Oliver Heer était le premier skipper alémanique à participer au Vendée Globe. Il est désormais le premier à avoir terminé l’épreuve, depuis qu’il a rejoint lundi les côtes vendéennes et bouclé en 99 jours, 5 heures et 27 minutes son tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance.
Certes loin derrière Justine Mettraux et Alan Roura, avec sa 29e place au classement, le navigateur de TUT GUT., lui aussi finisher, n’est pas moins méritant. Surtout que son aventure avait un but scientifique, Heer ayant été impliqué comme 24 autres skippers dans un programme mené par l’UNESCO, le Vendée Globe et la classe IMOCA.
Celui-ci vise à collecter des données essentielles, notamment dans les zones peu fréquentées, comme les mers du Sud. Il ambitionne aussi de faire progresser la recherche océanographique et les modèles de prévisions météorologiques.
Oliver Heer était le seul des trois concurrents helvétiques mêlé à ce projet. Justine Mettraux et Alan Roura n’y ont en effet pas participé. «Il s’était posé la question. En fait, on s’y est pris un peu tard. Et le temps que l’on se manifeste, tout avait déjà été attribué», avait soufflé à watson Allyson Mousselon, team manager du Genevois, lorsqu’on lui avait demandé en novembre dernier pourquoi Roura ne faisait pas partie du programme.
Heer, lui, était pleinement engagé, puisqu’il a embarqué avec lui deux équipements de pointe. D’abord un flotteur Argo de 20 kilos, fourni par l’Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, que le Suisse a largué au milieu de l’Atlantique Sud. Il dérive désormais à l’Ouest selon les données des moniteurs.
Il s’agit d’un «robot autonome, équipé de capteurs pour mesurer la température et la salinité de l’eau jusqu’à 2 000 mètres de profondeur», indique dans un communiqué l’organisation du Vendée Globe. Elle ajoute que les flotteurs Argo sont essentiels pour améliorer «les connaissances sur le réchauffement climatique ou les courants marins». Ils sont toutefois peu nombreux dans certaines régions du globe.
Le skipper de TUT GUT. avait aussi avec lui un rare OceanPack fourni par le Swiss Polar Institute, un centre composé de l’EPFL, de l’ETH Zurich et de l’Université de Berne. L’outil a permis de surveiller la température de l’eau, la salinité, la teneur en chlorophylle, la concentration en CO2 et la pression atmosphérique, sans qu’Oliver Heer n’ait à transporter des échantillons. Le dispositif se voulait précieux à proximité de l'Antarctique.
«L’environnement extrême de l’océan Austral recèle encore de nombreux mystères, notamment en ce qui concerne son rôle de puits de CO2 atmosphérique. Grâce à ces nouvelles mesures, nous serons en mesure d’en percer certains», estimait le Professeur Nicolas Gruber de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, l'un des trois scientifiques au chevet du navigateur, avant le grand départ. Les données recueillies ont été validées puis partagées avec les spécialistes du monde entier.
Ce qu'en pense Oliver Heer? Pour lui, il n'était pas question de s'en aller à l'autre bout du monde uniquement pour l'aspect sportif ou la quête d'aventure. «J’ai pu constater de mes propres yeux que certains de nos océans sont dans un état de santé désastreux et que nous devons faire quelque chose pour y remédier. Mais pour agir, nous devons d’abord comprendre la situation. Et c’est là que nous intervenons», avait-il déclaré à la naissance du projet.
Sauf que son implication est allée encore plus loin, puisque son odyssée a permis à la Swiss Polar Class de créer une nouvelle série de modules pédagogiques destinés aux écoles primaires. Des élèves ont ainsi appris à mieux connaître les océans tout en suivant le parcours du Suisse, qui a régulièrement donné de ses nouvelles aux écoles participantes. Si tous les navigateurs du Vendée Globe sont braves, nul doute que dans certaines classes, Oliver Heer est le plus grand de tous ces héros.