe est le premier à «s'illustrer», avec un sketch jonché de plaisanteries douteuses et racistes à l'encontre des Latinos et des Noirs.
Si la plaisanterie fera un flop dans la salle, elle aura pour mérite de convaincre le chanteur de renommée planétaire, Bad Bunny, d'origine portoricaine, d'apporter son soutien à Kamala Harris. Un appui que la démocrate attendait depuis longtemps. Oups.
Pas de gaffe aussi dramatique chez les autres pom pom girls de l'ancien président conviées au Madison Square Garden. Que ce soit de la part du patron de la Chambre des représentants, Mike Johnson, ou de l'ancien candidat à la Maison-Blanche, le virulent mais dangereusement doué Vivek Ramaswamy: «Laissez-moi vous dire quelque chose que les médias ne veulent pas que vous sachiez...», susurre le chouchou de l'extrême droite sur le ton de la confidence, à un public tout ouïe.
Après l'ancien candidat indépendant Robert F. Kennedy Junior, au tour de l'inévitable Tucker Carlson d'être accueilli par une standing ovation. Entre deux éclats de rire hystériques, l'ex-icône de la chaîne Fox News lance une poignée de louanges à Donald Trump et de saillies à sa rivale démocrate dans la course à la Maison-Blanche.
Rien de tel pour lui succéder que le showman et ancien catcheur Hulk Hogan, armé d'un boa en plumes fluorescentes, de crachats sur la scène et de testostérone dégoulinante.
L'ex-catcheur ne manquera évidemment pas d'arracher son marcel, avant que le colistier de Trump, le sénateur JD Vance, ne prononce dans la foulée une allocution autrement moins exotique.
Après avoir asséné ses promesses habituelles, le sénateur de l'Ohio cède la tribune à l'un des duos les plus exposés et les plus actifs de la campagne, Eric et Lara Trump. Sur fond de The Final Countdown d'Europe, le fils cadet de Trump et son épouse, accessoirement co-présidente du comité national républicain (RNC), se chargent de maintenir la température à bon niveau. Au programme, quelques théories du complot sur les élections volées et un rappel des dernières tentatives d'assassinat de Trump.
Puis vient le tour d'une autre idole des trumpistes. Donald Junior, chien de garde féroce de son père et troll assumé sur les réseaux sociaux. Au micro, le fils aîné s'empare avec délice du thème de l'inflation: «L’été dernier, je revenais d’une partie de pêche avec deux de mes garçons et nous sommes allés chez McDonald’s. C’était 48 dollars pour un enfant de 10 ans, un autre de 14 ans et moi», détaille-t-il.
En guise de cerise rouge vif sur ce gâteau déjà copieux, pour ne pas dire indigeste, celui qu'on annonce comme «le plus grand capitaliste des Etats-Unis d'Amérique» déboule sur la scène du Madison Square Garden.
Elon Musk.
Tout de noir vêtu, casquette «dark MAGA» en lettres gothiques vissée sur le crâne, le fantasque patron de Tesla appelle les troupes à se mobiliser et à voter avant l'élection du 5 novembre, pendant que résonnent des «Elon, Elon, Elon» enthousiastes.
C'est à lui qu'incombe la mission d'introduire la prochaine intervenante. Paradoxalement, la personne la plus et la moins attendue de cet évènement. Melania Trump, en robe zébrée, pour l'une de ses toutes premières prises de parole depuis le début de la campagne électorale de son mari.
L'ancienne première dame livrera un discours bref, plus économique que politique, axé sur la «prospérité» et un «avenir meilleur» pour la nation, sous les acclamations d'une foule en transe qui lui braille son amour. «I love you too!» roucoule avec ravissement celle qui s'est rendue légendaire pour sa discrétion.
«Et maintenant... veuillez accueillir le prochain commandant en chef de notre pays, Donald J. Trump!» conclut l'ancienne first lady avec un sourire radieux. L'hymne de prédilection de l'ancien président, God Bless the USA de Lee Greenwood, s'élève dans les airs.
Posé, à l'aise, l'éternel sourire en coin, Donald Trump s'avance sous les acclamations surexcitées de ses supporters. Il prend son temps, savoure, embrasse sa femme. Le couple s'échange quelques mots à l'oreille avant que l'homme de la soirée ne prenne la parole. S'inspirant de son modèle, l'ancien président Ronald Reagan, le candidat demande à la foule si elle s'estime «mieux lotie qu'il y a quatre ans». Un «non!» tonitruant fait office de réponse.
Au républicain de dérouler ses promesses maintes fois répétées. Stopper l'inflation, l'immigration illégale, rendre sa grandeur à l'Amérique, offrir un «nouvel âge d'or». «Mardi prochain, vous devez vous lever et dire à Kamala Harris: 'Vous avez fait un travail épouvantable'. Dire à Joe Biden le corrompu qu'il a fait un travail épouvantable», appelle Donald Trump.
Après un discours de plus d'une heure, les remerciements d'usage et les mêmes attaques envers Kamala Harris (la «marxiste d'extrême-gauche» responsable d'avoir «détruit» ce pays), le candidat de 78 ans tire sa révérence. Non sans lâcher son éternelle promesse de «Make America Great Again» et esquisser les quelques pas de danse qui font sa marque de fabrique.
New York, New York de Frank Sinatra résonne dans le Madison Square Garden. Un stade historique dont les murs, sans avoir abrité de nouveau «rassemblement nazi» ce dimanche 27 octobre, garderont certainement cet évènement en mémoire.