Il y a cette réplique mémorable dans la série Borgen: le pouvoir n'est pas un petit chat qui vient sauter sur tes genoux, il faut le prendre. Iga Swiatek l'a bien compris: même la perte d'un point à 6-1 0-0 l'énerve. Elle ne laisse rien aux autres.
Sans fanfare ni beaucoup de trompettes, la voilà numéro 1 mondiale depuis qu'Ashleigh Barty a quitté le tennis précipitamment, et c'est peut-être ce qu'a compris l'Australienne lorsqu'elle a décidé de reprendre ses études: il lui faudrait accomplir des efforts surhumains pour résister à une rivale aussi intransigeante et bosseuse (en plus, Barty est plutôt du genre à caresser les chats).
Vainqueur pour la deuxième fois à Roland-Garros, Iga Swiatek y a remporté son sixième tournoi et sa 35e victoire d'affilée. C'est un monologue. «Elle gagne très facilement, c'est spécial, l'a complimentée Rafael Nadal, son idole de toujours. J'ai vu quelques-uns de ses matches et on a l'impression qu'aujourd'hui, elle est au-dessus du lot. La façon dont elle joue en ce moment... Elle a l'air inarrêtable.»
Cette façon est somme toute très simple; mais extrêmement difficile à réaliser: elle reste collée à sa ligne et elle dicte le tempo. Son coup droit n'est pas toujours le plus fiable, son revers slicé (s'il en est) flotte un peu, mais son jeu forme un ensemble cohérent, parfaitement coordonné, servi par des capacités athlétiques hors normes.
Les références à Nadal vont bien au-delà de quelques émois adolescents. Ainsi qu'elle le reconnaît elle-même, Swiatek lui a tout «piqué»: l'attitude positive, l'analyse permanente, l'adaptabilité, l'humilité, le travail, le défi physique et mental qu'elle impose à ses «semblables», dont certaines sont parfois plus complètes mais moins tenaces (Barty), moins dominatrices dans l'âme (Jabeur) ou la prise de risque (Gauff).
Swiatek a certes un cœur; pas le genre à frapper son chat sur Instagram. Pendant l'hymne polonais, elle a pleuré de tout son être et avoué timidement: «Ce n'est pas toujours facile d'être la grande favorite». Elle devrait s'y habituer assez vite: aucune joueuse n'a actuellement ni sa vitesse d'exécution, ni sa maîtrise tactique. Encore moins son goût du pouvoir.