«Je me sens lié à la Suisse, mais mon cœur a choisi le Kosovo»
Quand Leon Avdullahu a rejoint Hoffenheim cet été pour 8 millions d’euros en provenance du FC Bâle, une question s’est rapidement posée: pour quelle sélection jouera-t-il, la Suisse ou le Kosovo?
A ce moment-là, Avdullahu, capitaine des M21 suisses, était considéré comme un grand espoir de la Nati. Mais les efforts du Kosovo, pays d’origine de sa famille, se sont montrés plus intenses et persistants. L’Association suisse de football (ASF), elle, est intervenue trop tard, et Avdullahu a finalement choisi le Kosovo quelques jours avant un duel entre ses deux patries, qui se retrouvent ce mardi soir à 20h45.
Leon, votre choix de jouer pour le Kosovo plutôt que pour la Suisse a fait grand bruit. Comment avez-vous vécu ce tumulte médiatique?
Ce n’était pas simple pour moi. Mais je ne me suis pas laissé distraire ni influencer. J’ai écouté mon cœur et pris ma décision, et c’est bien cela qui comptait au final.
Quand vous dites avoir suivi votre cœur: quel lien entretenez-vous avec le Kosovo? Pouvez-vous le décrire?
J’ai une grande famille ici en Suisse et nous sommes tous originaires du Kosovo. Avant, je m’y rendais deux fois par an, et aujourd’hui, j’y vais encore plus régulièrement.
Votre premier match chez les A, en septembre dernier, ne pouvait pas être plus singulier: à Bâle, où vous avez remporté le doublé et vécu de nombreuses années, face à la Suisse, votre autre patrie.
Pour moi, c’était vraiment quelque chose de très spécial. Malheureusement, le match s’est très mal déroulé (réd: le Kosovo s'est incliné 4-0 contre la Suisse), et j’ai voulu l’oublier au plus vite. Pourtant, avant la rencontre, j’étais extrêmement enthousiaste à l’idée de vivre cette situation unique.
Quelques jours plus tard, vous avez joué pour la première fois avec la sélection kosovare à Pristina. Comment avez-vous été accueilli?
C’était incroyable. Le stade était plein et je dois avouer que j’ai été quelque peu ému. Remporter le match a rendu ce moment encore plus mémorable. Mais ce qui est particulièrement exceptionnel pour moi, c’est de pouvoir jouer devant des tribunes toujours pleines, entouré de tant de supporters kosovars, que ce soit à domicile ou à l’extérieur.
Non seulement le Kosovo est assuré de participer aux barrages, mais il peut encore terminer premier de son groupe et donc se qualifier directement pour le Mondial en cas d’exploit monumental mardi contre la Suisse. A quel point pensez-vous au rêve de conduire le Kosovo aux Etats-Unis?
Souvent, très souvent, même. Mais je suis conscient que le chemin pour y parvenir est encore long.
Cela se passe bien en sélection, ainsi que dans votre nouveau club, Hoffenheim, où vous avez connu des débuts rêvés. Comment avez-vous vécu ces premiers mois?
Très bien, vraiment. Il était important pour moi de pouvoir effectuer le transfert dès le début de l'été. J’ai ainsi pu participer à toute la préparation avec ma nouvelle équipe, m’intégrer rapidement au groupe et me battre pour gagner ma place. C’est aussi pour cette raison que tout se déroule si bien pour moi.
De l’extérieur, on a l’impression que vous vous êtes adapté sans aucune difficulté.
Lors des deux premières semaines d’entraînement, tout allait encore un peu vite. C'est également différent sur le plan physique. Mais quand la saison de Bundesliga a commencé, j’étais prêt et je n’ai eu aucun problème lors des matchs officiels. Sur le terrain, je m’adapte généralement très vite.
Dites-nous en plus.
J’ai quitté Soleure pour rejoindre la célèbre académie du FC Bâle à l’âge de 15 ans, mais je n’étais jamais allé aussi loin de chez moi, et encore moins à l’étranger. Ce n’est pas comparable. Heureusement, je connaissais déjà Fisnik Asllani, lui aussi originaire du Kosovo, qui m’a énormément aidé dès les premiers jours. Après, Albian Hajdari est arrivé. Je le connais bien depuis très longtemps.
Avec Hajdari, Asllani et vous-même, trois internationaux kosovars forment l’axe de l’équipe, ce qui constitue une situation rare.
Ce n’est certes pas courant, mais cela rend beaucoup de choses plus faciles. Même en sélection, cela a considérablement raccourci ma période d’adaptation.
Vous avez été présenté comme un transfert important et une promesse pour l’avenir, et êtes rapidement devenu titulaire, assumant un rôle de leader. Vous attendiez-vous à ce que l’on mise autant sur vous si vite?
Je connaissais le plan qu’Hoffenheim avait pour moi. J’espérais pouvoir jouer chaque match, mais je ne pouvais pas être sûr que cela se produirait aussi rapidement. Au final, il faut toujours prouver ses performances pour pouvoir jouer chaque week-end.
Quels progrès avez-vous déjà accomplis?
Chaque semaine, nous effectuons un scan dans un espace 3D. Cela a considérablement amélioré mon orientation sur le terrain: savoir où se trouvent mes adversaires et mes coéquipiers avant de recevoir le ballon, ce qui est essentiel pour mon poste au milieu de terrain. Ces sessions encadrées par les analystes du club permettent de revoir et d’analyser son propre jeu.
Tout va bien pour vous, mais aussi pour votre club. Après une saison difficile, Hoffenheim occupe la sixième place en Bundesliga. Comment l’expliquez-vous?
Beaucoup de changements ont eu lieu ici. Plusieurs joueurs sont partis et de nouveaux sont arrivés. Nous avons une équipe jeune, encadrée par deux ou trois joueurs plus expérimentés qui maintiennent la cohésion. Je pense que cette combinaison explique nos bonnes performances. Tout se passe très bien pour nous, mais la saison est encore longue.
Comment définiriez-vous votre rôle dans ce groupe?
Je me vois comme un leader discret, comme je l’étais déjà au FC Bâle.
Suivez-vous encore votre ancien club?
Oui, très attentivement. Je regarde chaque match, sauf lorsque je suis sur le terrain.
Votre départ cet été a-t-il été difficile?
Oui, ce fut extrêmement difficile pour moi. Le FC Bâle était comme une famille. Je n’oublierai jamais le club ni le temps passé là-bas. Mais je devais franchir cette étape vers Hoffenheim et la Bundesliga.
