Avons-nous pris toute la mesure du désastre? A chacune des apparitions de Joe Biden, le monde guette ses sorties de route. Si les républicains se moquent goulûment, tous les autres se bouchent yeux et oreilles en priant pour ne pas le voir dégringoler d'un bête escalier ou confondre Macron et Mitterrand.
C'est vrai aussi, les extraits qui fendent les réseaux sociaux sont souvent tronqués par les polémistes d'extrême droite. Hélas, le plan large ne suffit jamais à rassurer l'honnête internaute. Le président des Etats-Unis, 81 ans, a beau surfer sur un bilan médical théoriquement rassurant, il déambule avec une extrême difficulté et cherche ses mots sans toujours trouver les bons.
Nul besoin de se coucher en militant démocrate pour être envahi de commisération à la vue d'un Biden paumé sur le gazon du G7 et rapatrié par le bras par une Giorgia Meloni consciente du danger. Qu'importe si ses dérives trouvent à chaque fois une pénible explication du côté de Washington, qui s'évertue à nous vendre un président «incisif» une fois hors caméra.
Comme l'implorait l'humoriste politique Jon Stewart:
JUST IN: President Biden appears to start wandering off at the G7 summit and has to be handled back in.
— Collin Rugg (@CollinRugg) June 13, 2024
Italian Prime Minister Giorgia Meloni was seen grabbing Biden to bring him back to the group.
This wasn't the only awkward encounter between the two. Biden was caught on… pic.twitter.com/xf8NizIVgH
Avons-nous pris toute la mesure du désastre? Donald Trump, qui fête ses 78 ans ce vendredi, est un criminel condamné. Soutenant son élan, incapable de jouer à l'adulte et effrayé à l'idée de perdre, le parti républicain a donné carte blanche à un menteur patenté, un polémiste malhonnête, un autocrate annoncé, pour reconquérir la Maison-Blanche de gré ou de force.
Plus habitué au banc des accusés qu'à l'estrade du candidat, le septuagénaire utilise ses propres crimes pour harceler un système judiciaire qu'il se réjouit de pouvoir démembrer comme une grenouille en classe de biologie.
Attention, il ne s'agit pas de les placer sur un bête socle d'égalité. L'un s'engage à préserver une démocratie que l'autre se plait à piétiner, pour n'en sucer que le pouvoir. Tous deux se montrent en revanche indignes d'une tâche fondamentale: tirer l'Occident vers l'avenir. Cet Occident bousculé et sujet à des crises existentielles majeures, dont les dirigeants font la queue pour avouer leur impuissance à stabiliser le navire.
A l'heure où d'imposantes vagues de défiance envers nos institutions tapent les deux côtes atlantiques, il faut se rendre à l'évidence: les Etats-Unis se sont montrés incapables d'aligner des chevaux permettant d'envisager demain avec un début de sérénité. Pour le dire mal, on dirait que les Américains et le monde comptent sur une intervention divine pour les sortir d'une torpeur qu'une simple présidentielle échoue à briser.
Si personne ne goûte à ce match retour d'un autre âge, une étrange paralysie civique empêche un renversement de table pour exiger du sang frais.
On en vient alors à attendre le pire, sans pour autant l'espérer. Une nouvelle pandémie, la mort de l'un, l'emprisonnement de l'autre. Ou un plan B révélé au dernier moment. Comme cette rumeur insistante qui voudrait que les démocrates soient en train d'entraîner un pur-sang de rechange, à catapulter sur scène à la démission programmée de Joe Biden.
Depuis près d'un an, les médias américains rivalisent de sources «bien informées» pour valider cette thèse digne d'un épisode de James Bond. Jeudi, un éminent éditorialiste du New York Times est allé jusqu'à lui conseiller de raccrocher en grand prince, s'il veut pouvoir laisser un «héritage de président courageux et honorable». En partant du principe qu'il existe un outsider capable de terrasser Donald Trump dans les urnes.
A cinq mois de la présidentielle, il est hélas permis d'en douter, dans une société unie par les clivages et gangrénée par les certitudes, où seul un drame extérieur semble avoir les moyens de réveiller l'Amérique. «Après moi le déluge» n'est pas un programme politique et le mieux n'est pas toujours l'ennemi du bien.
Le 27 juin prochain, les deux plus vieux présidents de l'histoire des Etats-Unis s'affronteront en duel sur CNN. Encore une fois. Et il est déjà plus probable qu'on ne puisse pas être très fiers de ce qui nous sera servi.
Quelqu'un a une catastrophe sous la main?