Il estime que «les hommes sont discriminés»: il investit 255 000 francs
Leo Brügger, un pharmacien zurichois, finance à lui seul près de la moitié de la campagne en faveur de l’initiative Service Citoyen, qui veut instaurer une obligation de service pour tous, y compris les femmes. Inconnu du grand public, ce donateur se bat depuis plus de 40 ans contre ce qu’il considère comme des lois discriminatoires envers les hommes. Il avait même, par le passé, réclamé un droit de veto masculin en matière d’avortement.
Alors que d’autres campagnes de votation disposent de millions, celle du Service Citoyen reste modeste. Les partisans ont déclaré un budget de 460 000 francs, Leo Brügger, 66 ans, en apportant à lui seul 255 000. L'enveloppe des opposants se monte, elle, à 275 000 francs. Ces sommes peuvent encore évoluer d’ici à la votation du 30 novembre.
Jusqu’ici, Leo Brügger était resté dans l’ombre. Ce pharmacien de 66 ans, originaire de Männedorf (ZH), n’occupe aucune fonction publique ni poste de parti, et ne fait pas partie du comité d’initiative.
«Contre les lois défavorables aux hommes»
On trouve pourtant des traces expliquant son engagement financier généreux. Lors des élections au Conseil national de 1991, il s’était présenté sans succès sur la liste «Contre les lois défavorables aux hommes / Contre les expérimentations animales inhumaines».
Son grand cheval de bataille? Les lois qu'il estime discriminatoires envers les hommes. Avant les élections fédérales de 2015, Leo Brügger avait envoyé à tous les candidats un questionnaire sur l’égalité des sexes, dont il avait ensuite publié l’analyse sur son site gleichstellung.ch.
Divorces: les hommes «désavantagés»
La point de vue adopté était clairement masculin. Les questions de Leo Brügger portaient sur l’âge de la retraite (alors plus élevé pour les hommes), les désavantages dans les procédures de divorce et de garde des enfants, ainsi que sur l’obligation de servir.
Selon lui, presque toutes les inégalités juridiques touchant les femmes ont été supprimées, tandis que «de nombreuses et graves discriminations légales persistent à l’égard des hommes», écrit-il sur son site.
Il voit aussi une inégalité dans le droit à l’interruption volontaire de grossesse. En 2016, Leo Brügger déclarait ainsi au quotidien 20 Minuten que les hommes devraient pouvoir avoir leur mot à dire en cas d’avortement:
A plusieurs reprises, l'homme a déposé, dans le canton de Zurich, des initiatives restées sans suite. Il avait notamment proposé d’instaurer une obligation de service civil pour les femmes (1987), de composer les organes chargés de l’égalité de façon égalitaire entre les sexes (1993) et d’instaurer une obligation générale de service pour les deux sexes (2016).
«Une occasion rare» de corriger le tir
Il affirme s’engager «depuis 44 ans, de temps à autre, pendant ses loisirs, pour un droit égal entre femmes et hommes». En 1981, la population avait approuvé l’article sur l’égalité dans la Constitution fédérale. Un rapport du Conseil fédéral de 1986 avait montré que la législation continuait alors à traiter femmes et hommes sur la base de rôles très différents, explique Leo Brügger.
Selon le pharmacien, l’égalité juridique entre femmes et hommes reste incomplète, même plusieurs décennies après l’inscription du principe dans la Constitution. Il estime que cette inégalité subsiste notamment en matière d’obligation de servir. L’initiative Service Citoyen offre, selon lui, «une occasion rare» de corriger cette disparité.
Un homme «calme et très réfléchi»
Fin juillet, Leo Brügger a versé une première tranche de 30 000 francs après un appel aux dons du comité d’initiative. Sa présidente, Noémie Roten, a rencontré le pharmacien après cette contribution. Elle dit avoir découvert «un homme calme et très réfléchi, engagé depuis longtemps pour l’égalité». Il n’a assorti ses dons d’aucune condition concernant la campagne de votation.
Noémie Roten a abordé avec Leo Brügger la place que devait occuper l’argument de l’égalité dans la campagne de votation. Elle nuance un peu:
Le renforcement de la sécurité, de la cohésion sociale et du potentiel de la jeunesse, sont tout aussi essentiels, selon elle.
Le 8 octobre dernier, Leo Brügger a versé un don supplémentaire de 100 000 francs, puis, le 29 octobre, après la première enquête de la SSR qui donnait une légère avance au camp du oui, encore 125 000 francs. Il ne souhaite toutefois pas dévoiler sa situation financière.
Traduit de l'allemand par Joel Espi
