Un «chaos juridictionnel» fragilise la Suisse face à la menace des drones
Ces dernières semaines, Copenhague, Oslo, Alicante, Munich et Bruxelles ont dû fermer leurs principaux aéroports à cause de drones. A Munich, les 3 et 4 octobre derniers, les deux pistes ont été paralysées, laissant plus de 10 000 passagers bloqués.
En Suisse, la situation reste pour l’instant relativement calme. Jusqu’à fin septembre, l’Office fédéral de l’aviation civile (Ofac) a recensé 68 signalements de drones dans l’espace aérien. Environ la moitié d’entre eux se trouvaient dans des zones de contrôle, c’est-à-dire à proximité d’aéroports régionaux ou nationaux.
Ce chiffre constitue un record, mais le niveau reste modeste. 33 signalements avaient été enregistrés en 2021, 54 en 2022 et 56 en 2023 comme en 2024. Pour l’heure, les animaux sauvages représentent un danger plus important pour le trafic aérien civil que les drones, et en 2024, l’Ofac avait recensé 388 collisions entre des avions et des oiseaux, des lièvres ou des renards.
Les drones, un risque pour la sécurité en Suisse
La menace que représentent les drones inquiète toutefois les responsables politiques suisses en matière de sécurité. La commission de la politique de sécurité du Conseil national demande au Conseil fédéral de mettre fin à la confusion qui règne dans le pays.
Elle a approuvé cette semaine, par 13 voix contre 12, une proposition de la conseillère nationale socialiste Linda De Ventura. Le projet propose la création d’un centre national de défense contre les drones. L'élue schaffhousoise explique:
Elle précise:
Mais il serait erroné, souligne-t-elle, de «se précipiter pour acheter des drones et des systèmes de défense antidrone». Les élus doivent aborder la question de manière globale et réfléchir aux adaptations légales et à la répartition des compétences.
Il y a un vrai «chaos juridictionnel»
Pour Linda De Ventura, le principal frein à une protection efficace de l’espace aérien suisse réside dans ce «chaos juridictionnel», comme elle l’explique dans sa motion. Dans son rapport sur les drones du 2 mars 2022, le Conseil fédéral reconnaissait déjà qu’en dessous du seuil de la guerre, la coordination restait floue en Suisse. Relève-t-elle de la police, des cantons, de l’Office fédéral de la communication, de l’Ofac, de Skyguide ou de l’armée?
Le second rapport sur les drones, publié le 26 septembre 2025, n’a pas clarifié la situation, alors même que le contexte a profondément changé depuis 2022. La guerre en Ukraine a provoqué un bond technologique majeur dans le développement des drones.
Ces appareils, de même que les systèmes de brouillage électronique et les missiles balistiques simples, sont désormais accessibles à des acteurs non étatiques, écrit Linda De Ventura. Des attaques contre des infrastructures critiques, comme des centrales énergétiques ou des centres de communication, peuvent être menées à faible coût. Les menaces hybrides, telles que les cyberattaques ou les perturbations ciblées de l’espace aérien, sont déjà une réalité. «Elles concernent avant tout les compétences des autorités civiles», souligne-t-elle.
Pour la députée socialiste, il est évident que la Suisse doit se doter de «bases légales claires, de responsabilités définies et d’une coordination centrale» pour mieux protéger son espace aérien. Elle plaide ainsi pour la création d’un centre national de défense antidrone, où les différents acteurs «agiraient de manière coordonnée et partageraient leurs informations».
La commission a approuvé la proposition de Linda De Ventura, la transformant en motion de commission, ce qui renforce son poids politique.
Traduit de l'allemand par Joel Espi
