Le très médiatique procès des viols de Mazan connaît son épilogue ce jeudi. La cour criminelle de Vaucluse a reconnu coupable Dominique Pelicot et ses 50 coaccusés, jeudi matin à Avignon, clôturant ainsi quatre mois d'audiences.
Dominique Pelicot, l'accusé principal du procès des viols de Mazan, a été reconnu coupable de viols aggravés et de tous les chefs d'accusation le concernant. Il a pendant une décennie drogué son ex-épouse aux anxiolytiques avant de la violer et la livrer à des dizaines d'inconnus recrutés sur internet.
Le «chef d'orchestre» des viols a également été reconnu coupable d'enregistrement et de détention d'images prises à leur insu de sa femme, de sa fille et de ses belles-filles. Toutes sont présentes dans la salle d'audience.
Sans surprise, Dominique Pelicot a finalement été condamné à la peine maximale de 20 ans de prison. À cette sentence est associée une peine de sureté des «deux tiers», a précisé le président de la cour criminelle de Vaucluse, Roger Arata, ajoutant qu'en fin de peine, sa situation «fera l'objet d'un réexamen pour juger de sa sureté».
Il sera en outre inscrit au fichier national des délinquants sexuels.
Lundi, lors de sa dernière prise de parole, il avait prié sa famille «d'accepter ses excuses», tout en saluant le «courage» de son ex-femme, Gisèle, aujourd'hui âgée de 72 ans.
«On m'a affublé de titres, j'ai plutôt l'intention de me faire oublier», avait prévenu celui qui a été décrit par plusieurs avocats des coaccusés comme «l'ogre de Mazan», un «loup» qui aurait piégé leurs clients en leur faisant croire au scénario d'un couple libertin où l'épouse ferait semblant de dormir.
Sa fille Caroline, qui ne le désigne plus que comme son «géniteur», avait estimé à la barre qu'il était «un des plus grands criminels sexuels des 20 dernières années».
Il avait ensuite expliqué que «la privation de ne plus voir les siens est pire que la privation de liberté»: «Je peux dire à toute ma famille que je les aime. Voilà, vous avez le reste de ma vie entre vos mains», avait-il conclu en direction des cinq magistrats professionnels de la cour.
Les 50 coaccusés, des hommes de 27 à 74 ans, ont tous également été déclarés coupables ce jeudi. Leurs condamnations vont de trois ans d'emprisonnement dont deux avec sursis à 13 ans de réclusion.
Fin novembre, le ministère public avait réclamé de 10 à 18 ans de réclusion contre 49 des coaccusés, jugés pour viols aggravés ou tentative de viol, et quatre ans de prison contre le dernier, poursuivi pour «attouchements» sur Gisèle Pelicot. Ces réquisitions étaient plus sévères que la moyenne des condamnations pour viols en France, qui était de 11,1 ans en 2022, selon le ministère de la Justice.
«Noël en prison, Pâques en zonzon», «la honte a changé de camp. Et la justice ?»: les collages du collectif féministe des Amazones d'Avignon, dans la nuit, résumaient la pression sur les cinq juges professionnels de la cour.
Après trois mois et demi d'audience, la cour criminelle de Vaucluse était partie délibérer lundi matin vers 10h30, après avoir donné une dernière fois la parole aux 51 accusés.
Les trois enfants du couple, David, Caroline et Florian, étaient arrivés ensemble au tribunal vers 08h30, fendant une foule de spectateurs, militants et journalistes. Leur mère Gisèle était elle arrivée séparément et souriante, sous les bravos, un peu après 09h00, accompagnée de ses deux avocats.
Cette décision, dans un palais de justice d'Avignon sous haute protection policière, était scrutée de près, en France comme à l'étranger, tant ce procès a provoqué une onde de choc, depuis son ouverture le 2 septembre, devenant emblématique des questions autour des violences sexistes et sexuelles et plus largement des rapports hommes-femmes.
Dans son réquisitoire, Laure Chabaud, l'une des deux représentantes du ministère public, avait espéré que la décision de la cour dépasse le sort de ces accusés et envoie «un message d'espoir aux victimes de violences sexuelles».
A l'inverse, les avocats de la défense ont formulé une trentaine de demandes d'acquittement pour leurs clients qui, selon eux, ont été «manipulés» par le «monstre», le «loup» ou encore «l'ogre» Dominique Pelicot. Sans succès donc.
La tension était palpable dans la salle d'audience, où un important dispositif policier avait été déployé. Reconnus coupables, plusieurs des 32 accusés ayant comparu libres devraient en effet dormir jeudi soir derrière les barreaux.
Prêts à cette éventualité, la plupart étaient d'ailleurs arrivés à l'audience avec un sac contenant quelques vêtements, a constaté un journaliste de l'AFP. En pleurs, l'un d'eux avait longuement étreint sa compagne avant de rentrer dans la salle.
Hors norme par sa durée, le nombre d'accusés, mais surtout l'atrocité des faits reprochés, ce procès a déjà marqué l'histoire. Dans les rangs des associations féministes et des parties civiles, l'espoir est grand de le voir faire évoluer les mentalités sur les viols, tentatives de viols et agressions sexuelles déclarés chaque année par plus de 200 000 femmes en France.
Cette affaire aura également permis d'incarner le fléau des violences sexuelles, à travers la figure de Gisèle Pelicot, qui de victime anonyme s'est muée au fil des semaines en une icône féministe exhortant les femmes «à ne plus se taire» afin que «la honte change de camp».
«Merci Gisèle», clamait une banderole accrochée aux remparts de la vieille ville d'Avignon jeudi matin, face au tribunal. (jzs/ats).