Holy shit, le roi Charles III est malade. Après avoir subi une opération pour une hypertrophie de la prostate, voilà que les Britanniques viennent d'apprendre que leur monarque est atteint d'un cancer. Pour l'aider à se remettre, ils vont sans doute entonner, à l'heure du tea time avec des scones, leur hymne, God Save the King.
Mais savent-ils seulement que la plus célèbre des fistules anales, française qui plus est, est à l'origine de la chanson?
À l'origine, la chanson n'avait rien de particulièrement British. Mais elle concernait bel et bien quelque chose de royal. Le royal postérieur de Louis XIV. Et plus précisément sa royale fistule anale.
Expliquons d'abord ce qu'est une fistule anale (je n'aurais jamais autant écrit ces mots de ma vie dans le cadre professionnel, ni dans n'importe quel cadre d'ailleurs). Il s'agit d'un abcès très (très très très très) mal placé, puisqu'il se situe entre le rectum et une glande anale.
Situons maintenant l'époque dans laquelle cette charmante histoire se déroule. Nous sommes en 1686 et le noble arrière-train du roi de France, Louis XIV, ou le Roi Soleil pour les intimes, souffre. Des médecins lui prodiguent des lavements, en utilisant un clystère en métal (oui, cet engin est aussi barbare que ça en a l'air). Il s'agit d'une sorte de grosse seringue à enfiler dans le popo.
Rappelons au passage que la stérilisation n'a été inventée qu'environ 130 ans plus tard. Nous disions donc, Louis XIV subit des lavements pour soigner sa fistule anale, en vain. Fagon, le médecin du roi, lui suggère donc de boire de l'eau minérale, ce qui ne plaît pas du tout au Roi Soleil. Qui plus est, son état s'aggrave.
Afin d'éviter au roi de mourir dans d'atroces souffrances, et si jeune (le pauvre bougre n'a que 48 ans en 1686), Louvois, un de ses principaux ministres, a une idée. Il lui conseille d'aller voir son barbier-chirurgien.
Permettons-nous un nouveau point historique: jadis, ou naguère si vous préférez, il est parfaitement normal d'aller chez son barbier-chirurgien pour un tel pépin au popo. Mais pourquoi donc, vous demandez-vous? Jusqu'au milieu Moyen Âge, ce sont les religieux qui ont le monopole de la pratique médico-chirurgicale. Mais l'Eglise finit par réaliser que ses fidèles consultent davantage les prêtres pour la bobologie que pour le salut de leur âme. trop, c'est trop. En 1163, à l'issue du concile de Tours, un nouveau décret est publié:
Une décision qui interdit désormais à tout homme d'Eglise de faire joujou avec des objets tranchants sur les fidèles. Ou de pratiquer la chirurgie, mais à l'époque, ça revient au même. Bref. Selon le chirurgien cardiaque Jean-Noël Fabiani, né environ 300 ans après Louis XIV, la raison de cette double casquette des barbiers-chirurgiens est simple (quoique bancale sous le spectre de notre époque contemporaine):
Charles-François Félix, qui possède un triple nom et la double casquette de barbier-chirurgien, est mandaté pour s'occuper du roi. Mais il n'est pas totalement serein. Il déclare même au monarque être inquiet. Mais Louix XIV se tient prêt et lui tient ce discours:
Pendant des moins, le barbier-chirurgien s'entraîne, perfectionne ses gestes et invente même des outils spéciaux pour s'occuper de la royale fistule. Puis, le 18 novembre 1686, c'est le jour J. L'opération dure trois heures, le roi fait preuve d'une grande bravoure. Permettez-moi encore un rappel historique: l'anesthésie n'a pas encore été inventée. Mais on sait faire preuve d'ingéniosité à l'époque: Charles-François Félix pose des pansements imbibés de vin de Bourgogne. Ne me demandez pas si ça marche.
Et là, vous vous dites «c'est une bien belle histoire, mais quel est le rapport avec God Save the King, mmhh?». J'y viens.
Afin d'aider son époux à supporter les trois heures d'opération à vif, Madame de Maintenon sollicite le compositeur italien Jean-Baptiste Lully (né Giovanni Battista Lulli) pour composer un hymne à la gloire du roi, tandis que Madame de Brinon, supérieure de la Maison royale de Saint-Louis, se charge d'en écrire les paroles. Les Demoiselles de Saint-Cyr, elles, sont mandatées pour chanter la chanson durant l'acte barbico-chirurgical, qu'elles entonneront ensuite à chaque visite du roi à la Maison royale. Une chanson qui deviendra, vous l'avez deviné, l'hymne royal britannique.
Deux pistes s'affrontent au sujet du remix du tube de Lully en God Save the King. Nous sommes en 1714 et Haendel, le compositeur officiel du roi britannique George Ier, est en visite à Versailles. Il entend le fameux hymne et le fait traduire en anglais. Le roi est conquis, la version British est désormais jouée à chaque déplacement de George Ier, et finit par devenir l'hymne national.
Selon une autre théorie, c'est le roi d'Angleterre Jacques II, qui vit exilé en France depuis 1689, qui entend l'hymne. Il décide de le faire traduire et de se l'approprier pour le jour où il remontera sur son trône outre-Manche. Un rêve qui ne se réalisera jamais puisque Jacques II meurt en 1701, toujours en exil, à Saint-Germain-en-Laye. Son fils, Jacques François Édouard Stuart, tente à son tour de monter sur le trône. À plusieurs reprises. En vain. Son fils ainé, Charles Édouard Stuart, mène la dernière tentative en 1745, en tant que représentant de son père, sans plus de succès. Mais selon la légende, ses partisans entonnèrent le fameux God Save the King, pour un homme qui n'aura finalement jamais été reconnu comme tel.
L'histoire avec un grand H ne dit pas s'il s'agit de la première ou de la deuxième explication. Mais il semble en tout cas que les Britanniques chantent aujourd'hui encore un hymne... à la gloire du cul du Roi Soleil.