Divertissement
Montreux Jazz Festival

Le Montreux Jazz, c’est un peu la Fashion Week du pauvre

Le Jazz, c’est un peu la Fashion Week du pauvre
Chaque été, le Montreux Jazz se transforme en défilé improvisé à ciel ouvert. Il y a ceux qui viennent pour la musique, ceux qui viennent pour les Sarti ...
Chapeau mou, collier en bois, t-shirt ample. Le shaman de Montreux. Si vous le croyez, ne le regardez pas dans les yeux, et rebroussez chemin avec prudence.Image: watson / keystone

Le Montreux Jazz, c’est un peu la Fashion Week du pauvre

Chaque été, les quais du festival montreusien se transforment en défilé de mode à ciel ouvert, pour le meilleur (et surtout pour le pire). Immersion parmi les looks de shaman HEC, le polyester made in Temu et les marinières pour quadras aisés.
18.07.2025, 11:5618.07.2025, 11:56
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Le train est bondé, mais personne ne râle. Tout juste si on voit quelques éventails secoués au rythme de la rame qui se balance entre le lac et les vignes. Quelques gouttes de sueur perlent sur les fronts des festivaliers un peu trop habillés pour l’heure de pointe.

Les portes s’ouvrent, et tout le wagon se déverse à travers la gare comme une coulée de styles mal répartis. La chaleur est moite, presque collante. Il y a des chemises en lin froissées, des robes Shein en polyester, des bobs de toutes les couleurs. Certains ont privilégié le confort, d’autres le style. Certains encore, ni l’un ni l’autre, manifestement.

Juste devant moi, un couple de quadras avance d’un pas déterminé, guidé par une élégance passive-agressive. Chemise à rayures verticales blanc cassé et bordeaux pour lui, marinière en coton pour elle. Je suis sûre de les avoir déjà croisés au concert de Bob Sinclar au Pully Live Festival il y a un mois. Eux ou leurs nombreux sosies, sans doute des gens de Villette qui ont un pouvoir d’achat supérieur à la moyenne. «On va se prendre un Sarti?» Sarti Spritz is the new Hugo.

Sur les escaliers qui descendent vers les quais de Montreux, une fille ajuste son haut bandeau qui refuse de coopérer avec la gravité. «Elle, elle a choisi le style», me dis-je en la dépassant. Elle a l’air de regretter. «Courage», je lui murmure par la pensée. Elle a aussi eu l’étrange inspiration d’enfiler ses pieds dans des mules à talons. Bon, tout le courage de la Terre ne lui suffira pas. Elle finira pieds nus et elle passera dix minutes à frotter ses pieds noirs dans sa douche.

Plus bas, elles avancent en meute. Une ligne de six post-gymnasiennes qui prend toute la largeur de l’escalier. Elles me rappellent ces cyclistes qui roulent en escadrille et que les automobilistes ont envie de transformer en descente de lit. Débardeurs asymétriques, cargos ultra taille basse, mini-sacs made in pas un pays soucieux de l’environnement qui peuvent contenir un demi téléphone et un flyer sur les droits de l’homme dans les usines Temu.

Je me laisse aspirer par la foule. Les stands aux effluves de nourriture sur la gauche, dans un doux mélange sucré-salé, le lac sur la droite. Et là, une clope à la main, l’archétype. Chapeau mou, collier en bois, t-shirt ample qui frôle ses genoux. Il semble être partout et nulle part à la fois. Trop bronzé pour la Suisse. Trop lent pour ce siècle. Il doit sans doute revenir de Mykonos ou d'Ibiza (et il prononce ça «Ibisssssssa»). Merde, je le reconnais. C’est un DJ du coin, je crois. Enfin, «DJ», il balance des mixes déjà prêts sur SoundCloud. Il est de toutes les soirées VIP où l’on croise d’autres shamans de Tulum dans son genre, ceux qui tenté HEC et qui ont explosé en vol. Vite, fuir.

Plus loin, une scène me fait sourire en raison du mélange hétéroclite des looks: deux hommes en pantalons de costume, chemises blanches presque transparentes tant ils transpirent, leurs vestes sous le bras. Le genre à s’être dit «on va s’en boire une au Jazz après le taff?» sans repasser par la case maison. A côté d’eux, un homme avec son chat et une pancarte «Tour du monde à vélo avec mon chat». Le carton nous informe que le duo s’appelle Régis et Salsa. La petite chatte noire et blanche somnole, impassible, sur une doudoune North Face, tandis qu’à côté, une femme en maillot de bain tout juste sortie du lac hurle dans son téléphone. C’est aussi ça le Jazz.

Oh, un petit chat piiiire chou! Coucou Salsa!
Oh, un petit chat piiiire chou! Coucou Salsa!watson

Près de la Scène du Lac, les gens s’agglutinent. Le couple à rayures est là. Toujours parfaitement synchronisé. Quand on les regarde trop longtemps, on entend «le temps est booon, le ciel est bleuuu» résonner dans sa tête. Le genre qui passe une semaine en Provence chaque été avec la même bande de copains quadras marinière, à écouter la même playlist «electro chill» dans les bouchons des péages, à jouer au Molki en buvant un petit rosé local, pendant que les kids, dont deux qui s'appellent Mathis, jouent dans l’herbe, tartinés de SPF 50+.

Le concert n’est que dans une heure, je rebrousse chemin et vais chercher un peu de tranquillité vers le débarcadère. Ah tiens, un gros rocher plat, un peu sur la droite, à quelques centimètres de l’eau qui clapote. Le spot parfait.

Une fille est assise seule. Short brun, t-shirt blanc basique. Ses Nike sont posées à côté d’elle, chaussettes roulées dans la semelle. Cheveux attachés n’importe comment. Elle a pris son MacBook avec elle dans un festival, quelle drôle d’idée. Elle écrit. Concentrée. De temps en temps, elle lève les yeux, observe les gens passer. Puis elle reprend.

Son look n’attire pas l’œil. Pas tendance. Pas négligé. Un outfit neutre, presque invisible. Du genre confortable mais sans être moche, qu’on choisit quand on veut pouvoir marcher vite, rester debout longtemps, se fondre dans la masse. Tenue typique «journaliste de terrain fatiguée». Pas là pour être vue. Là pour voir. Je regarde l’heure, il est temps d’aller se faufiler dans le public de la Scène du Casino. Je ferme mon ordi, remets mes chaussettes, enfile mes Nike, et je file.

Vidéo: watson
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