Il y a d'abord eu la statistique choc selon laquelle le temps de jeu des jeunes Suisses en Super League et Challenge League est en chute libre. Puis l'élimination lamentable de la Nati M21 lors des qualifications pour l'Euro, qui a terminé derrière la Roumanie et la Finlande.
Des nuages orageux se sont levés au-dessus de la relève du foot suisse.
Cette crainte entraîne, forcément, une volonté de changement. Notamment chez Pierluigi Tami.
Le directeur des équipes nationales masculines a en ligne de mire la Challenge League. Selon lui, il y faut plus de place pour les talents locaux. Et donc plus d'équipes. Sa proposition? Doubler le nombre de clubs, de dix à vingt. Et diviser la ligue en deux groupes, «Est» et «Ouest».
Ce dernier point est faux. Une rapide recherche sur Google montre que l'Ecosse a, comme la Suisse, douze équipes dans l'élite et dix en deuxième division. La Finlande – dont les M21 ont éliminé les Helvètes en qualifications pour l'Euro – fait de même.
On peut aussi se poser cette question:
Un retour dans le passé s'impose. De 2008 à 2012, la Challenge League a été réduite, en deux étapes, de 18 à 10 équipes. Donc presque de moitié. Les raisons: des problèmes financiers dans de nombreux petits clubs et un écart énorme entre le haut et le bas du classement.
A l'époque, des clubs qui n'étaient pas du tout préparés structurellement et financièrement ont été propulsés dans le monde du football professionnel. Un employé de longue date du football suisse se souvient avec cynisme:
Selon une étude de la société de conseil sportif «Hypercube», 24 clubs suisses ont le potentiel pour survivre à long terme dans le football professionnel, tant sur le plan financier que sportif. Or, on sait qu'il est déjà difficile de remplir les 22 places actuelles dans les deux ligues professionnelles.
En passant à 32 clubs pros (20 en Challenge League), comme le suggère Tami, le niveau de la Challenge League baisserait inéluctablement. Est-ce que cela rendrait les jeunes Suisses meilleurs et en ferait des candidats pour l'équipe nationale A? Difficile à imaginer...
L'intervention du Tessinois, au nom de l'Association suisse de football (ASF), a suscité la colère des clubs et de la Swiss Football League. Sans compter qu'elle manque d'autocritique: l'ASF forme-t-elle correctement les entraîneurs juniors? Sa philosophie de formation est-elle adaptée à notre époque? Si les talents étaient vraiment aussi bons que la fédération le vante, ils auraient aussi plus de temps de jeu...
D'autres questions se posent: les matchs d'une Challenge League avec un moins bon niveau continueraient-ils à être diffusés à la télévision? Y a-t-il suffisamment de trios arbitraux disponibles pour autant de matchs? Et la ligue risque aussi de perdre de l'intérêt si elle contient des équipes M21 de clubs de Super League ou des formations qui renonceraient à la promotion dans l'élite.
La question de la bonne taille et du format adéquat d'un championnat n'aura jamais de réponse qui contente tout le monde. Il n'y a qu'à voir comment la Swiss Football League a fait volte-face il y a deux ans, en supprimant l'idée de play-offs en Super League – qu'elle avait pourtant validée – sous la pression des fans.
Dans la Swiss Football League, il y a un gentlemen agreement: dans le cas d'un vote concernant la Super League, les clubs de Challenge League se rallient tous, automatiquement, à la majorité des clubs de Super League. Et vice-versa. C'est donc ce qu'il se passerait en cas de vote sur un nouveau format de la Challenge League.
Mais les discussions sur un changement risque de s'enliser rapidement. D'autant plus si les clubs regardent l'actualité de l'autre côté de la frontière. Il y a six ans, l'Autriche a gonflé sa deuxième division de 10 à 16 équipes. Notamment pour donner davantage de temps de jeu aux jeunes talents locaux.
Mais les disparités sportives au sein du championnat rendent celui-ci ridicule. La participation d'équipes M21 nuit à l'image de la ligue. Et, selon les médias autrichiens, 13 des 16 clubs étaient dans le rouge lors de la saison 2021/22. Résultat: un projet «redimensionnement» est en cours depuis un an.
Traduction et adaptation en français: Yoann Graber