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Suisse: l'accueil de Palestiniens vire au casse-tête sécuritaire

People hold banners and wave Palestinian flags during an unauthorized rally in solidarity with the Palestinian people in Bern, Switzerland, 11 October 2025.
Manifestation propalestinienne. Berne, 13 octobre 2025.Image: KEYSTONE

L'accueil de Palestiniens vire au casse-tête sécuritaire pour la Suisse

Activistes, étudiants, accompagnants d'enfants: l'accueil de Palestiniens en Suisse est devenu un enjeu sécuritaire dans un environnement de radicalité hostile à Israël. La prudence est de mise dans les cantons comme à l'université. Toutes les institutions ne montrent pas la même sévérité face à des propos jugés inacceptables, comme watson l'a récemment constaté dans une commune romande.
02.11.2025, 18:4702.11.2025, 20:57

Une conférence réunissant des militants propalestiniens s’est tenue récemment dans une commune romande à l’invitation d’une association subventionnée par les pouvoirs publics. Parmi les invités figurait une personne ayant des liens avec la Palestine venue témoigner de ses conditions de détention en Israël, où elle avait été incarcérée.

Or, a pu constater watson, cette personne avait partagé auparavant sur ses réseaux sociaux des images glorifiant l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre 2023 en Israël. Elle a également publié une photo où elle, ou un autre individu, effectue un geste ressemblant fort à un salut nazi.

«Clairement une apologie du terrorisme»

Joint par watson, un élu de cette commune romande était au courant de la publication de ces images litigieuses avant la tenue de la conférence. «Les images relatives au 7 Octobre publiées par cette personne sont clairement une apologie du terrorisme», disait-il – le Hamas est reconnu comme une organisation terroriste par la Suisse. Pourtant, la conférence a tout de même pu se tenir.

Pourquoi? Les explications de l'élu:

«La jurisprudence fait que nous n’interdisons pas à une personne de s’exprimer si elle n’a pas de condamnations en Suisse en lien avec son thème d’intervention.»
Un élu d'une commune romande

«Un acte de résistance»

De son côté, la personne en question, à qui nous avons parlé, affirme que «le 7 Octobre a été un acte de résistance qui s’inscrit dans une lutte de 75 ans des Palestiniens contre le colonialisme israélien». Cette interprétation des événements est celle des milieux anticolonialistes qui jugent illégitime l’existence d’Israël comme Etat juif.

Notre interlocuteur reproduit par ailleurs la propagande du Hamas, selon laquelle la majorité des quelque 1200 tués ce jour-là en Israël serait imputable à l'armée israélienne. Ce qui est contraire à la vérité. De plus, il prétend que le salut nazi sur une photo n'en est pas un, alors que les mots clés accompagnant le cliché sont éloquents.

Conférence annulée en Suisse alémanique

Rappelons que fin septembre, dans un cas similaire, le congrès annuel de la Ligue des musulmans de Suisse (LMS) qui devait se tenir à Hägendorf, dans le canton de Soleure, avait été annulé par la commune.

L’annulation avait été prononcée après la parution, par le groupe de presse CH-Media, dont watson fait partie, d’un article alertant sur la présence annoncée au congrès d’un conférencier munichois liés aux Frères musulmans et d’un autre, venu de Suisse romande, auteur de publications à la gloire du 7 Octobre.

Risque de troubles à l'ordre public

Le risque de troubles à l'ordre public, ainsi que le maintien d’une bonne entente entre les citoyens soleurois, quelle que soit leur origine et religion, avaient valu motifs d’annulation. Les éléments de jurisprudence avancés plus haut par l'élu de la commune romande n’avaient pas prévalu.

Enfants gazaouis blessés: Zurich craint le Hamas

Cette semaine, certains cantons ont également soulevé la question sécuritaire au sujet de l'accueil en Suisse d'une vingtaine d'enfants gazaouis blessés par l'armée israélienne. Le canton de Zurich est le plus explicite:

«On ne peut exclure que certaines personnes qui accompagnent ces enfants aient des liens avec des organisations interdites par la loi fédérale, notamment le Hamas et des organisations apparentées.»
Le canton de Zurich

Côté alémanique, plusieurs cantons, dont Zurich, refusent d'accueillir des patients palestiniens: Berne, Argovie, Zoug ou Thurgovie. D'autres ont accepté de participer à la première vague d'accueil: Genève, Vaud, Appenzell Rhodes-Extérieures, Bâle-Ville, Lucerne et Tessin. Chez les Romands, seul Fribourg, canton bilingue, décline sa participation, estimant avoir été mis devant le fait accompli par la Confédération quant à la prise en charge financière des frais d'hospitalisation.

Que ce soit des activistes potentiels ou avérés, ou, dans le cas de l'accueil d'enfants blessés, des accompagnants au sujet desquels certains redoutent de possibles liens avec le Hamas, le venue en Suisse de Palestiniens, en particulier de Gaza, forme un enjeu sécuritaire aux yeux des autorités fédérales et cantonales. Dès lors, comment concilier l'humanitaire et le sécuritaire?

Sécurité et liberté d'expression

Se pose également la question de la liberté d'expression. Directeur de l’Observatoire universitaire de la sécurité au sein du Global Studies Institute de l'Université de Genève, Frédéric Esposito fait remarquer:

«Les Palestiniens originaires de Gaza qui pourraient venir en Suisse pour y suivre des études, par exemple, ont les mêmes droits civiques que les Suisses, hormis le droit de vote. Cela veut dire qu’ils peuvent s’exprimer politiquement et participer à des manifestations dans les limites fixées par la loi. La liberté d'expression est reconnue dans notre pays, c'est important de le rappeler.»
Frédéric Esposito
«Il y a cela dit des aspects sécuritaires liés à la radicalité de certains discours dont il faut tenir compte»
Frédéric Esposito

Un partenariat «sans mobilité estudiantine»

On sent les organismes publics très prudents sur les questions d'accueil. Ainsi, l'Université de Genève, si elle élabore en ce moment un partenariat avec l'Université palestinienne Al-Quds de Jérusalem, comme le révélait watson vendredi, précise que cet accord en préparation ne portera «en aucun cas sur la mobilité estudiantine».

La question est également très chaude en France. Le gouvernement a décidé en août dernier de suspendre l’accueil de Palestiniens de Gaza, après s’être aperçu qu’une étudiante gazaouie ayant bénéficié d'un hébergement sur le sol français était l’auteure de nombreux messages antisémites virulents. La France faisant face à une importante recrudescence des actes et propos antisémites depuis le 7 Octobre, décision a été prise d’expulser l’étudiante en question vers le Qatar.

Un meeting «aux relents antisémites»

Par ailleurs, le ministre français de l’enseignement supérieur, Philippe Baptiste, dénonçait il y a dix jours la tenue, le 17 octobre à l'Université Paris-8 Saint-Denis, à l'appel d'une organisation d'extrême gauche, d'un meeting «aux relents antisémites». Le massacre du 7 Octobre n'y fut pas condamné, on entendit même des applaudissements.

Sur le plan humanitaire, la France a annoncé qu’elle soignerait sur son sol des enfants en provenance de Gaza, où le bilan des victimes fourni par le ministère de la Santé du Hamas s'élève à plus de 67 000 morts.

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Video: youtube
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