Camille Lacourt n'était pas allé de main morte lors des Jeux olympiques de Rio en 2016: «Lui, il pisse violet». Cette phrase assassine était adressée à Sun Yang, le nageur chinois qui avait notamment été suspendu trois mois pour un contrôle positif à un stimulant (la trimétazidine) en 2014, avant de détruire des échantillons à coup de marteau à la suite d'un contrôle inopiné. Le tribunal arbitral du sport (TAS) lui a collé huit ans de suspension, avant de revoir la peine à quatre ans.
Le nageur français, désormais retiré des bassins, était le premier (médiatiquement) à formuler une telle attaque à l'encontre d'un nageur chinois, avant que les doutes se répandent comme une traînée de poudre.
Aux JO de Paris, la méfiance est revenue tel un crawl rageur lorsque un entraîneur australien a sorti la sulfateuse à critiques, via une vidéo Instagram.
Brett Hawke, l'ancien nageur et entraîneur australien, n'a que très peu goûté au record de Pan Zhanle, auteur d'un nouveau record du monde dans la finale du 100 m en nage libre mercredi soir. Il qualifie la performance de «pas humainement possible».
Le nageur chinois (19 ans) a nagé un temps supersonique, pulvérisant son record du monde de 40 centièmes (46"40) dans le bassin de La Défense Arena le 31 juillet.
Un premier raz de marée dans le bassin, avant d'en mettre une nouvelle couche à l'heure des interviews. Si Pan Zhanle était fier de son exploit, il n'a pas manqué d'égratigner son rival australien Kyle Chalmers. «Lors du relais 4x100m, j’ai salué Chalmers, mais il m’a complètement ignoré. Tout comme Jack Alexy, de l’équipe américaine», se plaignait-il. Avant de dire que c'est comme «si les autres nations méprisaient la Chine».
Un mépris qui a pris une ampleur nationale en Chine. Sur le réseau social Weibo, les utilisateurs ont usé du hashtag «Pan Zhanle a salué Chalmer et a été ignoré». Comme le souligne le Courrier International, le hashtag a été vu 280 millions de fois.
La rivalité entre les Occidentaux et les Chinois ne cesse d'enfler depuis plusieurs années. Ces derniers, sur les divers réseaux sociaux du pays, ont qualifié le sacre de Pan Zhanle de revanche sur des «Occidentaux arrogants».
Une pluie de critiques qui s'intensifie, car outre les attaques des nageurs australiens, les Etats-Unis ont également les nageurs chinois dans le viseur. La tension entre la Chine et les Etats-Unis s'est musclée suite aux vives critiques de l'Association antidopage des Etats-Unis (Usada) à l'encontre de l'Association mondiale antidopage (Wada) à la suite de révélations concernant 23 nageurs chinois testés positifs à une substance interdite. Ils ont été blanchis sept mois avant les compétitions et ont pu s'aligner aux JO de Tokyo en 2021.
Le New York Times avait révélé (en avril 2024) de nombreux cas de nageurs chinois contrôlés positifs et a été accusé par l'agence mondiale antidopage chinoise (Chinada) d'être à la tête d'une manoeuvre crasse pour déstabiliser ses athlètes «pour affecter leurs capacités compétitives».
Le site Guanchazhe Wang a rebondi sur ces accusations, appuyant que les résultats en-deça des standards habituels de la puissante natation chinoise sont liés à des contrôles intensifs.
Une «méthode de déstabilisation» qui n'a donc pas fonctionné sur Pan Zhanle. Il s'est d'ailleurs défendu de tricher en pointant la cadence des tests lors d'un point presse.
Pour contrer ces accusations, la Chinada a répondu, dans la foulée de son enquête interne, que ces cas étaient liés à une contamination alimentaire – excuse utilisée notamment par le cycliste Alberto Contador, qui avait accusé une viande d'être à l'origine de son test positif. Cette conclusion ne convainc pas les experts, qui la jugent peu plausible.
La fédération internationale World Aquatics avait indiqué que les Chinois alignés à Paris avaient été testés «en moyenne 21 fois chacun depuis le 1er janvier», contre six fois pour les Américains. Les Italiens sont testés cinq fois, quatre pour les Français, Australiens et Britanniques.
Compte tenu de l'enquête menée par la Chinada, l'agence mondiale antidopage assure avoir «soigneusement» contrôlé les conclusions par le biais de différents scientifiques externes.
Mais si l'on se réfère à l'enquête du Times, des experts en matière d'antidopage, de dépistage de drogues et de conformité ont déclaré que la gestion du cas des nageurs chinois et le manque de divulgation des tests positifs allaient à l'encontre des précédents établis de longue date visant à garantir la transparence.
La guéguerre entre les «Occidentaux arrogants» et les nageurs chinois ne va pas s'arrêter de sitôt.