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Taux directeur: la BCE peut influencer l'immobilier suisse

La Banque centrale européenne pourrait influencer l'immobilier suisse.
Le retour aux taux d'intérêt négatifs est probable en Suisse.Image: shutterstock/watson
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La BCE va prendre une décision importante pour la Suisse

La principale institution monétaire de l'Union européenne a calculé ce qu'il pourrait se passer une fois le stade d'inflation terminé. Et il y a des chances que ce soit bon pour l'immobilier suisse, mais moins pour les locataires les plus précaires.
30.05.2024, 18:5630.05.2024, 19:05
Niklaus Vontobel / ch media
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«La BCE est prête à baisser les taux d'intérêt, dit son économiste en chef», titrait le média de référence Financial Times en tête de son site internet. La Banque centrale européenne (BCE) procédera donc à une première baisse des taux en juin et abaissera son principal taux de refinancement de 4,5 à 4,25%. Cela ne s'arrêtera pas là et, au final, cela pourrait doper l'immobilier en Suisse (sans toutefois être la panacée).

De quoi parle-t-on?

Comme le confirme Philip Lane, économiste en chef de la BCE, dans une interview au Financial Times, la BCE devrait encore baisser ses taux d'ici à la fin de l'année. Si les taux d'intérêt doivent encore rester suffisamment élevés pour freiner la croissance économique dans la zone euro et empêcher une nouvelle flambée de l'inflation.

La BCE doit toutefois être un peu moins restrictive qu'auparavant, estime l'expert. Elle peut donc se permettre de relâcher un peu la pression et de baisser encore un peu les taux directeurs d'ici fin d'année. L'ampleur de cette baisse dépendra des données d'inflation à venir et d'éventuelles nouvelles crises.

Mais la BCE doit déjà penser plus loin et se pose aujourd'hui la grande question de savoir quoi faire une fois l'inflation définitivement vaincue. Selon Philip Lane, cela devrait être le cas en 2025, et la BCE doit déjà réfléchir au niveau auquel son taux directeur devrait alors se situer approximativement. Le but? Faire en sorte que l'inflation reste à l'objectif de 2%.

En quoi cette décision est importante pour la Suisse?

La réponse de la BCE est déterminante pour la Suisse. En effet, la Banque nationale suisse (BNS) doit normalement maintenir un écart de taux d'intérêt avec la BCE: la BNS doit fixer ses taux directeurs nettement en dessous de ceux de la BCE. Si elle ne le fait pas, le franc devient trop fort et c'est mauvais pour l'économie suisse.

En effet, les entreprises exportatrices seraient trop chères dans la zone euro, perdraient leur compétitivité et seraient contraintes de réduire leurs dépenses et, dans les cas les plus extrêmes, de supprimer des emplois en Suisse. Dans le même temps, le prix des hôtels et des cafés paraîtraient choquants aux yeux des clients européens, tout comme les remontées mécaniques et l'eau minérale au kiosque. On pourrait même assister à une déflation, c'est-à-dire à une inflation négative, et les dettes hypothécaires pourraient augmenter chaque année en tenant compte de l'inflation.

Tout cela pourrait menacer la stabilité des prix que la BNS doit garantir. C'est pourquoi les taux directeurs de la BNS sont généralement inférieurs d'environ un point de pourcentage à ceux de la BCE, même lorsque la BNS doit imposer des taux directeurs négatifs, comme ce fut le cas de 2015 à 2022. A l'époque, la BCE avait ramené son principal taux de refinancement à zéro – et la BNS à moins 0,75% peu après.

Quels seront alors ces nouveaux taux directeurs?

Où se situeront donc approximativement les taux directeurs de la BCE? Comme le dit Philip Lane dans l'interview, la BCE a récemment fait établir et publier des estimations à ce sujet. Différents modèles macroéconomiques ont été utilisés pour calculer où se situerait approximativement la limite supérieure des taux directeurs et où se situerait approximativement la limite inférieure.

Le plafond est fixé à 2,5%. Après déduction de l'inflation de 2%, il resterait 0,5% en termes réels. La limite inférieure de l'estimation serait un taux directeur de 1,25% et, après déduction de l'inflation, de moins 0,75%. Celui ou celle qui doit prêter son argent à ce taux est perdant: la somme, corrigé de l'inflation, diminue constamment.

Quels seraient l'impact de ces taux de la BCE sur la Suisse?

Transposés à la Suisse, ces taux directeurs se situeraient entre 1,25 et 0,25%. Si la Suisse connaissait une inflation de 1%, les taux directeurs corrigés de l'inflation seraient à nouveau juste au-dessus de la ligne du zéro, voire nettement en dessous. Ce serait un monde plutôt triste pour tous les épargnants et créanciers, et un monde merveilleux pour les emprunteurs, notamment hypothécaires.

Mais dès l'arrivée d'une nouvelle crise, les banques centrales devront, comme d'habitude, venir en aide à l'économie en abaissant encore plus leurs taux directeurs. Dans notre pays, le taux d'intérêt devrait alors descendre nettement en dessous de zéro. La Suisse serait ramenée au monde à l'envers des taux négatifs: les débiteurs reçoivent de l'argent pour avoir emprunté. Les créanciers doivent payer pour pouvoir placer leur argent quelque part.

Qu'implique le retour des taux négatifs pour l'immobilier?

Des taux d'intérêt négatifs auraient l'avantage bienvenu de redonner de l'élan à la construction de logements locatifs et de maisons individuelles. Car, comme l'indique une étude de Wüest Partner:

«Des taux d'intérêt plus élevés freinent en principe l'activité de construction»

Notons toutefois que la construction de logements n'est pas uniquement freinée par des taux d'intérêt élevés. La preuve en est qu'une tendance à la baisse s'est déjà amorcée en 2018 - donc bien avant la hausse des taux en 2022. Cette tendance se poursuivra en 2024, écrit le Centre de recherches conjoncturelles de l'EPFZ (KOF) dans ses prévisions de printemps. Ce n'est qu'en 2025 que l'on assistera à une faible reprise.

Pourquoi ce n'est pas la solution miracle pour l'immobilier suisse?

L'un des obstacles est que la construction de logements nécessite également une densification, ce qui est difficile en Suisse. Une nouvelle étude de l'EPFZ, dirigée par le professeur David Kaufmann et financée par l'école elle-même et les CFF, fournit une explication possible. En bref, il en ressort que la densification n'est ni facile ni anodine; beaucoup de gens y gagnent, mais beaucoup de gens y perdent aussi.

Les chercheurs ont étudié ce qui s'est passé là où la Suisse a déjà réussi à se densifier quelque peu: dans un rayon de 500 mètres autour de 49 grandes gares du canton de Zurich, le canton le plus peuplé de Suisse. Ils ont analysé environ 1,8 million de points de données sur les personnes et les ménages: les départs et les arrivées, les démolitions et les nouvelles constructions de logements.

Il apparaît que les avantages de la densification sont inégalement répartis. Les ménages à bas revenus en profitent certes, mais nettement moins que les ménages à revenus plus élevés. Leur part dans les logements situés à proximité des gares diminue, car même s'ils obtiennent davantage de ces logements, leur gain est inférieur à celui des ménages à revenu moyen ou élevé. En termes relatifs, ils sont perdants.

Qui profite le plus ou le moins des taux négatifs?

Les grands gagnants de la densification sont ailleurs. L'étude précise que «les avantages sont inégalement répartis et profitent principalement aux ménages à revenus moyens et élevés». Ce sont eux qui, après une densification, s'installent proportionnellement plus souvent à proximité des gares et vivent dans les nouveaux logements construits.

Ils ont ainsi un meilleur accès aux transports publics, lourdement subventionnés, et à l'offre des CFF. Cet accès est depuis longtemps déjà inégalement réparti. Avec la densification autour des gares, ce sont encore les ménages à revenus moyens et élevés qui en profitent le plus. Les ménages les plus pauvres restent à la traîne.

Ces derniers peuvent, en outre, être particulièrement touchés par les effets négatifs de la densification. Pour ces ménages, le risque augmente que leur immeuble soit démoli, qu'ils ne trouvent rien de nouveau à proximité et qu'ils soient contraints de quitter leur quartier. De tels départs signifient généralement une perte de qualité de vie.

Cette destruction de l'habitat autour des gares est justement une réalité en Suisse. On ne construit plus de nouvelles gares où l'on pourrait densifier les constructions tout autour. Densifier ne signifie donc pas ajouter quelque chose à ce qui existe déjà; cela signifie que ce qui existe doit d'abord être détruit. Et il s'agit souvent de logements anciens, mais bon marché.

Pourquoi construire plus est aussi un problème en Suisse?

Parviendra-t-on bientôt à construire davantage? Une étude récente de la société de conseil Wüest Partner a montré l'importance de l'enjeu pour certains ménages. Selon cette étude, près de 40% des ménages zurichois ne pourraient plus s'offrir un logement comparable s'ils étaient contraints de déménager. Ils ne trouveraient plus de logement qui n'absorbe pas plus de 30% de leur budget et qui soit similaire en termes de situation et de taille.

Au niveau suisse, le pire se trouve dans le canton de Genève, où 56% des ménages ne pourraient pas se permettre de déménager dans un logement de même qualité. Dans le canton de Zoug, ce chiffre est de 40%. Sinon, cette proportion est toujours inférieure à 30% en Suisse alémanique, mais ce n'est qu'en Appenzell Rhodes-Extérieures qu'elle est inférieure à 10%. En moyenne nationale, c'est 28% de tous les ménages.

La situation est «encore plus précaire» pour les retraités et les familles monoparentales. Environ 60% de ces ménages ne pourraient pas payer un logement comparable après un déménagement. Pour les familles avec enfants, c'est encore près de 30%. La situation n'est nettement meilleure que pour les couples de retraités et les couples d'actifs sans enfants. Ici, seuls 10% des ménages seraient concernés.

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