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Economie: Pour Paul Krugman, les «zombies» de Trump attaquent

Scary rotting zombies are looking at you, zombie apocalypse horror. red tones, volumetric light, hand-held camera. 3D Illustration
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Les «zombies sadiques» de Trump passent à l'attaque

Les républicains veulent faire passer une loi qui appauvrit encore plus les pauvres. Paul Krugman, prix Nobel d'économie, critique vivement le projet.
24.05.2025, 19:0024.05.2025, 19:00
Philipp Löpfe
Philipp Löpfe
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Dans les années 90, certains économistes ont inventé le terme de «sado-monétaristes». Il désigne ceux qui voulaient épargner à tout prix, par crainte d'un déclin de l'Occident. La politique d'austérité allemande après la crise de l'euro en a été le point culminant.

Pour nommer ce qui se passe actuellement au Capitole à Washington, Paul Krugman en rajoute une couche. Dans sa dernière chronique sur Substack, le prix Nobel d'économie 2008 parle d'une «attaque de zombies sadiques». Il fait référence au projet de loi budgétaire modestement appelé «One Big Beautiful Bill Act» que Trump et les républicains souhaitent faire approuver par le Congrès.

Jeudi, la Chambre des représentants l'a adopté de justesse avec 215 voix contre 214. Il doit désormais être validé par le Sénat.

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Le grand économiste Paul Krugman.Image: keystone

En fait, cette loi renverse en quelque sorte la philosophie de Robin des Bois; elle prend aux pauvres pour donner aux riches. Et ce ne sont pas les critiques de gauche qui le disent, mais le Congressional Budget Office (CBO), une instance apolitique qui détermine l'impact économique des lois. Elle prédit que la «grande et belle loi» de Donald Trump appauvrira les pauvres de 0,4% et enrichira les riches de 4%.

Et ce n'est pas tout. Pour compenser les allègements fiscaux massifs accordés aux plus aisés, il faudra massivement réduire les prestations sociales, en particulier le programme Medicaid, qui offre une assurance maladie aux revenus les plus bas, et les «food stamps», des produits alimentaires à prix réduit pour les plus nécessiteux. Selon les estimations, entre 9 et 13 millions d'Américains perdront leur assurance maladie, et donc l'accès aux soins de santé.

Les républicains rejettent ces prévisions. Ils font valoir le statut quo de Medicaid et affirment que seuls «le gaspillage, la fraude et les abus» seront éradiqués. Toujours selon leurs dires, de nombreux immigrés clandestins et des personnes peu enclines au travail abusent des aides de l'Etat, au détriment des contribuables honnêtes.

Le montant exact des économies - on parle de 800 milliards de dollars sur dix ans - fait encore débat. Ce qui est clair en revanche, c'est comment atteindre cet objectif. Les personnes qui souhaiteront à l'avenir bénéficier de Medicaid devront justifier de leur revenu chaque mois.

De pures tracasseries

Pour quelqu'un avec un emploi fixe et un patron sérieux, pas de problème. Cette personne n'aura en principe pas besoin de l'aide de l'assurance maladie. En revanche, les bénéficiaires de Medicaid empochent souvent leur maigre salaire de manière irrégulière auprès d'employeurs douteux. Ce sont précisément eux qui doivent désormais fournir une montagne de documents incompréhensibles.

«Quel est l'objectif final de ces dispositions?», interroge Krugman de manière rhétorique. Il continue:

«Elles ne réveilleront pas les paresseux. Elles ne feront que priver les gens d'avantages dont ils ont un besoin urgent, simplement parce qu'ils galèrent avec la paperasse et les barrières administratives».

L'exemple des états de Géorgie et de l'Arkansas montre à quel point il a raison. Ils appliquent déjà des réglementations similaires. Dans les deux cas, elles ont échoué précisément à cause de cela.

Cette nouvelle loi n'est pas seulement cruelle, elle est également inefficace d'un point de vue économique. Des médias spécialisés de premier plan, comme The Economist et le Financial Times s'y opposent fermement, et pour deux raisons.

D'une part, malgré une réduction des dépenses dans le domaine social, le manque à gagner dû à l'allègement fiscal ne sera que partiellement compensé. Le CBO part du principe que, si la loi est adoptée, la dette publique augmentera de 3,3 billions de dollars au cours des dix prochaines années. Cela signifie que le département du Trésor devrait alors verser chaque année «plus de mille milliards de dollars d'intérêts, à peu près autant que ce qu'il dépense pour l'assurance maladie des personnes âgées», compare The Economist.

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Les cours du Nasdaq, la bourse des valeurs technologiques, ont également chuté.Image: keystone

Contrairement aux allègements fiscaux décrétés par Trump lors de son premier mandat, on peut cette fois-ci chiffrer les conséquences du texte.

«Globalement, la loi ne fera grimper le produit intérieur brut que de 0,5%»
Le Financial Times

Avec la guerre commerciale que Trump a déclenchée, ce sont de mauvais présages pour l'avenir de l'économie du pays.

Avec une dette publique exorbitante et la crainte d'une stagflation, les marchés s'inquiètent. La vente aux enchères des obligations d'Etat américaines à 20 ans a été inhabituellement peu suivie mercredi. Pour la première fois depuis des années, le rendement des emprunts d'Etat à 30 ans a dépassé les 5%, celui des T-Bonds à 10 ans a atteint 4,5%. «Une enchère faible effraie les marchés», estime donc le Wall Street Journal.

Des taux d'intérêt plus élevés sur les obligations devraient, selon la règle de base, avoir pour conséquence un dollar plus fort. Mais c'est le contraire qui se produit. Le billet vert s'affaiblit, un signe clair de perte de confiance dans cette monnaie. Martin Wolf, économiste en chef du Financial Times, y voit un signal d'alarme. Il craint que «la charge de Trump contre le dollar» n'ait des répercussions négatives à l'échelle mondiale.

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Martin Wolf (tout à droite) au WEF.Image: keystone

Wolf évoque Charles Kindelberger, un économiste légendaire qui a étudié les causes des grandes crises financières. Celui-ci postule qu'une monnaie de référence forte et digne de confiance constitue le fondement d'un système international stable. Depuis la Seconde Guerre mondiale, le dollar a effectivement rempli cette fonction. La guerre douanière et les déficits publics américains croissants remettent néanmoins cela en cause.

Paul Krugman est quant à lui convaincu que l'action de Trump et des républicains ne repose sur aucune raison économique:

«D'après ce que je vois, cette cruauté n'a pas pour but de sauver notre monnaie. C'est le dernier de leurs soucis. Ils n'ont pas non plus de problème à pénaliser les plus faibles encore davantage. Ça semble même les satisfaire».

Adaptation en français par Valentine Zenker

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