7,7 milliards de francs, trop peu selon les CFF. 7,7 milliards, c'est le montant que la Confédération veut verser à la compagnie pour la période 2025/2028 pour l'exploitation et l'entretien de l'infrastructure. Cela représenterait 100 millions de plus que pour la période en cours, mais 6% de moins à cause du renchérissement.
Les CFF, eux, demandent 9,3 milliards, comme l'a révélé une lettre récemment envoyée à Berne dans le cadre de la procédure de consultation et dont CH Media (réd: le groupe auquel appartient watson) a obtenu une copie. La consultation a duré jusqu'à fin octobre.
Les chemins de fer mettent en garde contre de lourdes conséquences si leur demande n'est pas satisfaite. Avec les moyens actuellement prévus, il sera très compliqué de répondre aux exigences de la Confédération, selon eux. Un «sous-financement structurel» limiterait ainsi à moyen et long terme la disponibilité de l'infrastructure. Cela conduirait à des fermetures de lignes ou à des ralentissements sur certains tronçons.
Les CFF craignent un vieillissement des installations existantes, «à cause d'une augmentation généralisée des risques de sécurité». Impossible par exemple d'agrandir des gares aujourd'hui saturées aux heures de pointe.
Il faudrait par ailleurs faire une croix sur la rénovation de plusieurs lignes régionales et secondaires. Si la manne financière du gouvernement diminue, le risque de perturbations et de pannes touchera aussi les lignes principales, affirment les CFF. Les moyens prévus par la Confédération ne permettront pas de maintenir le réseau en état et le retard dans son entretien augmentera encore.
La compagnie cite des mesures concrètes auxquelles elle devrait sans doute renoncer avec moins de moyens. Parmi elles:
Cette somme de 9,3 milliards se justifie aussi par l'important renchérissement des dernières années. Sans lui, les moyens demandés n'ont en fait augmenté que de 2,4% par an – une croissance similaire à celle des périodes précédentes. Les chemins de fer invoquent un développement conséquent de leur infrastructure durant les dernières décennies.
Des réseaux de RER ont vu le jour à Zurich et à Genève, et Rail 2000 a été achevé. Les CFF ont aussi acquis les tunnels de base du Gothard et du Ceneri ainsi qu'une ligne régionale à Zurich.
Contrairement aux travaux d'entretien, les chantiers d'extension et leur financement sont, eux, mieux acceptés par la classe politique. L'enveloppe pour «l'étape d'aménagement 2035», qui comprend d'importants changements jusqu'en 2040 environ, a par exemple été revue à la hausse par le parlement. Il l'a fait passer des 11,5 milliards de francs proposés par le Conseil fédéral à 12,9 milliards en y intégrant d'autres projets d'extension dans différentes régions.
Les parlementaires soutiennent surtout les extensions, plus intéressantes à ajouter ensuite à leur bilan politique. Mais une infrastructure supplémentaire entraînera forcément de nouveaux coûts. Après sa mise en service, chaque mètre de rail génère des frais d'entretien et de renouvellement qui seront pris en charge par la convention de prestations. Et puis qui dit développement de l'offre, dit aussi nouveau matériel roulant et dépôts supplémentaires.
Par le passé, les CFF se sont donc montrés de plus en plus sceptiques face aux velléités d'agrandissement du parlement. Dans leur dernière prise de position, ils mettent en garde: sans une hausse du plafond de dépenses pour l'entretien de l'infrastructure, la prochaine étape d'aménagement 2035 risque d'être retardée. Elle comprend entre autres la création de la ligne ferroviaire Zurich-Winterthour avec le tunnel de Brütten, qui est central pour la Suisse orientale, ou du tunnel de base du Zimmerberg II, qui doit réduire le temps de trajet entre la Suisse centrale et Zurich.
Toujours dans sa lettre, la compagnie explique ainsi qu'il est essentiel de procéder à un maximum de rénovations au cours des années à venir. Sans quoi tous les projets à l'agenda seraient repoussés à la période 2029-2032. Or, à cet horizon, d'autres travaux sont déjà prévus et il serait inimaginable de tout réaliser en même temps en raison de ressources humaines et techniques limitées.
La compagnie ferroviaire promet qu'elle pourrait utiliser les 9,3 milliards de francs d'ici 2028. La Confédération a toutefois des doutes: ces dernières années, elle n'a pas pu réaliser toute la maintenance prévue. «Il y avait en effet trop peu d'intervalles libres sur les rails et trop peu de ressources», a déclaré Michael Müller, porte-parole de l'Office fédéral des transports (OFT), à CH Media en juillet.
Dans un rapport sur sa planification financière, la Confédération estimait en début d'année que les chemins de fer étaient «très optimistes» dans leur planification. Mais Berne se rend aussi bien compte qu'avec les moyens actuellement prévus, «il faut s'attendre à une diminution du taux de conservation». En d'autres termes, le retard pris dans l'assainissement de l'infrastructure devrait augmenter.
L'OFT ne souhaite pas commenter la lettre des CFF. L'office évalue actuellement les réponses à la consultation, explique Michael Müller. Il pourrait faire des concessions aux CFF, du moins en partie: «L'OFT examine lui aussi une augmentation de l'enveloppe». Le Conseil fédéral décidera probablement du montant définitif en mai 2024.
Traduit de l'allemand par Valentine Zenker