Mondiaux 2019. Mondiaux 2021. JO 2022. Pour la quatrième fois consécutive, les lumières s'éteignent après les quarts de finale d'un grand tournoi.
Pour la quatrième fois de suite, il y a un échec à la clé, après de grands discours, qui mentionnaient un objectif: au moins une demi-finale, pour décrocher ne serait-ce que le bronze. Autrement dit: nos hockeyeurs sont des bluffeurs. Une fois de plus, les grandes idées et les grands discours n'ont pas été suivis de grandes performances.
La défaite contre les robustes Américains est très, très amère. En tant qu'équipe ayant marqué le plus de points et la plus spectaculaire offensive de tout le tournoi, la Suisse partait favorite dans ce quart de finale. Elle était la meilleure dans toutes les statistiques cruciales, et surtout, elle venait d'aligner 7 victoires en autant de matchs. Alors si ce n'était pas cette année, quand viendra la première demi-finale depuis celle de 2018?
Bis am Schluss gekämpft doch die Scheibe wollte heute nicht ins Tor.
— Swiss Ice Hockey (@SwissIceHockey) May 26, 2022
Après un super round préliminaire, nous sommes éliminés en quart de finale.
Dopo un ottimo girone preliminare, siamo stati eliminati ai quarti di finale.
Final Result | #IIHFWorlds | 🇨🇭 0:3 🇺🇸 pic.twitter.com/fnSti4ErQd
Dans ce match à élimination directe, plus rien n'a fonctionné. Le power-play, le deuxième meilleur jusqu'à présent, n'a pas marqué. Le boxplay, également deuxième du tournoi, non plus: les Américains ont profité de la première pénalité pour inscrire le 1-0. Et ce constat: la meilleure équipe du tour préliminaire en attaque – 34 buts en 7 parties – n'a pas réussi à trouver le chemin des filets lors de son match le plus important.
Que s'est-il passé? C'est simple: les bluffeurs ont perdu leur magie. La magie? Oui, cette fluidité dans le jeu combinée à un peu de chance.
Contre les Etats-Unis, les Suisses ont fait penser à un alpiniste qui, après être monté très haut, regarde en bas, constate avec effroi qu'il est déjà très haut, prend peur, perd l'équilibre et tombe dans le vide.
La paralysie dans le premier tiers est une question de mental, et non de manque d'énergie. Aucun joueur à blâmer en particulier, ni de polémique. Juste cette statistique embêtante: les Helvètes avaient globalement dominé les 20 premières minutes durant tout le tournoi. Exemples: 17 tirs au but à 3 contre l'Italie, 17 à 6 contre la Slovaquie ou encore 13 à 12 contre le Canada. Mais face aux Américains, les hommes de Patrick Fischer ont été dominés comme jamais dans ces Mondiaux (4-12). Au final, ils l'emporteront 33-22, mais les tirs n'équivalent pas à des buts...
Durant ce premier tiers, les Suisses ont donc perdu leur magie et leur jeu. Une bonne ambiance ne suffit pas à faire de la magie. Et la magie, c'est aussi un peu de chance. Celle-ci a également fait défaut. Mais sans magie, impossible de forcer la chance.
Les deux premiers buts encaissés sont dignes du hockey de cour de récréation: le 1-0 est un goal contre son camp de Calvin Thürkauf en boxplay. Sur le 2-0, Leonardo Genoni se précipite hors de sa cage une fraction de seconde trop tard, Adam Gaudette le devance et parvient à glisser le puck dans les filets. Des buts stupides, malheureux, étranges, fous. Mais ils comptent.
Le sélectionneur national Patrick Fischer semble avoir pressenti l'échec au plus profond de son âme de hockeyeur. Après le dernier match de poule, à la toute fin de son interview, il avait prévenu que tout pouvait arriver dans un match à élimination directe. Et qu'on pouvait tout perdre. C'est ce qui s'est passé.
Porte-t-il une responsabilité dans cette amère déception? Oui, bien sûr. C'est toujours le cas pour un entraîneur. Mais il n'est pas LE coupable pour autant.
Patrick Fischer a amené l'équipe à un tel niveau que, désormais, sept victoires consécutives et un quart de finale perdu sont déjà considérés comme une amère déception.
A-t-il commis des erreurs inexcusables? Non. Critiquer quelques choix de joueurs sélectionnés après coup, c'est bon marché.
Avec Patrick Fischer, les Suisses sont en route vers les sommets. Là où se jouent les médailles et les titres de champion du monde. Cet échec amer n'y change rien. Un autre entraîneur aurait-il obtenu un meilleur résultat? Non, Patrick Fischer est toujours l'homme qu'il faut à la tête de l'équipe nationale.
Ce chemin vers le sommet est long. Et le dernier tronçon est le plus difficile. Mais les grandes aspirations et les grands discours sans grandes réalisations ont une date de péremption. Si l'on rêve et parle trop souvent en grand sans que cela soit suivi d'une grande action, les grandes pensées et les grandes paroles perdent leur effet.
Patrick Fischer est peut-être un peu trop doux, trop compréhensif, trop intelligent pour faire sortir ses bluffeurs de leur zone de confort au moment décisif. Peut-être un peu – juste un peu – trop major d'ardoise et pas assez général de bande.
La prochaine occasion se présentera au printemps prochain. D'ici là, la magie de Patrick Fischer doit opérer: veiller à ce que les Suisses ne fassent pas le «complexe du quart de finale». Les Nord-Américains ont une expression merveilleuse pour ça: «Get the Monkey off your back». Traduction: «Faire descendre le singe du dos». Le singe, c'est le complexe des quarts de finale après un quatrième échec consécutif.
Adaptation en français: Yoann Graber