C'était l'une de ces semaines bourrées d'enjeux.
Du côté du prince Harry, deux jours d'audience à la Cour d'appel de Londres, afin de faire valoir une cause qui lui tient particulièrement à cœur: le rétablissement d'un service de sécurité d'Etat dans son pays d'origine, un combat qu'il mène avec acharnement depuis trois ans. Suivi, peu après, d'une visite en Ukraine, qui s'est organisée et tenue dans le plus grand secret.
Pour le roi Charles, une mission de quatre jours de soft-power en Italie, à l'occasion d'une visite d'Etat en grande pompe comprenant discours historique, gala, banquet d'Etat et parades militaires. Sans oublier un anniversaire symbolique: les 20 ans de son mariage avec la reine Camilla, le 9 avril.
En guise de pompon sur la couronne? Meghan lançait mardi matin son podcast flambant neuf, dernière balle d'une vaste offensive commerciale entamée le mois dernier avec une série Netflix au succès retentissant.
Oui, c'était bien une semaine pétrie d'enjeux pour les royals. Mais si elle a surtout servi à quelque chose, c'est à exhiber à quel point le roi d'Angleterre et son fils sont désormais éloignés l'un de l'autre. Malgré une amorce de réchauffement, l'an dernier, au moment de l'annonce du diagnostic de cancer de Charles III, le soufflé est déjà retombé. Pour ne pas dire écrabouillé sans avoir eu le temps de sortir du four.
Les deux hommes ne se sont pas revus en personne depuis l'an dernier, malgré plusieurs passages du prince exilé au Royaume-Uni ces derniers mois.
Pour preuve, cette semaine encore, le père et son fils ont manqué une énième occasion de se rencontrer. Selon le Times, Harry est arrivé des Etats-Unis dimanche, avant le départ du souverain pour l'Italie. L'hélicoptère de ce dernier a atterri dans la capitale londonienne à la fin du week-end. Non pas pour rencontrer Harry, selon une source du palais, mais pour suivre sa thérapie contre le cancer – un traitement administré plus tôt que d'habitude afin de ne pas perturber son séjour en Italie. Pas le temps, donc, de prendre cinq minutes pour embrasser son fils cadet, avant son vol pour Rome le lendemain.
Mais peut-être Harry n'était-il pas d'humeur aux embrassades et aux retrouvailles. Trop concentré sur son procès en appel, considéré par beaucoup comme un «ultime coup de dés». Signe de l'importance que l'affaire de sa sécurité revêt pour lui, même s'il n'était pas tenu d'être présent en personne au tribunal, le duc de Sussex n'a pas hésité à avaler les 8000 km qui séparent la Californie de son pays natal pour plaider que «sa vie est jeu».
Si ce procès est si capital aux yeux d'Harry, il serait en revanche une source de profonde «frustration» pour le roi Charles. Agacé de voir son fils s'acharner depuis trois ans à poursuivre son «propre gouvernement», dans sa «propre cour». Il a d'ailleurs clairement fait savoir qu'il considérait comme absurde d'intervenir en faveur de sa progéniture.
Un agacement qui ne risque guère de s'adoucir alors que tous les médias britanniques pro-Windsor interprètent le chevauchement entre les deux évènements, procès et visite en Italie, comme une manière bien peu élégante d'Harry d'éclipser le voyage d'Etat de son paternel.
Et qu'importe si Harry n'a évidemment pas été en mesure de choisir la date de son procès. Le duc est déjà accusé d'empiéter sur «une mission gouvernementale sérieuse, visant à renforcer les relations avec un allié européen clé dans un monde post-Brexit». «Exaspérant», juge le Times.
Les crêpages de chignon entre différentes factions (Buckingham, Kensington...) de la famille royale sont en effet bien documentés depuis des années. Voler la vedette à un membre senior du cabinet reste encore largement considéré comme d'une impolitesse notoire, si ce n'est un crime de lèse-majesté - en particulier quand il s'agit de séjours à l'étranger, source de maux de tête et d'innombrables heures de préparation logistique pour les assistants royaux.
Pour preuve, même la visite discrète du prince Harry en Ukraine, ce jeudi, dans le cadre de son travail auprès des vétérans blessés, a été balayée comme rien de plus qu'une tentative de «publicité positive» qui aurait fait de l'ombre aux adieux de son père à l'Italie. Avoir la prévenance de partager l'information après coup, pour éviter trop de battage médiatique, n'y a rien changé. Au Royaume-Uni, Harry est et restera un coupable tout désigné.
Alors que les Sussex et les Windsor semblent désormais condamnés à rivaliser sans jamais pouvoir se rencontrer, l'issue du procès d'Harry sur le rétablissement de sa protection policière pourrait s'avérer déterminante pour le futur des relations avec son géniteur.
Si Harry obtient le droit à une protection policière automatique à chaque visite, il pourrait effectivement envisager de revenir plus souvent dans son pays d'origine - même si rien ne dit que Meghan en veuille autant, compte tenu de l'accueil qui lui serait probablement réservé en terres britanniques. Une occasion unique pour ses deux enfants, Archie et Lilibeth, de faire connaissance avec un grand-père et un pays d'origine qu'ils ne connaissent pas.
En revanche, si le duc venait à perdre cette longue et coûteuse bataille judiciaire... Comme il l'a répété lui-même à plusieurs reprises, il est peu probable qu'il veuille poser le pied là où il se sent en insécurité permanente. Encore moins y exposer sa famille. Quitte à ce que son père n'ait jamais l'occasion de serrer ses petits-enfants dans ses bras.