C'est un exploit qui aurait pu figurer au Guinness Book des records. Devenir mondialement célèbre... avant même de venir au monde. Le 5 avril 2006, l'enfant prodige de Tom Cruise et Katie Holmes n'a pas encore pointé le bout de son nez qu'elle fait déjà sa première couverture de magazine. GQ, rien que ça.
Une couverture comme on les aime à Hollywood. Amour, kitsch et beauté transpirent à travers le papier glacé. Katie Holmes, enceinte jusqu'au cou, expression de béatitude étalée sur le visage. Tom Cruise, la main presque agrippée à son ventre, à la fois protecteur, viril, héroïque. Forcément, le bébé de ce couple au glamour qui dégouline par tous les bouts ne pouvait qu'être attendu comme le messie. C'est comme tel que Suri Cruise est arrivée, le 18 avril 2006, pour la plus grande joie de ses parents et du monde entier.
Chez les Cruise, tout est allé très vite. Moins d'un mois sépare leur première encontre, en avril 2005, des bonds hystériques d'un Tom «amoureux» transi sur le canapé d'Oprah Winfrey. En quelques semaines, «TomKat» a décidé qu'ils s'aimaient, passeraient leur vie ensemble, clameraient leur amour sur toutes les conférences de presse et, surtout, feraient valider la nouvelle élue devant la toute-puissante Eglise de Scientologie.
A l'image de ce coup de foudre et romance éclair, la vie publique de Suri Cruise a commencé sur les chapeaux de roue. La petite n'a pas cinq mois lorsqu'elle fait la Une du magazine Vanity Fair. Un shooting signé Annie Leibovitz, agrémenté de 22 pages de reportage grandiloquent sur la vie de la petite famille en son domaine de Los Angeles. Entre séances de câlins matinales, rayons du soleil chaud dans la véranda et sorties à cheval.
Avant une North West Kardashian ou une Blu Ivy Carter, Suri Cruise est la première enfant-star. La première «fille de» à goûter à cette frénésie populaire et médiatique. Son visage devient une vision familière. Une sorte de trophée à la tignasse brune, jupons, peluche surdimensionnée, plaid doudou et ballerines à paillettes. Un objet du domaine public.
«Rendre des comptes.» Suri Cruise va l'apprendre très tôt. Elle n'a pas trois ans que chaque geste, chaque mimique, chaque larme, chaque vêtement est photographié, scruté, interprété, critiqué.
Des milliers d'images, autant de gros titres accrocheurs. Sous ses traits angéliques, ses longs cils bruns et ses fossettes craquantes, Suri cacherait un monstre. Une harpie capricieuse de 90 centimètres qui dicte à sa nanny, son garde du corps et ses domestiques, ses quatre (millions) de volontés.
Voilà qu'on se surprend à adorer détester cette graine de dictatrice. On se régale des articles sur ses escarpins Louboutin, son trench Burberry et son rouge à lèvres. On jouit des crises de larmes de cette sale gamine étalées dans Glamour et Closer. On se goinfre des détails sordides de sa liste de cadeaux pour le Père Noël (un poney?), du prix de ses paires de chaussures (150 000 dollars!), de ses bêtises (une paire de boucles d'oreilles en diamants jetées dans les toilettes!!!) ou de son petit-déjeuner préféré (des cupcakes???!!!).
On se plaît à juger l'éducation désastreuse de ses célèbres parents, qui la trimballent dans les bras comme un sac Birkin rarissime. Qu'importe si des témoins expliquent qu'il s'agit d'une simple mesure de précaution, face à des meutes de photographes voraces et peu scrupuleux.
L'histoire publique de Suri Cruise a commencé avec le couple de ses parents, elle s'est achevée avec lui. La fin de «TomKat», personne ne l'a vue venir. Pas même Tom Cruise. Au terme d'un scénario digne de Mission Impossible, qui comprend négociations secrètes, téléphones jetables, une armada d'avocats et autant de conseillers juridiques.
Katie Holmes, celle qu'on prend au mieux pour une gentille figurante au sourire candide, au pire une victime un peu bêbête, prend son envol. Un accord de divorce rapide, net et efficace. Tom Cruise accepte de lui verser 400 000 dollars par an et de pourvoir aux éventuels «frais médicaux, dentaires, d'assurance, d'éducation, universitaires et autres frais extrascolaires» de leur fille. L'ancienne actrice de Dawson ne touchera rien, à l'exception de sa liberté et de la fin de l'emprise de l'Eglise de scientologie. Et pour cette maman protectrice avide d'un semblant de normalité, c'est déjà beaucoup.
Grâce à sa mère, l'adolescence de Suri Cruise est à mille lieues de son enfance surexposée, de la Scientologie et de la notoriété paternelle. Un père avec lequel elle a été photographiée pour la dernière fois à Disney Land, en 2012. Ils n'auraient plus aucun contact depuis.
Suri Cruise a grandi. Jalousement protégée par Katie Holmes, bien à l'abri dans une école privée new-yorkaise à 56 000 dollars l'année. A mesure que les escarpins de l'enfant-star ont laissé place aux Converses d'une adolescente «normale», que les robes de couturier ont été remplacés par des sweat-shirts, la fureur s'est apaisée. Les billets des blogs qui décortiquaient ses tenues jour après jour ont cédé la place à de rares clichés de paparazzis. Un ou deux par an. Des images d'une citoyenne aux cheveux noirs à priori banale, promenant son chien, ses pensées et son Starbucks sur le bitume new-yorkais.
Alors qu'elle fête ses 18 ans ce jeudi, Suri Cruise sera bientôt confrontée à un dilemme: embrasser la célébrité de ses premières années ou conserver la vie soigneusement privée que sa mère a bâtie pour elle. Peu de risques qu'elle s'aventure du côté de l'Eglise de Scientologie, selon des proches. Pas sûr, en revanche, que cette nepo baby en puissance ne tente pas de suivre les traces de ses parents dans le monde du show-business. Une trajectoire logique, sans doute, hélas, pour une enfant célèbre avant même d'être née.