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Trump veut des élections en Ukraine et ça arrange Poutine

Cette exigence de Trump profite à Poutine

En réclamant des élections immédiates, Trump reprend la rhétorique russe et accentue la pression sur une Ukraine fragilisée légalement, militairement et démocratiquement.
10.12.2025, 20:5610.12.2025, 20:56
Christoph Cöln / t-online
Un article de
t-online

Si les Etats-Unis et l’Europe garantissaient la sécurité du pays, le président ukrainien Volodymyr Zelensky serait prêt à organiser des élections dans un délai de 60 à 90 jours. Y compris pendant la guerre en cours avec la Russie. Comme l’a rapporté l’agence Interfax-Ukraine, le chef de l’Etat a expliqué:

«J’en ai la volonté et me tiens disponible pour cela»

Le président ukrainien a fait cette déclaration au lendemain de ce que l'on ne peut pas nommer autrement qu'un coup de pression lancé par son homologue américain Donald Trump. Dans un entretien avec Politico, ce dernier a prononcé une phrase pour le moins stupéfiante au sujet de l’Ukraine:

«Vous parlez certes d’une démocratie, mais à un moment donné, ce n’en est plus une»

Pour le locataire de la Maison blanche, il n'y a qu'une manière d'y remédier: les éléction. Il affirmait à ce propos par ailleurs que, lors de nouvelles élections, le président ukrainien ne récolterait que 4% des voix.

Ils en pensent quoi les Ukrainiens?

Or, selon le dernier sondage de l’Institut international de sociologie de Kiev, environ 20% des Ukrainiens voteraient toujours pour Volodymyr Zelensky en cas d’élection. Toutefois, seuls 22% de la population se prononcent actuellement en faveur de la tenue d’un scrutin.

Il est également vrai que la popularité du président a fortement souffert des récents scandales de corruption. Malgré cela, Zelensky demeure légèrement en tête des intentions de vote, devant l’ancien commandant en chef des forces armées ukrainiennes, Valeri Zaloujny particulièrement apprécié dans le pays.

Ca va être compliqué de voter

Outre la question de la sécurité et de ce que disent les sondages, l'Ukraine est face à un obstacle légal. La loi concernant les élections dans le pays devrait aussi être adaptée. C'est pour cela que le président ukrainien a demandé aux députés de son camp de préparer les modifications législatives nécessaires.

En effet, la loi martiale ukrainienne interdit explicitement jusqu'à présent la tenue d’élections présidentielle, législatives ou communales. Si cette loi peut être modifiée, la Constitution ne permet des élections législatives qu’après une levée de la loi martiale.

Depuis l’attaque russe de 2022, aucune élection n’a donc eu lieu en Ukraine. Le mandat régulier du Zelensky était censé expirer en mai 2024, celui du Parlement en août 2024. Des élections communales auraient dû se tenir fin octobre 2025.

L'ombre russe sur les urnes

En Ukraine, on craint que la Russie ne manipule des élections, et mette en place un gouvernement-marionnette fidèle au Kremlin. La question de la participation de l’ensemble des électeurs ukrainiens reste également ouverte. Plus de 5,8 millions d’Ukrainiens ont fui le pays, selon les Nations unies. Et plusieurs millions vivent dans les territoires occupés par la Russie.

Ce cadre juridique n’a rien de spécifique à l’Ukraine. Dans de nombreux pays, il est courant qu’en période de guerre aucune nouvelle élection ne puisse se tenir. En Allemagne, par exemple, l’article 115h de la constitution prévoit que la législature du Bundestag ne s’achève que six mois après la fin de l’état de défense, si elle devait normalement se terminer en temps de conflit. Les mandats des juges du Tribunal constitutionnel peuvent eux aussi être prolongés de six mois et celui du président fédéral de neuf.

Les mots du Kremlin

Donald Trump n'en n'est pas à son coup d'essai sur le sujet, il avait déjà plaidé pour que des élections soient organisées dans ce pays ravagé par la guerre. Depuis des mois, il accuse Volodymyr Zelensky d’être un «dicateur» dépourvu de légitimité démocratique, reprenant ainsi presque mot pour mot la rhétorique du Kremlin. Vladimir Poutine dénonce, en effet, depuis des années, un «régime fasciste» à Kiev et reproche, à Zelensky depuis mai 2024 de se maintenir au pouvoir sans mandat.

Mais les choses ne se sont pas arrêtées là. Dans son entretien accordé au magazine Politico et publié mardi, Donald Trump a de nouveau repris presque mot pour mot le récit du Kremlin. Il affirme que les troupes russes en Ukraine se trouvent dans une situation désespérée, et que la chute de Kiev ne serait plus qu’une question de temps. La Russie a clairement l’avantage, a résumé le président américain. Selon lui, Volodymyr Zelensky devrait désormais jouer la balle, une allusion à de possibles négociations de paix.

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Donald Trump estime que la démocratie est menacée en Ukraine.Image: keystone

Moscou exige de l’Ukraine d’importantes concessions territoriales ainsi que d’autres concessions qui portent directement atteinte à l’intégrité du pays. En présentant Kiev comme le futur perdant de la guerre, Trump renforce ce projet du Kremlin. Il a affirmé dans l'entretien à Politico:

«Je rends un grand hommage au peuple ukrainien et à son armée pour leur courage, leur combativité et tout le reste. Mais vous savez, à un moment donné, c’est toujours le plus fort qui l’emporte, c’est normal.»

Alors que les Etats-Unis, sous la présidence Trump, accroissent continuellement la pression sur l’Ukraine et sur l’Europe, Vladimir Poutine voit ses objectifs se rapprocher. Selon plusieurs experts, le Kremlin est parvenu ces derniers mois à diffuser l’idée que ses forces seraient sur le point de s’emparer du Donbass. Une interprétation que démentent non seulement des analystes militaires occidentaux, mais aussi des blogueurs de guerre russes.

Un diplomate européen a confié au magazine Politico:

«Nous ne pensons pas que l’Ukraine soit en train de perdre. Si la Russie était réellement aussi puissante, elle aurait pu mettre fin à la guerre en 24 heures.»

Il ajoute:

«Et si les Etats-Unis sont convaincus que la Russie est en train de gagner, qu’est-ce que cela signifie? Faut-il alors tout lui céder? Ce n’est pas une paix durable. Vous récompensez les Russes pour leur agression, et ils en voudront davantage. Non seulement en Ukraine, mais aussi en Europe.»

De son côté, Volodymyr Zelensky a rétorqué:

«La Russie exige sans aucun doute que nous cédions des territoires. Nous ne voulons rien céder. C’est pour cela que nous nous battons.»

Il a rappelé que la Constitution ukrainienne n’autorisait pas le président à consentir des concessions portant atteinte à l’intégrité territoriale du pays. Pour abandonner des territoires selon les souhaits de Moscou, il faudrait d’abord une révision constitutionnelle, tout comme pour organiser de nouvelles élections.

«Nous sommes pris en étau»

C’est dans ce context explosif que survient l’interview de Donald Trump. Pour les experts, le moment choisi pour exiger des élections en Ukraine n’a rien d’un hasard. Non seulement l’Ukraine traverse une période de fragilité politique, mais l’Europe elle-même apparaît divisée, affaiblie, parfois même paralysée. Le spécialiste allemand des affaires étrangères, Norbert Röttgen, a constaté ce week-end, à la lumière de la nouvelle doctrine de sécurité américaine, que les Etats-Unis ne se tenaient plus aux côtés des Européens.

Selon Norbert Röttgen, l’objectif de l’administration Trump serait «d’influencer notre ordre constitutionnel interne selon les orientations idéologiques actuelles du mouvement Maga», comme il l’a déclaré au Redaktionsnetzwerk Deutschland (RND):

«Nous sommes pris en étau: d’un côté, la souveraineté de l’Europe est attaquée par la guerre menée par la Russie, de l’autre, notre démocratie est mise sous pression de l’intérieur par les Etats-Unis.»

Pendant ce temps, Volodymyr Zelensky poursuit inlassablement sa tournée en Europe. Mardi, le président ukrainien s’est rendu auprès de la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, puis auprès du pape Léon XIV dans sa résidence de Castel Gandolfo. Celui-ci n’a pu que souligner «la nécessité de poursuivre le dialogue» et exprimer son souhait d’une paix juste et durable. Mercredi, il rencontrait le Britannique Keir Starmer et le Français Emmanuel Macron.

Traduit de l'allemand par Joel Espi

Vladimir Poutine dans tous ses états
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Vladimir Poutine dans tous ses états
Poutine en mode chasseur, 2010.
source: ap ria novosti russian governmen / dmitry astakhov
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