Quelle athlète n'a jamais rêvé de consacrer sa vie entière à son sport, de se lancer corps et âme dans les entraînements, de faire de nombreux sacrifices pour un jour monter sur un podium olympique... Pour que le jour J, le moment lui soit volé par son mec, le genou à terre, une bague dans les mains, la bouche en cœur, le front moite, articulant un «veux-tu m'épouser?» devant un stade comble?
La deuxième semaine des Jeux olympiques vient de débuter, et on se demande déjà si elle sera aussi prolifique que les premiers jours en matière de demandes en mariage post-podiums.
Car oui, après seulement une semaine, plusieurs sportives se sont vu passer la médaille au cou et la bague au doigt. La badiste chinoise Huang Yaqiong, juste après l'or en double mixte. Puis, vendredi dernier, ce sont les deux navigatrices françaises Charline Picon et Sarah Steyaert qui ont connu le doublé. Double doublé, puisque quelques minutes après leur médaille de bronze, leur conjoint respectif ont mis un genou à terre.
Pour les Françaises, le suspense était moindre. Dans le couple de Sarah Steyaert, le mariage avait déjà été évoqué, les amoureux avaient, en rigolant, convenu que la navigatrice devait ramener l'or ou l'argent pour que son conjoint l'épouse. Bah, le bronze, c'est bien aussi. Une union également déjà discutée entre Charline Picon et son compagnon.
Avant ces trois athlètes médaillées, une autre demande olympique et publique a eu lieu à Paris: celle du joueur de handball argentin Pablo Simonet à sa compatriote Maria Pilar Campoy, hockeyeuse sur gazon. Après près de neuf ans de relation, l'Argentin a choisi le moment de la photo de la délégation de son pays pour poser un genou à terre.
Dijo que SI 🤩😍 Con amigos y en la ciudad que hace mas de 8 años, nos unió. TE AMO @pilar_campoy pic.twitter.com/1VyTSU23rS
— Pablo Simonet (@Pablitosimon) July 24, 2024
Derrière chacune de ces demandes, une question en suspens: n'y avait-il par un meilleur moment pour le faire, autrement qu'en public, devant des caméras, et dans trois des quatre cas cités, juste après une victoire qui n'a - objectivement - pas eu le temps d'être savourée?
Vous avez beau avoir gagné une médaille, pour laquelle vous avez donné votre vie, la bague viendra tout de même l'éclipser. Le bronze en équipe? On veut l'or blanc et le diamant. Donnant lieu, au passage, à quelques scènes parfois lunaires, comme dans le 13 Heures de France 2 samedi 3 août. Les deux navigatrices françaises sont en plateau, médaille autour du cou, et la première question que la journaliste Leïla Kaddour leur pose, c'est: «Alors, combien de carats?».
Sans doute n'y a-t-il aucune mauvaise intention dans cette question, mais pourquoi ne pas la garder pour le mot de la fin? Pourquoi ces histoires de bagues doivent-elles passer avant l'exploit olympique? La scène lunaire s'est d'ailleurs poursuivie après la question, avec la réponse de Charline Picon.
La journaliste interrompt la navigatrice d'un: «Mais moi je parle de la bague». Ce à quoi Charline Picon rétorque: «Ah! Moi c'est celle-là [en montrant sa médaille] qui vaut de l'or!».
Car voilà, malgré une médaille en voile remportée la veille, c'est bien sur les demandes en mariage que l'on interroge les Françaises. Grosso merdo, «bravo pour cette médaille acquise à la sueur de ton front, mais parle-nous plutôt de ce que ton mec a accompli de majestueux, là!».
La séquence est un brin moins pathétique lorsque c'est la journaliste Estelle Denis qui lance les deux Françaises sur le sujet. «Moi je m'y connais en demande en mariage, je vais vous dire...», dit-elle en faisant référence à un épisode qui remonte à 2008, lorsqu'elle était en couple avec Raymond Domenech, alors sélectionneur des Bleus. Une demande réalisée par l'ancien footballeur en direct à la télévision après une énième défaite des Français. L'ex couple ne s'est finalement jamais marié.
❤ Médaille olympique + doubles fiançailles, INCROYABLE !
— RMC (@RMCInfo) August 2, 2024
- Charline Picon et Sarah Steyaert : "On a eu une demande en mariage aussi..."
- @DenisEstelle : "Moi je m'y connais en demande en mariage... Dites-nous ce qui s'est passé !" pic.twitter.com/YGbZkW9sGX
Le côté «entre femmes, on se comprend» n'efface pas le fait que les demandes en mariage des navigatrices grignotent une part de l'intérêt que mérite leur exploit sportif.
Et que dire de la joueuse de badminton chinoise? Tapez son nom sur Google dans l'onglet «Actualités», et vous ne verrez que des articles à la gloire de la demande en mariage que son conjoint lui a faite, prise en étau entre les caméras.
Pourquoi ne pas avoir laissé l'athlète savourer sa médaille, son moment? Et pourquoi avoir eu besoin des caméras pour le faire?
Comme le relève dans les colonnes du Parisien Nicolas Garreau, fondateur d’ApoteoSurprise, entreprise spécialisée dans les demandes en mariage personnalisées, l'amour et les émotions romantiques ne sont pas du tout au centre des Jeux olympiques:
Sans parler du fait que les demandes réalisées en public peuvent être vécues avec beaucoup de pression et de gêne. Comme dans un film, le public n'attend qu'une réponse: «oui».
Mais selon Lisa Hoplock, chercheuse à l’Université de Victoria et spécialiste des demandes en mariage, les chances de s'entendre dire «non» seraient 1,7 fois plus élevées devant une foule. Comme lors de cette demande dans un centre commercial, il y a quelques années. La femme, terrorisée, finit carrément par prendre la fuite.
Ou celle-ci, en plein marathon. Alors que la coureuse amateure est au 25e kilomètre, son compagnon en profite pour lui faire sa demande.
SHE SAID YES: A woman who was running in Sunday’s New York City Marathon was at mile 16 when her longtime boyfriend hopped over the barrier and dropped to one knee. She ended the day with a medal around her neck and a ring on her finger. https://t.co/8xbZ6P24RM pic.twitter.com/YizdEJYOhc
— CBS Evening News (@CBSEveningNews) November 5, 2018
Elle a encore 17 bornes à s'envoyer sur le bitume new-yorkais, elle n'aura qu'à puiser dans ses resources physiques et mentales, déjà bien entamées par l'effort que demande un marathon, pour s'en remettre.
Fun fact: 79% des personnes sondées sur le site Mariages.net répondent préférer qu’on leur fasse une demande en privé.
Mais revenons aux Jeux de Paris. Imaginez, vous êtes une athlète, et vous venez d'accomplir un exploit.
Vous levez les bras sur le podium, et peu importe la marche sur laquelle vous vous trouvez, le métal que vous portez autour du cou vous fait de toute manière entrer dans l'histoire de votre sport et de votre pays. Vous venez de gagner une médaille olympique, rendez-vous compte!
Pourquoi vous offusqueriez-vous de voir quelqu'un vous voler la vedette alors que vous avez versé tant de sueur, de larmes et de sang pour cette vulgaire breloque, quand vous pouvez recevoir une jolie bague qui brille devant le monde entier? La réponse est... dans la question.
Chères et chers compagnons d'athlètes, vous qui rêvez de convoler avec votre tendre moitié, laissez-lui son moment olympique. Sa «trêve olympique». Médaille ou pas, laissez-lui le temps de vivre cette expérience folle, de profiter, de savourer. La sérénade peut bien attendre que les caméras s'éteignent. L'occasion de faire une médaille, en revanche, pourrait bien ne jamais se représenter.