Fait rare, Christian Constantin est en vacances et a débranché son téléphone portable – à tout le moins celui qu'il utilise pour répondre aux sollicitations. Il envoie dans le même temps une lettre ouverte aux abonnés du FC Sion, dans un style qui évoque moins une ambition naissante qu'une disposition testamentaire: sur cinq pages, CC dresse le bilan de son action à la tête du club et prépare sa succession.
Cette fin est plus ou moins envisagée à juin 2024, à l'échéance du contrat de bail avec le stade de Tourbillon (pour un loyer annuel de 300 000 francs). «Dans cette perspective», Christian Constantin avoue «travailler à la recherche d’une succession locale ou étrangère». «Je me trouve à la croisée des chemins», avoue-t-il sans détour.
Le président explique froidement que le FC Sion n'a aucune valeur comptable, et que même un franc symbolique serait cher payé, si ce n'est «un piège» pour l'acquéreur. En cause: la vétusté des installations de Tourbillon. «Les investissements nécessaires aux infrastructures (170 millions) et à l’exploitation (50 à 60 millions) ne se retrouveront jamais», prévient le promoteur immobilier, condamné à improviser des bureaux et des structures d'entraînement sur des terrains privés, «pour survivre».
Plus qu'une inquiétude, sa lettre révèle une forme de fatalisme, voire de lassitude. Constantin rappelle la réalité indubitable d'un tissu économique modeste, soit l'avant-dernier canton de Suisse au PIB par habitant, et d'un bassin de population limité, «la ville la moins peuplée de la ligue et avec le moins de revenus fiscaux».
Celui qui a toujours affirmé ne pas avoir la mémoire des chiffres l'a retrouvée d'un seul coup, avec une exactitude remarquable. Le président du FC Sion explique aux abonnés qu'il a «investi 20 000 francs chaque jour ouvrable, durant seize ans», pour équilibrer les comptes. «Ce mécénat» de 83,4 millions représenterait 60% de l'investissement total sur la même période. Pour rappel, cet apport provient en partie de la société immobilière Christian Constantin SA au titre de frais de sponsoring, et déduits comme tel dans la déclaration fiscale.
A 65 ans, même converti à la musculation et à la boxe, Christian Constantin semble fatigué de porter seul le destin du FC Sion et de se battre pour un train de vie trop élevé. Sa lettre aux abonnés résonne en écho à une interview parue le 23 mai dans Le Nouvelliste:
Le président reconnaît qu'il ne descend plus beaucoup aux vestiaires et que «pour la première fois depuis le début de ma présidence, je n'ai pas assisté à certains matchs». Il recense une relégation chez les M21, «trois saisons de m… avec successivement un huitième, un neuvième et un septième rang» pour l'équipe première, où «les statistiques de condition physique des joueurs égalent celles des arbitres», et un sauvetage de dernière minute chez les filles. Si ce n'est pas du désamour, ça ne ressemble pas davantage à de la passion. (chd)