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5000 actionnaires forcent UBS à révéler des documents secrets

Cette victoire au tribunal pourrait mettre UBS dans l'embarras.
Après la fusion de Credit Suisse avec UBS, les investisseurs se sont vus offrir une bien maigre compensation pour leurs pertes. Ils s'assemblent désormais pour obtenir une meilleure offre.Image: Keystone

5000 actionnaires forcent UBS à révéler des documents secrets

Après une victoire d’étape contre UBS devant le tribunal de commerce de Zurich, d’autres actionnaires de Credit Suisse pourraient encore se joindre aux plaignants grâce à une organisation alémanique.
08.07.2025, 18:4708.07.2025, 18:47
Florence Vuichard / ch media
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Cela fait plus de deux ans déjà que la «cérémonie d’adieu» a eu lieu. Environ 2000 actionnaires de Credit Suisse s’étaient alors rendus au Hallenstadion de Zurich pour assister à la dernière assemblée générale de leur ancienne grande banque, autrefois fière et puissante.

Certains sont repartis avec un bloc-notes orné du logo en forme de voile et un stylo. Mais on ne leur avait pas demandé leur avis concernant la vente forcée de la banque à UBS, décidée quelques semaines plus tôt sous un régime du droit d’exception.

Les actionnaires joignent leurs forces

Les actionnaires n'ont pas bénéficié d'une marge de manœuvre sur le prix, et pour 22,48 actions CS, ils n'ont reçu qu'une seule action UBS. C’est tout ce que la direction, responsable de l’effondrement de la banque, avait réussi à obtenir. Une démarche que les grands actionnaires, en particulier, avaient laissé faire sans intervenir.

Mais certains refusent désormais de rester passifs. Pas moins de 5000 anciens actionnaires de CS se sont joints à deux autres groupes, qui avaient chacun déposé une action collective devant le tribunal de commerce de Zurich. D’autres groupes plus modestes, ainsi que plusieurs plaignants individuels, se sont également manifestés. Tous réclament une meilleure indemnisation pour leurs investissements malheureux dans Credit Suisse.

Basée à Saint-Gall, l’Association suisse de protection des investisseurs (SASV) représente environ 2000 plaignants, tandis que la start-up juridique romande Legalpass en défend plus de 3000. Selon les deux organisations, le profil des plaignants est très varié. Certains ne détenaient que quelques centaines d’actions, d’autres plusieurs millions, souvent dans des caisses de pension.

Deux experts indépendants nommés

Ensemble, ces plaignants viennent de remporter une première victoire. Arik Röschke, de l’Association de protection des investisseurs, évoque un «grand succès intermédiaire». Le tribunal a en effet décidé en juin de nommer deux experts indépendants pour évaluer la valeur de Credit Suisse au 19 mars 2023, jour de la fusion avec UBS.

Arik Röschke.
Arik Röschke.Image: SASV

Il s’agit de Peter Leibfried, professeur à l’Université de Saint-Gall, et de Roger Neininger, ancien directeur de KPMG Suisse. Pour mener cette expertise, UBS devra remettre d’ici au 14 juillet de nombreux documents confidentiels, notamment des évaluations internes et externes de Credit Suisse réalisées depuis octobre 2022 par elle-même ou par la banque disparue.

UBS s’était opposée à cette demande, arguant que Credit Suisse n’avait plus aucune valeur le 19 mars 2023, un constat partagé à l’époque par les autorités, comme le montre le rapport de la Commission d’enquête parlementaire. Selon ce rapport, le directeur de la Finma, Urban Angehrn, aurait dit dès l’aube du dimanche en question au président de CS, Axel Lehmann:

«Axel, soyons clairs, nous sommes au point où les liquidités de la banque  ne sont plus viables.»

Et de conclure:

«L’action Credit Suisse vaut zéro»

Une évaluation «totalement arbitraire»

Les actionnaires contestataires ne partagent pas cette lecture. Arik Röschke cite des expertises privées selon lesquelles la valeur de l’action CS au moment de la fusion devait se situer entre 2,30 et 9,17 francs, selon la méthode d'évaluation utilisée.

«La juste valeur de CS à ce moment-là se trouve dans cette fourchette»
Arik Röschke, Association suisse de protection des investisseurs (SASV)

C’est bien plus que les 0,76 franc par action qui correspond à l’échange contre les titres UBS. Le montant de trois milliards de francs fixé pour l’ensemble de l’opération aurait été déterminé de manière «totalement arbitraire, sans aucune base d’évaluation», selon Arik Röschke.

A la suite de cette décision judiciaire, d’autres actionnaires pourraient désormais rejoindre l’action collective. Legalpass n’accepte plus de nouveaux dossiers, mais l’Association de protection des investisseurs, si. Arik Röschke précise:

«Les anciens actionnaires de CS peuvent encore nous rejoindre »

Ce service n’est toutefois pas gratuit: Legalpass applique un tarif dégressif, à partir de quinze centimes par action. L'Association de protection des investisseurs facture, elle, sept centimes. Cette dernière propose également une option de financement du procès où les plaignants ne paient rien, mais cèdent, en cas de succès, une partie de leur gain à un investisseur tiers.

Tous les actionnaires pourraient y gagner

Selon l’issue du procès, l’adhésion à l’action pourrait s’avérer payante. Si UBS et les plaignants s’entendaient à l’amiable sur une compensation plus élevée, seuls les participants à la plainte en bénéficieraient. En revanche, un jugement du tribunal s’appliquerait à tous les actionnaires, même ceux qui avaient accepté sans protester le prix initial, explique Philippe Grivat, associé chez Legalpass. Cela s’explique par l’article 105 de la loi sur les fusions, qui a un effet général.

Le fait que les anciens actionnaires puissent encore déposer plainte est dû à l'intervention de l’Office fédéral de la justice (OFJ), selon le rapport de la Commission d'enquête parlementaire (CEP). Le 18 mars 2023, soit la veille de l’annonce de la fusion, cet office avait examiné différents aspects de la procédure d’urgence et s’était engagé à ce que les actionnaires de CS gardent accès à la justice par la suite.

Car, selon la CEP, les principales autorités concernées, à savoir le Département fédéral des finances, la Finma et la Banque Nationale, avaient prévu de restreindre non seulement le droit de l’assemblée générale d’approuver la fusion, mais aussi la possibilité pour les actionnaires de saisir la justice en vertu de l’article 105.

L’OFJ, avec le service juridique de l’Administration fédérale des finances, s’était alors opposé à cette mesure. Grâce à cette résistance, le Conseil fédéral a finalement renoncé à suspendre l’article 105 par voie d’ordonnance d’urgence.

Traduit de l'allemand par Joel Espi

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