Le 10 novembre dernier, 40 marins sont partis depuis les Sables-d'Olonne pour faire le tour du monde à la voile, sans escale et sans assistance. L'un d'eux a pourtant failli ne jamais prendre le départ. Il s'appelle Oliver Heer et, des trois Suisses engagés sur ce Vendée Globe, il est sans doute le moins connu en Romandie. Cela ne signifie pas que son histoire n'est pas intéressante. C'est même tout le contraire, car ce brave «Ollie» (son surnom) a risqué d'être disqualifié avant le premier coup de vent.
Pour comprendre ce qu'il s'est passé, il faut remonter le chenal des Sables-d'Olonne et revenir sur un épisode qui s'est déroulé au printemps 2024. A cette période, le 28 avril précisément, Oliver Heer est dans le port de Lorient, au départ de «The Transat», une course entre la Bretagne et New-York.
Le navigateur de 36 ans ressent un peu de pression, comme toujours avant une compétition, mais celle-ci est un peu plus marquée cette fois-ci et c'est normal, car «The Transat» n'est pas une épreuve comme les autres: elle est qualificative pour le Vendée Globe, la course qui fait rêver Oliver Heer depuis ses jeunes années passées sur les rives du lac de Zurich.
Le marin est donc motivé à frapper un grand coup mais une semaine après le départ, sur une mer agitée et battue par les vents, une énorme vague vient se fracasser contre son embarcation. Oliver Heer est projeté à travers son bateau. Il est blessé au cou et au coude, et son Imoca n'est pas en meilleur état.
«Ollie» sait que s'il abandonne, ses chances de participer au Vendée Globe s'envolent. Alors il s'accroche, lutte contre ses blessures et les éléments, grâce notamment à un nouveau système électrique qu'il met en place à partir des panneaux solaires. Il progresse difficilement et dangereusement: son radar (AIS) ne fonctionnant plus, il devient vulnérable sur cette grande route maritime empruntée par de nombreux bateaux. Mais à force de courage et de ténacité, il parvient à rejoindre New-York après 18 jours de course, soit bien avant l’heure limite de fermeture de la ligne d’arrivée.
Terminer l'épreuve dans les temps est une première victoire. Elle lui permet de gagner les milles nécessaires pour disputer l'ultime épreuve qualificative pour le Vendée Globe, la «New York-Vendée-Les Sables-d'Olonne». Cette fois, la traversée se passe mieux pour lui et quand il franchit la ligne le 13 juin dernier, il se dit sans doute que ses ennuis sont derrière lui.
Le problème, c'est qu'au terme de la compétition, 41 candidats ont rempli les formalités de qualification alors qu'il n'y a que 40 places disponibles au départ du Vendée Globe. Les organisateurs doivent donc choisir un seul concurrent parmi les deux prétendants en lice pour la 40e et dernière place: Oliver Heer et James Harayda.
Notre marin suisse est le mieux classé des deux et doit logiquement obtenir une wild-card. Sauf qu'une procédure est en cours contre lui pour une suspicion d'assistance illicite sur la course en solitaire «The Transat», celle durant laquelle Heer avait été sérieusement accidenté. Le Zurichois est en effet accusé d'avoir bénéficié d’une assistance extérieure en faisant appel à son préparateur mental pendant la course.
Le jury international de l'épreuve se penche alors sur son cas mais finit toutefois par le blanchir de toute infraction, estimant que l'aide reçue était autorisée. Cette fois enfin, ça y est: Oliver Heer est qualifié pour le Vendée Globe. «La décision du jury international est un grand soulagement, commente alors l'Helvète dans Ouest-France. L’intégrité et le fair-play sont des valeurs auxquelles j’attache une grande importance, et les allégations m’ont personnellement affecté.»
Oliver Heer, qui était 31e (sur 36 marins encore en course) mercredi soir, a traversé beaucoup d'épreuves et de tempêtes pour avoir le droit de participer au Vendée Globe, mais il a toujours maintenu le cap et s'est accroché à ce qu'il s'était promis après le décès prématuré de son père en 2014: «suivre ses rêves», même face aux vents contraires.