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Elèves frontaliers refusés à Genève: «Les perdants sont les Suisses»

Une école primaire à Annemasse, en France, à côté de Genève. Médaillon: la députée Les Républicains de Haut-Savoie Virginie Duby-Muller.
Une école primaire à Annemasse, en France, à côté de Genève. Médaillon: la députée Les Républicains de Haut-Savoie Virginie Duby-Muller. image: captures

Elèves frontaliers refusés à Genève: «Les perdants, ce sont les Suisses»

Dans une interview à watson, la députée de Haute-Savoie Virginie Duby-Muller adresse de vifs reproches au canton de Genève dans le dossier brûlant de la scolarisation des enfants de frontaliers. Même Emmanuel Macron a fait part de son mécontentement à Karin Keller-Sutter.
04.09.2025, 05:3204.09.2025, 10:51
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La France en veut à la Suisse et spécialement à Genève. En cause, la décision prise en juin par la cheffe du Département genevois de l'instruction publique, Anne Hiltpold, de ne plus accepter dans les classes du canton les 2500 élèves de familles résidant en France voisine, dont 80% sont de nationalité suisse. Or les capacités d'accueil dans les départements français limitrophes sont limitées, sans parler de ce que cela coûte. Début juillet, Emmanuel Macron s'est plaint de cette situation à Karin Keller-Sutter, révélait mardi la Tribune de Genève.

En cette rentrée scolaire, qui voit la mise en application progressive de la mesure prise par Anne Hiltpold, watson a interviewé la députée de Haute-Savoie Virginie Duby-Muller, du parti Les Républicains. Remontée contre la décision «unilatérale» du gouvernement genevois, elle est à l'origine, avec d'autres élus, de la riposte française.

A quel moment êtes-vous vous-même intervenue dans le dossier des élèves frontaliers résidant en France, qui ne pourront plus être scolarisés dans le canton de Genève?
Virginie Duby-Muller: C’était aux alentours du 10 juin. La conseillère d’Etat Anne Hiltpold venait d’annoncer qu’elle n’accepterait plus les dérogations permettant à des parents frontaliers résidant côté français de scolariser leur(s) enfant(s) dans les écoles genevoises. Nous considérons que c’est une décision unilatérale qui aura des répercussions en France, étant donné que 2500 élèves sont potentiellement concernés, dont près de 80% sont de nationalité suisse. Avec mes collègues parlementaires des territoires frontaliers, nous avons pris alors la décision d'écrire au ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot pour nous émouvoir de la situation.

«La date choisie par Genève pour faire cette annonce coïncidait avec les 5 ans de l’inauguration du Léman Express»

Et alors?
J’avoue que la décision de Mme Hiltpold nous a quand même heurtés dans la mesure où nous célébrions au même moment la coopération franco-suisse en matière de mobilité, avec plus de passagers que prévus initialement pour le Léman Express. Nous aurions pu échanger en amont sur la question de la scolarisation, d’autant plus qu’il existe un certain nombre d’instances de coopération transfrontalière. Cela dit, des choses avaient été enclenchées sur la question scolaire entre la France et la Suisse dès 2019.

Remettez-vous en cause la souveraineté de la décision genevoise?
C’est en effet une décision souveraine de la part du canton de Genève.

«Nous ne sommes pas là pour faire de l’ingérence»

Mais nous avons quand même décidé de relayer auprès du ministre Barrot ce que nous considérons comme une forme de discrimination. De mon côté, j’ai pris connaissance de l’échange qu’avait eu Emmanuel Macron avec son homologue suisse Karin Keller-Sutter le 1er juillet et du fait que Jean-Michel Barrot appelait à une réouverture, entre guillemets, du dialogue entre la France et la Suisse sur cette question. Sachez à ce propos que la préfète de région, les deux préfètes de l’Ain et de Haute-Savoie ont eu des réunions entre elles pendant l’été en vue d’avoir de nouveaux échanges avec les autorités genevoises.

Les communes françaises frontalières de Genève sont-elles vraiment dans l’impossibilité de scolariser tout ou partie de ces 2500 élèves, dont les parents préféreraient visiblement qu’ils aillent à l’école en Suisse voisine?
Côté français, les services de l’Education nationale sont en train de collecter les informations. Car il faut savoir où résident ces élèves et quelles seraient les répercussions de leur scolarisation en France. Ce que l’on constate aussi, c’est que des familles, pour beaucoup suisses, qui se sont installées en France, ont décidé au titre du libre choix de continuer la scolarisation de leur(s) enfant(s) à Genève pour différentes raisons.

«Ce sont les familles suisses qui seront le plus impactées par la décision du gouvernement genevois»

Ne pouvez-vous pas trouver un compromis avec les autorités genevoises?
De notre côté, nous sommes ouverts à toute discussion. Il faut déjà renouer le dialogue ainsi que le suggère Jean-Noël Barrot.

Est-ce une question d’argent?
En partie. La décision genevoise de ne plus accepter des centaines d’élèves jusqu’ici scolarisés par le canton de Genève a des conséquences chez nous en termes d’infrastructures et de finances. Il faudrait peut-être revoir à ce propos le Fonds frontalier de compensation (réd: Genève rétrocède 396 millions de francs à la Haute-Savoie et à l’Ain au titre de la Compensation financière genevoise pour 2025, source: Tribune de Genève). Cet accord date de 1973.

Concrètement, vos capacités en infrastructures et en personnels ne vous permettent pas d’accueillir 2500 élèves en plus, c’est bien cela?
Je ne peux pas répondre aujourd’hui précisément à cette question. Tout dépend des communes et des niveaux de scolarité qui seront concernés.

En quoi est-ce un problème pour les départements de l’Ain et de Haute-Savoie?
Nous considérons que cette coopération transfrontalière doit se faire dans un esprit de dialogue. Il faut que ce soit respectueux des choix respectifs des deux pays. La décision unilatérale genevoise n’a pas pris en compte les capacités côté français pour accueillir ces nouveaux élèves.

«On vit cela comme une forme de stigmatisation et de discrimination à l’endroit de ces élèves et des choix qui ont été faits par leurs parents»

Dans ce dossier, qui, de la France ou de la Suisse, tient le couteau par le manche?
C’est aux autorités des deux pays de rediscuter de tout cela. Il y a plusieurs choses en parallèle. D’un côté, il y a un recours fait par les familles contre la décision genevoise. Il y avait par ailleurs un débat urgent de prévu sur le sujet au Grand Conseil genevois à la demande des socialistes, mais il a été reporté . Ce qui veut dire que cette question fait débat au sein des élus genevois.

«Nous, nous souhaitons que ce soit du gagnant-gagnant»

Ne devrait-il pas être normal que la France scolarise des élèves résidant sur son territoire?
Mais nous le faisons déjà, pour les parents qui le veulent et notamment pour des parents suisses que nous appelons des faux résidents – ils sont officiellement domiciliés en Suisse mais résident en France. Comme il n’y a pas, en France, contrairement à la Suisse, l’obligation de domiciliation, nous les accueillons quand même dans les écoles, à la cantine et dans le périscolaire, avec des parents dont on ne récupère pas, entre guillemets, une partie des fonds frontaliers. Il faut bien comprendre une chose: nous avons en France l’obligation de scolarisation pour tout enfant jusqu’à 16 ans habitant dans une commune française, quel que soit la nationalité de l’enfant ou le statut de parents.

Donc, ce qui vous dérange dans le cas de ces 2500 enfants issus de familles frontalières vivant chez vous...
Ce qui nous dérange, c'est la forme de l’annonce genevoise, le manque de concertation sur les capacités d’accueil et les répercussions notamment financières de cette décision.

«A ce propos, j'ai une rencontre ce soir (réd: hier soir mercredi) avec des familles suisses concernées par la décision genevoise»
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