Nikki Haley est une politicienne disciplinée. Pour obtenir des voix et l'approbation de ses électeurs, chaque mot, chaque punchline de la candidate, sont calculés. Maîtrisés. Pourtant, mardi, pour la première fois, la voix de l'ancienne gouverneure de Caroline du Sud s'est brisée. La gorge nouée, les larmes aux yeux, elle a déclaré:
Nikki Haley starts crying while discussing her husband, who is deployed overseas with the National Guard:
— The Recount (@therecount) February 20, 2024
“I wish Michael was here today, and I wish our children and I could see him tonight, but we can't.” pic.twitter.com/KW5k8XHNlY
Son époux, Michael Haley, se trouve en effet en plein service militaire sur une base américaine à Djibouti. L'officier de la garde nationale doit se contenter de suivre la campagne de sa femme à la primaire républicaine à distance. Pourtant, le nom revient de Michael régulièrement dans l'actualité - notamment parce que Donald Trump a récemment affirmé que l'officier s'était porté volontaire pour échapper à sa femme.
Les larmes qui ont ponctué la fin de ce discours de 26 minutes ont menacé d'éclipser le message du discours en lui-même. «Je refuse d'abandonner», a réitéré la républicaine qui, malgré de mauvais sondages, n'a aucune intention de jeter l'éponge. Nikki Haley l'a promis: malgré une défaite prévisible lors de la primaire en Caroline du Sud ce samedi, elle continuera à se battre pour être désignée candidate républicaine à la présidence.
Rien d'étonnant à cela. Si Nikki Haley ne souhaite pas s'étendre publiquement sur sa stratégie - du moins pas avec un représentant d'un média étranger -, le discours qu'elle a répété ces derniers jours dans l'Etat de Caroline du Sud laisse entrevoir le plan ambitieux de l'ex-gouverneure. Contrairement à son adversaire Donald Trump, la candidate s'efforce de faire et battre campagne. Elle a parcouru son Etat en long et en large, se forgeant ainsi une coalition de républicains frustrés et d'électeurs critiques à l'égard de l'ancien président, qui pourrait s'étendre au-delà de son Etat.
Dans ses discours, la républicaine rabâche ses trois priorités. Tout d'abord, une ligne dure en matière de politique d'immigration: à l'instar de son concurrent, Nikki Haley exige l'expulsion de millions de personnes qui séjournent illégalement dans le pays. Une promesse qui lui vaut à chaque fois des applaudissements nourris. Deuxièmement, l'OTAN. En faisant l'éloge du pacte de défense atlantique, la candidate satisfait l'aile pro-militariste de son parti. Enfin, elle ne mâche pas ses critiques à l'égard de ses camarades de parti à Washington, pour la lenteur des débats sur un nouveau paquet d'aide à l'Ukraine.
Mais s'il y a bien un thème sur lequel Nikki Haley s'emballe, c'est quand il s'agit de s'en prendre à Donald Trump. Cet homme «anormal», ce «désastre» qui a «perdu son sang-froid». Ce milliardaire tellement préoccupé par lui-même qu'il en a oublié les soucis quotidiens de ses concitoyens. Un ex-président qui a la «trouille» de Vladimir Poutine et qui s'abstient consciencieusement de critiquer le président russe.
Selon Nikki Haley, le Grand Old Party (GOP) souffre des excès à répétition de Donald Trump, régulièrement sanctionné par les électeurs depuis 2018. D'où une question rhétorique:
Dans le public, ces paroles inhabituellement univoques et limpides suscitent l'approbation. Les critiques de Donald Trump à l'encontre de l'armée sont une «honte», crie une femme âgée, à Rock Hill. «Enfermez-le!» lance un homme plus jeune, à Camden.
En conversant avec les électeurs, il s'avère que l'aversion pour Donald Trump est le ciment qui maintient cette singulière coalition Haley. «Je ne l'aime pas», crache James Atkinson, un vétéran de la guerre du Vietnam. Et cette aversion personnelle éclipse tout le reste, même si le septuagénaire se positionne à l'extrême droite de l'échiquier politique.
Amelia Schafer, une enseignante de maternelle qui se dit démocrate, nous évoque son ras-le-bol de Trump. En 2020, elle a voté à contrecœur pour le président de l'époque; mais depuis qu'il a refusé de reconnaître sa défaite électorale, elle a tiré un trait définitif. L'électrice, qui se dit profondément croyante, ne supporte pas la méchanceté et les moqueries de Donald. Elle cite une sagesse attribuée à Abraham Lincoln:
Un slogan qui pourrait tout aussi bien être celui de Nikki Haley. La républicaine aime rappeler à son public que les Etats-Unis sont un pays dont on peut être fier - notamment parce qu'il lui a donné sa chance, à elle, la fille d'immigrés venus d'Inde. Il ne lui manque plus qu'un peu de chance pour atteindre son objectif - quelques défaites embarrassantes de Donald Trump devant les tribunaux pourraient lui donner un coup de pouce. C'est du moins ce qu'elle espère.