Moins de trois mois après son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a déjà provoqué un séisme économique mondial. Avec ses nouvelles barrières douanières, il sème la confusion sur les marchés, atteignant des niveaux d’incertitude comparables, voire supérieurs, à ceux observés pendant la pandémie de Covid.
Aux Etats-Unis, les consommateurs s’attendent à une hausse rapide des prix. Selon l’Université du Michigan, une inflation moyenne de 3,9% est anticipée sur les cinq prochaines années – un niveau inédit en 30 ans.
Conséquence directe: le moral des ménages américains est au plus bas. L’indice de confiance des consommateurs a plongé de 17 points depuis décembre, atteignant un seuil aussi bas qu’en 2009, en pleine crise financière. A l'époque, les Etats-Unis étaient au cœur de la plus grave crise immobilière et financière depuis la Seconde Guerre mondiale.
Les marchés financiers mondiaux réagissent avec nervosité. L’enquête mensuelle de la Bank of America, qui interroge des gestionnaires de fonds représentant 500 milliards de dollars d’actifs, révèle une perte massive de confiance dans la croissance mondiale. Un tel pessimisme ne s’était vu qu’au début de la pandémie.
Autre signe fort: les investisseurs tournent le dos aux actions américaines. La Financial Times rapporte un désengagement sans précédent des fonds en actions américaines, illustrant la fin de «l’exceptionnalisme américain» qui garantissait jusqu’ici des rendements supérieurs à ceux des marchés européens.
L'avenir n'est plus ce qu'il était il y a encore quelques semaines. En témoigne le World Uncertainty Index, qui s'est envolé et atteint désormais un niveau historique. Cet indice d'incertitude en matière de politique commerciale, développé par des universités américaines, est désormais huit fois plus élevé qu'au cours des 50 années précédant le premier mandat de Donald Trump.
Un autre indice, mesurant les risques géopolitiques, est aujourd'hui plus élevé que jamais depuis la guerre froide, sans tenir compte des guerres et grandes attaques terroristes. Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, a résumé la situation en déclarant:
L’Europe réagit à ce changement en adoptant une posture plus interventionniste. En Allemagne, Friedrich Merz, probable futur chancelier, a lancé un plan d’investissements massifs dans la défense. Selon Bloomberg, ces dépenses pourraient dépasser celles du plan Marshall ou de la réunification allemande.
Cette réaction s’ajoute à une tendance déjà présente depuis plusieurs années: les Etats accumulent de plus en plus de dettes, bien plus qu’avant la pandémie de Covid. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a récemment mis en garde contre l’explosion de l’endettement des pays industrialisés.
En 2025, ces derniers devraient contracter ensemble 17 000 milliards de dollars de nouvelles dettes, soit plus du double du niveau d’il y a dix ans. Si Donald Trump décide de ne plus garantir la sécurité de l’Europe, comme il l’a suggéré à plusieurs reprises, cette tendance ne fera que s’accentuer.
Les tristes records économiques établis par Donald Trump ont des répercussions mondiales, qui ne laissent pas la Suisse à l’abri. La Banque nationale suisse (BNS) a abordé ce sujet la semaine dernière lors de sa décision sur les taux d’intérêt. Deux trajectoires opposées se profilent: un scénario inflationniste avec hausse des taux et un scénario récessif avec baisse des taux.
En février 2025, l’inflation annuelle en Suisse n’atteignait que 0,3%. Cette légère hausse était uniquement due à une augmentation des loyers. Sans cet effet, les prix auraient en réalité baissé de 0,3% en moyenne. Le président de la BNS redoute même une inflation négative si une récession venait à frapper les Etats-Unis ou la zone euro. Dans un tel cas, la BNS pourrait être contrainte d’introduire à nouveau des taux d’intérêt négatifs. Martin Schlegel conclut sans ambiguïté:
Traduit de l'allemand Tanja Mader