«Mais j’ai le reçu!» s’écrie un Jurassien en colère. Il agite en l’air un long ticket de caisse. Sa voiture est remplie de sacs de courses contenant des lots promotionnels de viande, de pâtes et de lessive. «Je ne comprends pas pourquoi je me fais amender», peste l’homme, tandis que sa fille s’occupe de la paperasse dans le petit poste de douane.
Cette famille jurassienne est allée faire ses courses à Weil am Rhein, en Allemagne. Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle franchise-valeur au 1er janvier 2025, elle peut ramener des marchandises d'une valeur de 150 francs par personne sans devoir payer la TVA suisse. Toutefois, une franchise quantitative s'applique également à diverses marchandises. Cette famille de trois personnes peut donc ramener un total de trois kilos de viande non déclarée en Suisse. Or, les Jurassiens avaient avec eux neuf kilos de viande non déclarée. Total de l'amende? 300 francs.
«Les gens oublient souvent qu'il y a une différence entre la franchise quantitative et la franchise-valeur», explique Roger Loeffler, chef d'unité de la douane de Bâle.
Les opposants ont beaucoup critiqué la baisse de la franchise-valeur, craignant un surcroît de travail pour les douanes suisses sans augmentation correspondante des recettes. Ils redoutaient une augmentation des embouteillages, de la contrebande à petite échelle et, au final, une «criminalisation de la population».
Les douaniers se sont donc préparés en conséquence, mobilisant des forces supplémentaires à certains endroits. Sans que ça en vaille vraiment la peine:
L'application de dédouanement «Quick Zoll» enregistre également une hausse permanente, mais qui reste stable, soulignent les autorités.
C'est au tour d'une famille de Bâle-Campagne de se présenter. Un douanier demande un examen plus approfondi. La famille doit mettre tous ses sacs de courses sur la table et les déballer.
Le douanier vérifie le ticket de caisse, contrôle le coffre en regardant surtout du côté de la roue de secours - «une cachette très appréciée», d’après Loeffler. Rien à déclarer, la famille de Bâle-Campagne ne cache rien et a respecté la franchise-valeur. Toutefois, elle dépasse, elle aussi, la franchise quantitative de viande de 1,5 kilo.
Le père de famille raconte:
La famille décide de laisser un poulet en Allemagne pour éviter les droits de douane et ne payer que l'amende de 50 francs:
Pendant que les gardes-frontière fouillent les voitures, des dizaines de personnes se tiennent à l'arrêt de tram. Une femme pousse un déambulateur lourdement chargé, dont le panier laisse dépasser au moins dix bouteilles de lessive. Loeffler explique : «Il nous arrive aussi de contrôler les piétons ou les cyclistes». Mais l'acheteuse de lessive n'est pas interpellée:
Loeffler et son équipe patrouillent également à l'intérieur du pays. Quiconque est pris en flagrant délit de contrebande doit s'attendre à une procédure pénale. Loeffler explique: «Nous constatons régulièrement des infractions». Toutefois, c'était déjà le cas lorsque la franchise-valeur était encore de 300 francs:
C'est ceux qui commandent des colis de l'autre côté de la frontière pour aller les chercher eux-mêmes qui semblent moins bien informés. Le douanier Reto Gottier ouvre le coffre d'un couple soleurois et y trouve une pile de colis. «Nous en voyons rarement autant», dit-il. Il est alors obligé d'ouvrir chaque colis et de vérifier d'où proviennent les marchandises. Un colis contient un épilateur dans un emballage «Dankä!» - un produit acheté en Suisse et donc exempté de douane.
Le colis suivant contient des bouteilles de vin d’Allemagne. Le problème, c'est qu'elles coûtent 150 francs la bouteille. Les bouteilles devront donc être dédouanées.
Depuis la pandémie de Covid-19, il y a un afflux «massif» de colis qui sont commandés à un relai colis de l'autre côté de la frontière et qui sont ensuite importés en Suisse de manière privée. D'où le besoin de renfort à la douane bâloise. Ce phénomène concerne surtout les jeunes, qui utilisent le plus l'application de dédouanement «Quick Zoll».
A partir de 2026, l'application devrait également pouvoir facturer la TVA réduite de 2,6% - actuellement, seul le taux normal de 8,1% est appliqué. Loeffler affirme que le contrôle est nécessaire, mais que les gens déclarent en principe correctement leur marchandise.
Traduit de l'allemand par Anne Castella