Cette année, le mois de septembre a été particulièrement arrosé en Suisse. Dans une large partie du pays, les quantités de précipitations ont été nettement supérieures à la norme des 30 dernières années, rapportait MétéoSuisse la semaine dernière. Le début de l'été a également été très pluvieux.
Une situation qui risque d'intéresser tout particulièrement les villes. En effet, les espaces urbains influencent les précipitations et sont sujets à des épisodes pluvieux plus violents et plus localisés que les zones alentour. C'est ce qu'affirme une nouvelle étude de l'Université de Lausanne (Unil), portant sur le lien entre les villes et les précipitations. Chercheuse à la Faculté des géosciences et de l’environnement de l’Unil et première autrice de la recherche, Herminia Torelló-Sentelles explique:
De quelle manière les villes influencent-elles les précipitations?
Herminia Torelló-Sentelles: Nous avons constaté que les orages violents naissent plus fréquemment au-dessus des villes qu'au-dessus des régions rurales environnantes, qui sont moins touchées par le phénomène. Autrement dit, les villes créent des orages. De plus, les espaces urbains peuvent rendre les précipitations plus intenses et concentrées.
Comment explique-t-on cette situation?
Il y a essentiellement trois facteurs. Tout d'abord, les villes sont plus chaudes que les régions rurales les entourant. Elles sont construites avec des matériaux tels que l'asphalte ou le béton, qui absorbent et restituent une grande partie de la chaleur. Par conséquent, les zones urbaines attirent l'air humide et froid des régions voisines, et le soulèvent directement au-dessus de leur surface.
Et les autres facteurs?
Une ville peut être considérée comme une petite montagne, elle agit comme un obstacle: en raison de sa présence physique, elle soulève l'air qu'elle attire. Tout comme l'effet de température, cela peut intensifier les précipitations. Le troisième facteur est la présence d'aérosols. Les villes sont polluées, notamment à cause des transports. Ces particules de pollution, appelées aérosols, ont également un impact sur les précipitations.
Qu'en est-il de la concentration des pluies?
Nous avons comparé les caractéristiques des pluies à l'extérieur et au-dessus des villes. Le premier résultat est que les précipitations sont plus intenses au-dessus des zones urbaines, sur lesquelles il tombe donc davantage d'eau. Une autre constatation est que la structure des précipitations, c'est-à-dire la façon dont elles sont réparties dans l'espace, est différente. Dans la plupart des villes analysées, les précipitations sont également plus concentrées. Cela veut dire que davantage de pluie tombe sur une zone plus petite.
Pourquoi?
Il faut savoir que les villes sont très imperméables. Lorsqu'il pleut, l'eau n'a nulle part où aller. En raison des matériaux de construction, elle ne parvient pas à s'infiltrer dans le sol. Si les précipitations sont plus concentrées, elles peuvent saturer le système d'évacuation des eaux, ce qui peut entraîner des inondations.
C'est déjà le cas aujourd'hui?
Oui. Pour notre étude, nous avons utilisé sept années de données radar météorologiques, datant de la période allant de 2015 à 2021. Cela dit, les choses risquent d'empirer à l'avenir.
Pourquoi?
Tout d'abord, avec le réchauffement climatique, les précipitations deviennent de plus en plus extrêmes. A cela s'ajoute le fait que les zones urbaines vont devenir de plus en plus grandes. On s'attend à ce qu'une partie toujours plus large de la population mondiale se déplace vers les villes. Dans notre étude, nous avons constaté que, plus une ville est grande, plus l'effet d'intensification augmente.
Comment peut-on atténuer ce danger?
Une bonne façon de s'adapter à ces conditions serait de rendre les villes plus perméables. Cela peut se faire en augmentant le nombre d'espaces verts, afin que l'eau puisse être mieux absorbée. Deuxièmement, il faudrait améliorer ou étendre les réseaux de drainage et d'égouts, afin qu'ils puissent gérer des volumes d'eau plus conséquents. Une solution indirecte consisterait à refroidir les villes, à faire baisser les températures, afin de réduire l'effet d'intensification.
Vous avez étudié huit villes américaines et européennes. Vos conclusions peuvent-elles s'adapter également à la Suisse?
Nous avons essayé d'étudier un grand nombre de villes présentant des caractéristiques différentes, afin de pouvoir dégager des tendances. En Suisse, les zones urbaines sont généralement plus petites que celles que nous avons analysées, ce qui porte à dire que l'effet pourrait être plus modéré. Mais le problème principal est qu'en Suisse, il n'y a pas de villes idéales à étudier.
Pour cette raison, nous n'avons pas étudié les villes suisses, car il n'est pas possible d'isoler les effets urbains des autres. Nous avons besoin de plus d'études pour nous concentrer sur les villes à l'environnement complexe.