Le nageur Michael Phelps est sans doute le patient atteint de TDAH (Trouble du Déficit de l'Attention avec/ou sans Hyperactivité) le plus connu dans le sport de haut niveau et est donc souvent cité dans les articles qui traitent de ce sujet.
Le comportement du multi-médaillé américain (23 fois champion olympique) hors des bassins, sa prise de drogue ou de poids, ses excès en tous genres ont beaucoup à voir avec son TDAH. Mais de même qu'il n'existe pas de recette miracle dans le traitement de ce trouble, il est impossible de savoir quel est l'avantage éventuel d'un athlète souffrant de TDAH et traité par des médicaments dans le sport de compétition. Cela dépend de nombreux facteurs, notamment de la discipline sportive pratiquée.
Le fait est que le médicament le plus connu, la Ritaline, est considéré comme un produit dopant et interdit en compétition. L'Agence mondiale antidopage (Wada) classe le méthylphénidate parmi les stimulants, au même titre que la cocaïne ou l'éphédrine.
Ces stimulants améliorent la capacité de concentration et l'attention. Ils peuvent également augmenter les performances et retarder la fatigue. Mais ils présentent dans le même temps des risques considérables pour la santé du sportif.
Comme le monde du sport s'accorde à dire que les patients atteints de TDAH ne doivent pas être privés de Ritaline avant une compétition, ces derniers ont la possibilité d'obtenir une autorisation exceptionnelle de mise sur le marché (AUT). Pour cela, les médecins doivent attester de la maladie et prescrire la prise du médicament.
En Suisse, entre 27 et 38 dérogations ont été accordées chaque année depuis 2018 à des athlètes. Swiss Sport Integrity nous a fourni en exclusivité les données relatives au nombre de fois où le TDAH a été considéré comme un motif d'autorisation exceptionnelle. En 2022, cette maladie était responsable de pas moins de 59% de toutes les AUT. Jamais, depuis 2018, le pourcentage n'a été inférieur à 40%.
Malgré le fait que la prise de Ritaline soit autorisée dans certains cas grâce à une AUT (littéralement: autorisation d’usage à des fins thérapeutiques), le nombre de délits de dopage liés à son principe actif augmente. Alors qu'en 2000, il n'y avait encore que trois cas dans le monde, ce chiffre est passé à 47 (2012), voire à 70 dans les dernières statistiques de l'Agence mondiale antidopage pour 2021.
Il est impossible de savoir quel est le taux de jeunes athlètes qui prennent de la Ritaline pour se soigner en dehors d'un cadre médicalement surveillé. Il ne s'agit donc pas toujours d'une fraude intentionnelle, mais cela arrive parfois.
Un cas particulièrement tragique, et qui n'a jamais été révélé en raison du jeune âge du «coupable», est arrivé dans le sport suisse. Un athlète adolescent s'est auto-administré le médicament pour savoir s'il était efficace contre les symptômes et les troubles qui le gênaient et lui pesaient. Jusqu'alors, le TDAH ne lui avait jamais été diagnostiqué.
Il a subi un contrôle antidopage après une compétition et a été suspendu pendant plusieurs mois. Cette sanction n'a pas été comprise par son entourage. Un médecin proche du dossier a affirmé avec force qu'il ne s'agissait absolument pas de dopage. En d'autres termes: que la prise du médicament était nécessaire pour le quotidien du sportif.
«Les règles antidopage du sport sont claires», intervient Malte Claussen, spécialiste renommé en psychiatrie et psychothérapie et psychiatre du sport. Mais toute la question est de savoir si elles sont équitables.
On ne peut pas exclure que, «dans certains cas, des athlètes qui agissent sans intention de tricher ou d'améliorer leurs performances, et éventuellement par nécessité, soient sanctionnés de la même manière par ce système, ajoute le Dr Claussen. Nous devons en discuter, sans remettre en question les principes mentionnés, dans l'intérêt de ces athlètes et même s'il s'agit de cas isolés.»
Le médecin attire aussi l'attention sur le fait qu'une infraction de dopage «peut avoir des conséquences massives sur la santé psychique. Un athlète peut être plongé dans une crise existentielle liée à la dépression et même à des tendances suicidaires en raison des conséquences de la faute commise, qu'il se soit "dopé" consciemment ou non.» Le psychiatre du sport rappelle donc que ce sont justement et aussi ces athlètes qui «ont besoin de notre aide».
Alors que le sport représente un facteur de risque pour certaines maladies psychiques - Claussen cite l'exemple des troubles alimentaires ou des déficits neuropsychiatriques après un traumatisme crânien -, ce n'est pas le cas pour le TDAH. Au contraire. Selon le spécialiste, le sport peut aider à gérer la maladie et à en atténuer les conséquences. Ces facteurs ont très probablement conduit à une plus grande prévalence du TDAH dans le sport de compétition.
Mais Malte Claussen, comme de nombreux autres experts de la santé, ne voit aucun avantage à ce qu'un patient atteint de TDAH prenne de la Ritaline en compétition. «Car la médication ne ferait probablement que compenser, dans l'ensemble, les inconvénients de la maladie pour la plupart d'entre eux.»
Le grand défi consiste à trouver le traitement approprié pour un sportif ou une sportive souffrant de TDAH. La voie médicamenteuse n'est pas exempte d'effets indésirables. «De plus, on ne fait probablement pas du bien à tous les athlètes en utilisant la Ritaline. Surtout pas ceux qui, auparavant, géraient bien les symptômes de leur TDAH.»