Suisse
Economie

La pharma suisse se prépare à la catastrophe Trump

Le 2 avril pourrait faire mal à la pharma suisse

La prochaine avalanche de droits de douane de Donald Trump pourrait toucher le principal secteur d'exportation suisse. La branche pharmaceutique pourrait certes délocaliser sa production aux Etats-Unis, mais cela prendrait du temps et coûterait cher.
01.04.2025, 11:5901.04.2025, 11:59
Pascal Michel / ch media
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Donald Trump a annoncé des tarifs douaniers sur les produits pharmaceutiques dans un « avenir proche ».
Donald Trump menace la pharma suisse de droits de douane dévastateurs.Image: montage watson

Quel est finalement l'objectif dans le temps long de la politique économique du président américain? Dans le milieu, on parle de «endgame».

A première vue, son programme semble clair: il veut en finir avec le libre-échange mondial – déloyal à ses yeux – et ramener les emplois industriels «perdus» par son pays. Pour cela, il mise sur les droits de douane – ou du moins menace les pays dont la balance commerciale est excédentaire. Selon le dirigeant américain, les droits de douane permettent de récupérer les usines et de rappatrier aux Etats-Unis des places de travail. «Un bénéfice encore plus grand» que les droits de douane eux-mêmes qui, selon Trump, rapportent «beaucoup d'argent sur le territoire».

En effet, les menaces douanières ont déjà eu un impact, les groupes technologiques en particulier ont annoncé d'énormes investissements aux Etats-Unis. Et les grands noms de l'industrie pharmaceutique mondiale comme Eli Lilly ou Pfizer ont également promis d'y accroître leurs capacités de production. Ils redoutent des droits de 25% aussi envisagés pour les produits pharmaceutiques.

Délocalisation possible, mais laborieuse

Mais progressivement, les observateurs commencent à se demander si Donald Trump maîtrise réellement ce qu'il fait. Et s'il poursuit un programme cohérent à long terme. Pour les patrons de l'industrie pharmaceutique suisse, l'absence de plan directeur se dessine clairement. La preuve: les droits de douane feraient grimper les prix des médicaments. Et la sécurité d'approvisionnement du pays pourrait en souffrir.

Il y a plusieurs raisons à cela: même si une entreprise suisse possède déjà une base d'usines aux Etats-Unis, elle doit «lancer la machine». Ce qui n'est pas si simple. Bien souvent, les spécialistes manquent. Il faut aussi transférer les connaissances nécessaires et obtenir l'autorisation des autorités pharmaceutiques locales pour une nouvelle chaîne de production. Cela prendra deux ans avant que davantage de médicaments «made in USA» apparaissent sur le marché. Au moins.

Même si Donald Trump accorde un délai de plusieurs années aux entreprises pharmaceutiques et suspend les droits de douane durant cette période, les coûts des médicaments devraient s'envoler. Car les entreprises devraient investir massivement aux Etats-Unis, ce qui renchérirait les prix. Si le chef d'Etat perd patience et applique les droits plus tôt, le résultat sera le même: les entreprises répercuteront les coûts supplémentaires sur les consommateurs. A cela s'ajoute le fait que pour certains articles, une production principale aux Etats-Unis ne sera à court terme pas possible. Une grande partie des matières premières pour les génériques, par exemple, provient toujours d'Asie.

Cette complexité des flux mondiaux de marchandises n'intéresse guère l'administration Trump. Ainsi, lors d'une rencontre avec des lobbyistes, l'entourage du républicain aurait déclaré en substance: inutile de s'inquiéter pour l'autorisation de nouvelles usines par l'agence des médicaments. Tout cela serait réglé très vite.

De telles anecdotes attisent l'incertitude dans le secteur. «Personne ne sait aujourd'hui quelles seront les règles du jeu demain», déclare un cadre supérieur d'un groupe pharmaceutique helvétique.

Pourtant, les Etats-Unis, plus grand marché de la pharma, demeurent trop importants pour que les entreprises puissent s'en désintéresser. C'est pourquoi les fabricants suisses ont eux aussi travaillé d'arrache-pied à l'analyse de leur portefeuille au cours des dernières semaines. Ils ont examiné quels médicaments ils pourraient produire en plus grande quantité outre-Atlantique. Selon une porte-parole du bâlois Roche:

«Notre réseau de production dispose de capacités et d'une flexibilité suffisantes pour s'adapter à l'évolution des conditions du marché et être présent là où se trouvent nos clients»

En cas de délocalisation, la pilule serait difficile à avaler en Europe, en particulier en Suisse: la branche assure 40% des exportations helvétiques, dont une partie considérable vers les Etats-Unis. Et elle a profité jusqu'à présent du libre-échange.

Le préjudice réel pour les entreprises suisses dépendra de l'adaptation de leurs chaînes de production à la nouvelle donne. Mais cela pourrait faire mal. La banque néerlandaise ING a estimé que les droits de douane pourraient porter sur environ 200 milliards de dollars d'importations pharmaceutiques américaines chaque année. Après l'Irlande et l'Allemagne, la Suisse arrive en troisième position sur la liste des principaux exportateurs. Elle représente 8,5% de toutes les livraisons de produits pharmaceutiques aux Etats-Unis. La Suisse sera donc «particulièrement touchée le cas échéant», selon la banque ING.

Donald Trump, compréhensif?

Donald Trump a retenu le 2 avril pour le début de cette nouvelle réalité. Comme toujours avec le «dealmaker» autoproclamé, on ignorera jusqu'au dernier moment qui sera vraiment concerné. Outre l'industrie automobile, quels autres secteurs Trump vise-t-il? Quels pays? Y a-t-il des exceptions pour les entreprises qui ont déjà des usines aux Etats-Unis et qui promettent de les faire tourner à plein régime? Autre point à ne pas exclure totalement: Trump fera-t-il marche arrière au dernier moment?

Jusqu'au dernier moment, des diplomates font également du lobbying à Washington dans l'espoir de négocier des exceptions pour la Suisse. Andrea Rauber Saxer, responsable des relations économiques bilatérales au Secrétariat d'Etat à l'économie, a présenté mi-mars ses arguments dans une lettre adressée aux autorités commerciales américaines: la Suisse crée des emplois très bien rémunérés (salaire moyen par an: 130 000 dollars), ses entreprises investissent massivement sur place, on ne demande pratiquement pas de droits de douane sur les biens américains et la TVA suisse est plus basse que dans quatorze Etat américains. La lettre se termine avec l'espoir de continuer à écrire «l'histoire à succès» du commerce américano-helvétique.

Reste à savoir si Washington sera réceptive à de tels arguments. Le secteur pharmaceutique et la diplomatie commerciale suisse auront une réponse mercredi.

Traduit de l'allemand par Valentine Zenker

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