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Avoir des frères et sœurs peut nuire à votre santé mentale

Two toddlers, a boy and a girl, are sitting on the floor at home and crying, arguing over toys
Et comment un frère ou une sœur parvient à affecter à ce point notre psychisme? Un expert répond.Image: iStockphoto

Pourquoi avoir des frères et sœurs peut nuire à votre santé mentale

Avoir plusieurs frères et sœurs peut entraîner des problèmes psychiques chez les adolescents. C'est la conclusion d'une grande étude menée aux Etats-Unis et en Chine. Le psychologue du développement Jürg Frick explique quand les conflits deviennent toxiques.
06.10.2024, 11:50
Annika Bangerter / ch media
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Les révélations d'une récente étude risquent de chambouler plus d'un foyer: les membres d'une fratrie de trois et plus présenteraient plus souvent des problèmes psychiques tels que des angoisses ou des symptômes dépressifs que des jeunes du même âge n'ayant qu'un seul frère ou une seule sœur. Le nombre d'enfants a donc une influence sur le bien-être psychique. C'est la conclusion à laquelle sont parvenus des chercheurs américains de l'Ohio State University, qui ont publié leurs travaux dans la revue spécialisée Journal of Family Issues.

Les scientifiques ont interrogé 9400 élèves de 8e année en Chine et 9100 adolescents du même âge aux États-Unis. L'âge moyen de l'échantillon est de 14 ans. Les problèmes sur le plan psychique ressortent d'autant plus que l'écart d'âge est faible entre les enfants.

Des études antérieures avaient montré que grandir dans une plus grande fratrie permettait d'améliorer les aptitudes sociales et de réduire le taux de divorce. Comment donc comprendre l'importance de ce facteur? Et comment un frère ou une sœur parvient à affecter à ce point notre psychisme? Le psychologue du développement Jürg Frick s'intéresse à ces questions depuis des décennies. Il nous aide à déterminer quand les rivalités et les disputes deviennent malsaines et décrit le rôle des parents dans un tel contexte.

Vous essayez d'attirer l'attention depuis longtemps sur cette thématique. Peut-elle vraiment rendre psychiquement malade, comme le constate l'étude américaine?
Jürg Frick: Oui, absolument. Il existe d'autres travaux menés par des pédopsychiatres là-dessus.

«Un frère ou une sœur peut représenter une charge psychique importante»

Mais la recherche sur la résilience atteste aussi que les membres d'une fratrie peuvent aussi servir de protection. Dans des situations difficiles, par exemple lors de violences domestiques, le soutien mutuel joue un rôle essentiel.

Les adolescents issus d'une famille nombreuse se porteraient généralement moins bien que les autres. C'est ce que vous avez constaté dans votre pratique?
Non. Dans le cadre de cette étude, il serait intéressant de demander, dans dix ou quinze ans, si les symptômes dépressifs ou les angoisses des personnes interrogées – qui sont aujourd'hui des adolescents – persistent. On pourrait obtenir des résultats différents.

«On se base souvent sur une sorte de photo instantanée. Il faut faire extrêmement attention à ne pas extrapoler»

Cela en devient parfois absurde. Certaines analyses affirment par exemple que les deuxièmes enfants ouvrent plus souvent un salon de beauté que les premiers ou les troisièmes.

Avoir plusieurs frères et sœurs n'entraîne donc pas forcément des difficultés?
Non, tout dépend des relations entre les uns et les autres.

«Une concurrence accrue, le favoritisme des parents ou au contraire le rejet, cela nuira évidemment à la santé psychique»
Jürg Frick, psychologue du développement.

Il y a une multitude de facteurs divers qui jouent un rôle dans le développement d'une personne. Il ne faut pas accorder une place plus prépondérante que ce qu'elle n'est réellement à la taille de la fratrie. Pendant des années, on a également avancé que les enfants uniques étaient asociaux et plus égocentriques. Aujourd'hui, cela n'est plus scientifiquement défendable. Ne généralisons pas les constellations familiales.

Selon les chercheurs de l'Ohio, les parents de trois enfants ou plus ont moins de ressources à consacrer à chacun et chacune. Comment voyez-vous cela?
Il s'agit là aussi d'une question ambiguë.

«Le peu de temps à consacrer individuellement à chaque enfant peut effectivement être un inconvénient»

En revanche, on peut placer trop d'attentes dans un enfant unique qui reçoit toute l'attention. Jusqu'à la surcharge puis la rupture. Il ne s'agit donc pas seulement d'évaluer la quantité de ressources à disposition, mais aussi de savoir comment elles sont utilisées et ressenties par l'enfant.

Comment les frères et sœurs peuvent-ils se nuire jusqu'à se rendre malades?
Dans la plupart de ces cas, la relation entre eux a immédiatement démarré sur de mauvaises bases. Souvent à cause de l'influence des parents, qui favorisent ou défavorisent beaucoup un enfant.

Concrètement, quels genres de comportement peuvent altérer la santé mentale?
Il peut s'agir d'agressions verbales ou physiques. Par exemple des remarques dévalorisantes comme «tu es moche» ou «tu ne vaux rien». Si elles sont permanentes, cela peut devenir très difficile pour un frère ou une sœur, surtout s'il n'a pas la possibilité de faire tampon avec ses amis. On observe également fréquemment de la violence physique.

«La plupart du temps, ce sont les plus âgés qui menacent les plus petits, parfois constamment»

Et il y a même parfois des abus sexuels. On tombe alors dans des situations graves, avec des conséquences clairement négatives sur la santé mentale.

Quels sont les comportements auxquels les parents devraient être plus attentifs?
Il est normal d'avoir une légère rivalité et des disputes. Ce sont des processus d'apprentissage social par lesquels il faut passer. En tant que parents, on peut laisser faire et commencer par observer. La plupart du temps, les enfants viendront de toute façon se plaindre. Il s'agit alors d'écouter attentivement. En règle générale, la situation n'est pas aussi claire que l'enfant le décrit. En d'autres termes, un nez en sang ne tombe généralement pas du ciel. Il faut alors expliquer qu'ils ne sont pas simplement des victimes, mais qu'ils ont leur part de responsabilité dans le conflit.

Et quand les parents doivent-ils tirer la sonnette d'alarme?
Lorsque les rivalités et les disputes dépassent un certain niveau, en particulier lorsqu'elles sont très unilatérales.

«Par exemple, lorsqu'un enfant s'impose physiquement en permanence à son frère ou à sa sœur pendant une longue période»

Mais les parents doivent alors aussi se demander dans quelle mesure ils jouent un rôle dans ces conflits - sans l'avoir remarqué jusqu'à présent.

Les parents font-ils partie du problème lorsque les relations entre frères et sœurs sont très difficiles?
Souvent. Pour moi, l'important n'est pas d'identifier un ou une coupable. Les parents veulent le meilleur pour leurs enfants et n'ont pas l'intention d'envenimer les relations. Mais ils introduisent souvent leurs propres problèmes de fratrie non résolus dans la vie de leurs enfants. Par exemple, lorsque le comportement du fils rappelle fortement celui du frère du père ou de la mère. On réagit alors souvent très vite et de manière trop émotionnelle.

Comment doit-on se comporter lorsqu'un enfant vient réveiller nos propres souvenirs d'enfance?
Notre prise de conscience est déjà importante. Souvent, on ne le remarque même pas et on attribue le problème à l'enfant. Mais quand on réalise l'existence de ce lien, on a parallèlement besoin de stratégies pour ne pas réagir précipitamment. Il faut réussir à se contenir. Cela nécessite généralement une aide extérieure. D'ailleurs, cela ne concerne pas seulement les familles.

«Les tensions sous-jacentes entre frères et sœurs peuvent également se répercuter sur les relations de couple ou au travail»

Comment créer les conditions d'une relation stable et de qualité dans la fratrie?
Outre la satisfaction des besoins fondamentaux des enfants, il est primordial que les parents ne les comparent pas. Les frères et les sœurs le font de toute façon, les parents ne devraient pas en rajouter. Les remarques telles que «regarde ton frère, il est tellement raisonnable, ne fais pas ça, tu vas l'entraîner dans ta bêtise», c'est contre-productif. Il est par ailleurs essentiel que les parents acceptent leurs enfants en tant qu'individus, avec leurs forces et leurs faiblesses. Ceux-ci sentent très bien lorsqu'ils ne répondent pas aux attentes de leurs parents. Ils en souffrent parfois toute leur vie.

(Traduit et adapté par Valentine Zenker)

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