«Un leader» ou «une supercherie»? Il doit faire gagner l'UDC à Genève
Lionel Dugerdil a fait rugir le camp adverse en effaçant le nom de l’UDC de la liste sur laquelle il se présentera le 19 octobre au second tour de l’élection complémentaire du Conseil d’Etat genevois. Il y affrontera le Vert Nicolas Walder, porteur des couleurs de la gauche.
«Supercherie»
«Lionel Dugerdil est l’homme d’un programme, celui de l’UDC. Or, par opportunisme et pour ne pas effrayer l’électorat de la droite modérée, il camoufle sa réelle appartenance politique et va jusqu’à gommer qu’il est le président de l’UDC du canton de Genève», fustige le président de Parti socialiste genevois, Thomas Wenger, qui parle de «supercherie».
L’UDC continue de sentir le souffre à Genève. Le parti cantonal n’existe que depuis 1992 et le vote cette année-là sur l’adhésion – plébiscitée par les Romands, rejetée par les Alémaniques – de la Suisse à l’Espace économique européen. Cette formation historiquement europhobe fut celle du rappel à l’ordre chez des francophones tentés par l’aventure bruxelloise. L’accession de Lionel Dugerdil à la tour Baudet, siège du Conseil d’Etat, serait pour le parti national-conservateur une manière d’achever localement sa métamorphose, ou son entrisme, diront ses contempteurs.
«Une révolution copernicienne»
«Ce serait une révolution copernicienne», s’enthousiasme Vincent Schaller, conseiller municipal UDC de la Ville de Genève, pour qui sa formation politique «a trop longtemps été snobée». Mauro Poggia, l’ex-conseiller d’Etat genevois MCG, aujourd’hui sénateur à Berne, estime quant à lui que «ce serait l’occasion pour l’UDC de faire ses preuves au gouvernement cantonal». S’agissant du candidat, relativement novice en politique, Mauro Poggia l’assure: «La fonction révèle l’homme.»
Le parti a-t-il trouvé en Lionel Dugerdil l’homme idéal pour percer la muraille de l’exécutif cantonal? Vincent Schaller veut le croire:
Duel serré en vue
«Les raisins de la colère»
Entré en politique en 2019 en meneur des «raisins de la colère», un mouvement dénonçant la concurrence des vins étrangers bon marché, ce patron-viticulteur spécialisé dans le bio, aujourd’hui âgé de 44 ans, adhère assez logiquement l’année suivante à l’UDC, la maison-mère du protectionnisme tendance patriote.
C’est certain, le choix de Lionel Dugerdil, marié, père de quatre enfants, serait un coup de tonnerre dans le ciel genevois, d’autant plus que l’élection à venir met aux prises deux hommes aux visions radicalement opposées sur beaucoup de choses, mais, ironie de la situation, peut-être assez proches sur l’écologie.
Coup d'arrêt à la mondialisation?
Son arrivée au Conseil d’Etat pourrait être alors interprétée comme la volonté des Genevois de marquer, sinon un coup d’arrêt, du moins une pause dans la mondialisation d’un canton tourné vers l’international. Cela ne déplairait pas à Vincent Schaller:
«Le candidat du repli»
L’opposition de gauche tire la sonnette d’alarme. La conseillère nationale écologiste genevoise Delphine Klopfenstein Broggini, qui siège à Berne en compagnie de Nicolas Walder, décrit Lionel Dugerdil comme «le candidat du repli».
Le patron du PS Thomas Wenger partage cet avis. Preuves en sont selon lui les décisions du parti conservateur au législatif cantonal:
«Il met en danger le développement de Genève»
Voter Lionel Dugerdil serait contraire aux intérêts du canton, selon Thomas Wenger: «En se positionnant contre les bilatérales III, définies comme traité colonial par l’UDC, Lionel Dugerdil et son parti mettent en danger le développement social et économique du canton de Genève, ce qui place le candidat de l'UDC en contradiction sur ce sujet majeur avec le PLR et Le Centre.»
Mauro Poggia, dont le parti soutient Lionel Dugerdil dans sa course au Conseil d’Etat, valide la contradiction:
Delphine Klopfenstein Broggini n’entend pas prendre ce sujet à la légère:
Quand Delphine Klopfenstein Broggini affirme que «le programme de l’UDC, le parti de Monsieur Dugerdil, ne correspond pas aux attentes de la population genevoise, de la classe moyenne, mais aussi des ménages à bas revenus confrontés à la hausse des loyers et des primes d’assurance maladie», l’UDC et ses alliés n'en croient rien et préfèrent mettre en exergue la personnalité de leur candidat.
«Il a les qualités d’un leader et des positions réfléchies»
«Il a les qualités d’un leader, d’un chef d’entreprise, une force de travail, du caractère, il est opiniâtre. Il a le sens des responsabilités individuelles et collectives», enchaîne Vincent Schaller. Là où ses adversaires le décrivent comme pouvant se montrer impulsif, citant une vieille embrouille avec un promeneur qui traversait un jour sa propriété vigneronne, Vincent Schaller souligne au contraire «ses prises de positions toujours mûrement réfléchies et le soin qu’il prend à écouter tout le monde au sein du parti».
«Il me fait penser à Adolf Ogi»
Mauro Poggia, l’homme du surplomb, dont on se dit qu'il aurait pu rester conseiller d'Etat à vie, s’il partage avec Nicolas Walder «son engagement pour la cause palestinienne», votera «pour Lionel Dugerdil», «quelqu’un de pragmatique, proche des milieux économiques, un UDC sachant arrondir les angles, qui me fait un peu penser à Adolf Ogi». Il est des comparaisons moins avantageuses: l’UDC de l’Oberland bernois est sans doute le conseiller fédéral le plus populaire de ces cinquante dernières années. Attention à ne pas porter l’œil au vigneron genevois!