Les 32e de finale de la Coupe de Suisse offrent chaque année des affiches très déséquilibrées. Ce week-end par exemple, le FC Sion se déplace sur la pelouse du FC Ajoie-Monterri (5e division nationale) et l'actuel leader de Super League, Saint-Gall, ira défier Walenstadt (7e division).
Plus que l'enjeu, souvent inexistant à cause du trop grand écart, ces affiches sont surtout l'occasion d'une grande fête au village pour ces petites équipes qui reçoivent les grosses écuries du pays. Pour celles-ci, ces matchs sont aussi un voyage dans l'inconnu. Car elles affrontent des adversaires qu'elles ne connaissent absolument pas, du fait de l'inexistence de confrontations antérieures et de l'absence de médiatisation de ces ligues inférieures.
Aujourd'hui, avec la professionnalisation extrême dans la préparation des matchs, cette situation est inhabituelle pour les clubs pros. Mais il est hors de question pour eux de négliger la préparation au prétexte que l'adversaire est nettement plus faible sur le papier. «Il faut presque faire tout le contraire en étant encore plus rigoureux que lors de la préparation de matchs habituels», recadre d'emblée Bernard Challandes. L'ancien entraîneur de Sion, Xamax ou encore Zurich insiste:
Toutes les équipes pros partagent la hantise d'être la victime de la (mauvaise) surprise de la Coupe, à savoir être éliminée par un «petit». Alors elles font tout, dans leur préparation, pour éviter ce camouflet.
Les coachs envoient leurs adjoints ou analystes vidéo observer un match de leur adversaire, histoire de se faire une idée du jeu, de la tactique ou des joueurs clés de celui-ci. «Dès que je le pouvais, j'allais moi-même voir jouer notre futur adversaire», rembobine Bernard Challandes. Le technicien en profitait pour se faire une image précise de l'équipe. Mais pas que. «C'est aussi l'occasion de découvrir le stade, son ambiance et les dimensions du terrain», explique le Neuchâtelois.
Ses observations lui ont permis d'adapter les entraînements avant le match.
Mais parfois, il est très compliqué, voire impossible, d'aller «espionner» son petit adversaire lors d'un match. C'est le cas pour ces 32e de finale de Coupe suisse, car certaines équipes amateures n'ont pas encore commencé leur championnat.
Il arrive aussi que certains déplacements demandent trop de temps et d'énergie. «Quand j'entraînais Lugano, je n'étais par exemple pas allé voir jouer Monthey en Valais, car c'était trop loin», se souvient Maurizio Jacobacci. Mais l'actuel coach du FC Langenthal (1ère ligue) avait des solutions alternatives:
Et puis, grâce à la technologie, les techniciens bénéficient désormais d'un moyen qu'ils n'avaient pas il y a encore quelques années. «Aujourd'hui, on peut regarder tous les matchs jusqu'à la 1ère ligue incluse sur des plateformes de streaming», fait remarquer Maurizio Jacobacci. De quoi permettre aux équipes pros de préparer des analyses vidéo complètes de leurs adversaires amateurs.
Pour un coach, mettre en condition ses joueurs passe aussi par les mots. La communication et la dimension psychologique sont en effet devenues des piliers indispensables de la performance. Et là aussi, les entraîneurs doivent s'adapter au contexte particulier de la Coupe.
«Là encore, j'insistais sur la nécessité de ne pas prendre ce match à la légère», rejoue Bernard Challandes. Dans ce même but, il a aussi utilisé un moyen original:
Histoire de les rendre bien attentifs au danger que peuvent représenter les petites équipes et éviter ainsi les effets néfastes d'un excès de confiance.
Quand il entraînait Sion ou Lugano, Maurizio Jacobacci jouait lui aussi la carte de la prudence dans le vestiaire.
La stratégie est différente chez Marco Schällibaum. «Malgré tout le respect qu'on leur doit, face aux formations de 2e ligue ou plus bas, je ne peux pas dire à des joueurs de Super League de faire attention ou d'avoir peur», clarifie l'ex-coach d'Yverdon et GC, entre autres. Le Zurichois tente de toucher une autre fibre chez ses protégés:
Confiant quant à la supériorité de son équipe, Marco Schällibaum accorde moins d'importance durant la semaine à l'analyse de ce «petit» adversaire qu'il ne le ferait face à une équipe de force égale (ou supérieure). Il préfère se focaliser sur sa propre équipe: «A l'entraînement, on tente de nouvelles choses, par exemple jouer plus offensivement. On modifie aussi la composition, pour donner du temps de jeu aux remplaçants».
«Dans ces confrontations déséquilibrées, l'issue dépend surtout de la mentalité de la meilleure équipe. Si elle est bonne, il n'y a en principe aucun problème pour se qualifier», conclut Maurizio Jacobacci.
Reste donc aux coachs de Super League à trouver les bons ressorts ce week-end pour conditionner leurs joueurs. Histoire que ceux-ci évitent le camouflet et puissent ainsi, eux aussi, profiter de cette belle fête populaire.