Voici les vrais perdants de la hausse des primes maladie
L'augmentation semble presque modérée comparée aux années précédentes. Comme l’a annoncé la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider il y a quelques jours, les primes d’assurance-maladie augmenteront en moyenne de «seulement» 4,4%. Cette hausse, certes supérieure à la moyenne sur le long terme de 3,2%, est toutefois nettement inférieure aux bonds des dernières années.
Mais les moyennes sont trompeuses. Elles masquent le fait que les primes les moins chères dans les 42 régions tarifaires définies augmenteront bien plus que les 4,4% évoqués. C’est ce que montre une nouvelle étude du cabinet de conseil Deloitte.
En réalité, la prime la moins chère grimpera de 7,1%, soit de 23 francs par mois. Au total, cela représente une augmentation annuelle de 276 francs. Pour ceux qui choisissent chaque année le tarif le plus avantageux avec une franchise plus élevée, la hausse sera donc nettement plus marquée que ce qu'a indiqué la Confédération.
Zoug rit, le Tessin pleure
Les écarts entre régions sont considérables. Alors que la prime mensuelle la plus basse grimpera de 15 à 25 francs dans la majorité des régions, elle augmentera:
- De 26 francs dans le Haut-Valais, en Thurgovie et dans certaines parties de Bâle-Campagne et de Zurich.
- De 27 francs dans le canton de Soleure
- De 28 francs dans l’agglomération lucernoise
- De 30 francs en Argovie.
- De 35 francs dans le Bas-Valais.
- Divisé en deux régions tarifaires, le Tessin subira de loin les plus fortes hausses, avec 40 et 52 francs de plus par mois.
A l’inverse, à Appenzell Rhodes-Intérieures et à Neuchâtel, on pourra voir des hausses limitées à 14 et 10 francs par mois. Les grands gagnants sont toutefois les Zougois, dont la prime la plus basse reculera de 46 francs par mois, soit 552 francs par an. Cela s’explique par le fait que le canton prend en charge 99% des coûts hospitaliers.
Pour Marcel Thom, expert santé chez Deloitte, on se souvient de quelques baisses de primes ponctuelles durant les années Covid, «mais dans une telle ampleur, c’est inédit», explique-t-il.
C'est en changeant de caisse qu'on devient expert
Il a toujours existé une corrélation entre l’ampleur des hausses et le taux de changement de caisse. Autrement dit, plus les primes augmentent, plus les assurés changent. Marcel Thom estime toutefois que cette année encore, à l’automne, le nombre de changements sera supérieur à la moyenne. «La sensibilité à ce sujet est élevée», analyse l'expert.
Après plusieurs années de fortes hausses, les assurés ont acquis une certaine pratique. Désormais, 65% d'entre eux ont déjà changé au moins une fois de caisse maladie de base, selon une enquête représentative de Deloitte. Et beaucoup le feront à nouveau. Ici, ce n’est pas tant le pourcentage de hausse qui déclenche le changement que le montant absolu. Plus de la moitié des sondés annoncent qu’ils changeront à partir de 30 francs d'augmentation de leur prime mensuelle.
En raison de la pression financière, de l’habitude de changer qui progresse et de ce seuil des 30 francs, Marcel Thom prévoit à nouveau une vague de changements:
Cela correspondrait à un taux de 7 à 10%.
En tout cas, la volonté de changer est grande. Selon l’enquête Deloitte, début septembre, 52% des assurés voulaient optimiser leur prime, 20% en adaptant leur modèle d’assurance ou leur franchise, 32% par un changement de caisse.
Une majorité prête à changer
Selon l’évaluation de Deloitte, les caisses qui ont les meilleures chances d’attirer ces assurés à l’automne sont Sanitas, Helsana, CSS et Visana. En moyenne nationale, elles affichent les tarifs les plus avantageux. Helsana et Visana figurent parmi les trois primes les plus basses dans neuf régions, CSS dans douze et Sanitas dans treize.
La valse des changements de caisse continue, et cela ne devrait pas s’arrêter. Car 77% des personnes interrogées estiment que la situation ne s’améliorera pas l’an prochain. 60% s’attendent à des hausses similaires à celles d’aujourd’hui, 17% à des augmentations encore plus marquées.
L'enquête révèle également un autre point: les assurés jouent le jeu et sont généralement satisfaits de leur assurance-maladie, même si elle change d’année en année. Corrolaire, l’identification à sa caisse reste faible. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles 69% des sondés se prononcent à nouveau en faveur de la caisse unique. Dans les enquêtes semestrielles de Deloitte, ce taux se situe toujours entre 63 et 70%, avec un léger pic chaque automne, après la période des changements potentiels de caisse.
Les réserves des assurances-maladie
La situation a radicalement changé en très peu de temps: il y a un an à peine, on constatait qu'une caisse d'assurance maladie sur quatre manquait de réserves. Parmi elles figuraient de grandes caisses comme CSS et Assura, dont les ratios de solvabilité étaient tombés respectivement à 84% et 88%, un chiffre insatisfaisant. Aujourd'hui, toutes deux ont réussi à franchir la barre des 100% légalement requise. Une seule caisse se situe en dessous: la caisse d'assurance maladie zougoise Klug. Cette dernière a toutefois annoncé sa cessation d'activité fin 2025.
Tous les autres assureurs dépassent l'objectif. Marcel Thom, expert chez Deloitte, qualifie ironiquement cette évolution de «magique», sachant que si les réserves disponibles de certaines caisses d'assurance maladie ont diminué, leurs ratios de solvabilité ont augmenté dans le même temps.
Toutefois, la nouvelle situation relève moins de la magie que des nouvelles méthodes comptables de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Le modèle de calcul du niveau de réserve minimale des caisses d'assurance maladie individuelles est régulièrement révisé et ajusté si nécessaire, selon l'OFSP. La dernière révision remonte à 2021, et une autre a maintenant eu lieu. Selon l'Office, cette révision vise à mieux refléter les risques. Ces ajustements ont entraîné une réduction totale de 12% du niveau des réserves minimales pour l'ensemble des caisses d'assurance-maladie:
Traduit de l'allemand par Joel Espi
