Lorsque JD Vance a été interrogé sur le rôle de Donald Trump dans la prise du Capitole, lors du débat entre les deux candidats à la vice-présidence, le sénateur de l'Ohio s'est contenté de cette vague réponse: «Je suis concentré sur l'avenir». Une mauvaise réponse, incontestablement, car dès le lendemain, JD Vance et son patron se retrouvaient déjà rattrapés par le passé.
Tanya Chutkan, la juge dans l'affaire de l'inculpation de Trump pour son rôle dans la prise du Capitole, a ordonné la publication mercredi d'un rapport du procureur spécial. Bien que certains passages aient été caviardés, ces «Jack Smith Files» se révèlent dévastateurs pour le candidat républicain - et ils arrivent au plus mauvais moment possible. Mais reprenons les choses dans l'ordre.
Pour rappel, l'une des quatre accusations qui visent Donald Trump, concerne son rôle avant et pendant les événements du 6 janvier 2021. Dans son acte d'accusation, Jack Smith, l'enquêteur spécial nommé par le ministre de la Justice Merrick Garland, démontre minutieusement comment l'ancien président a enfreint la loi sur au moins quatre points. Bien que le procureur ait publié l'accusation dès juin 2023, aucun procès n'a eu jamais lieu. Comme pour ses autres poursuites judiciaires, Trump s'en est tiré astucieusement grâce à sa tactique de retardement.
La Cour suprême, composée à 6 contre 3 de juges conservateurs - dont trois ont été nommés par l'ancien président - joue ici un rôle décisif. Dans un jugement, l'instance a accordé à Trump qu'il ne puisse être poursuivi que pour des actes «privés». Pour ses actes officiels, en revanche, il bénéficie de «l'immunité présidentielle».
Chargé par la juge Tanya Chutkan de pondre un rapport permettant de faire la distinction entre actes «privés» et officiels, le procureur Jack Smith vient de livrer le résultat. D'une longueur de 165 pages, le document est d'une clarté douloureuse: «L'accusé fait valoir qu'il est immunisé contre des poursuites pour ses actes criminels lors de la tentative de renverser le résultat des élections de 2020, car il a agi, comme il le prétend, à titre officiel. Ce n'est pas le cas», fait valoir le rapport.
Il ressort également des «Jack Smith Files» que rien n'a changé par rapport à l'acte d'accusation porté précédemment contre Donald Trump. Seules les négociations que l'ancien président a menées à l'époque avec le Département de la justice peuvent être considérées comme officielles. Elles ont donc été abandonnées sans que la substance de l'accusation n'en souffre.
Sur le fond, ces fichiers nous apprennent peu de nouveautés. La commission de la Chambre des représentants chargée d'enquêter sur les événements du 6 janvier 2021 avait déjà fait tout son travail et démontré que l'assaut du Capitole n'était en aucun cas une manifestation qui avait dégénéré. Au contraire, Donald Trump et ses co-conspirateurs ont tenté de diverses manières de retourner en leur faveur une élection perdue. Ils y sont presque parvenus et les Etats-Unis passés à un cheveu d'un coup d'Etat.
Malgré le maigre contenu des informations, les dossiers Jack Smith restent explosifs. Grâce à des déclarations de témoins qui ont participé de près aux événements, elles montrent comment l'ancien président a non seulement délibérément excité la foule lors de l'assaut, mais qu'il l'a fait sans se soucier des conséquences et pour des motifs purement égoïstes.
Son vice-président de l'époque, Mike Pence, joue un rôle clé dans cette affaire. Comme on le sait, celui-ci a refusé de ne pas reconnaître la certification des votes des électeurs en faveur de Joe Biden. Ce, malgré le fait que Trump l'ait enjoint à plusieurs reprises de s'exécuter avec des menaces ouvertes. «Des centaines de milliers de personnes vont te détester à mort», aurait averti le patron à son vice-président, lui reprochant au passage d'être «beaucoup trop honnête», dans des notes prises par Mice Pence et désormais à la disposition du procureur spécial.
Un autre épisode expose également à quel point Donald Trump s'est montré cynique et méprisant au cours de l'assaut sur le Capitole. Le 45e président a suivi les événements seul, devant un grand écran de télévision. Lorsqu'il est devenu clair que Mike Pence n'accéderait pas à ses demandes, il s'est fendu, sur X (à l'époque connu sous le nom de Twitter) d'un terrible: «Mike Pence nous a trahis». Alors que la foule surexcitée se met à scander:
Trump se serait contenté d'un haussement d'épaules. «Qu'il en soit ainsi».
Une autre remarque formulée à sa fille Ivanka et à son époux, Jared Kushner, et rapportée par un employé de la Maison-Blanche, montre à quel point l'ancien président se moque des lois d'une société démocratique.
Devant un jury, de telles déclarations pourraient s'avérer mortelles. A la seule condition que Trump n'accède pas à nouveau à la Maison-Blanche. Dans ce cas, il est peu probable qu'un tel procès ait jamais lieu. Tout laisse à penser que le 47e président se gracierait lui-même ou ordonnerait à son ministre de la Justice de mettre fin à la procédure pénale.
Néanmoins, ces déclarations restent très préjudiciables à l'approche des élections. Les experts et les sondages s'accordent sur le fait que le résultat sera très serré. Dans ce contexte, les «Jack Smith Files» pourraient avoir un impact sur les quelques milliers de voix dans les Etats clés au profit de Kamala Harris et faire basculer l'issue de l'élection du 5 novembre. Permettant, ainsi, l'ouverture d'un procès qui aurait dû se tenir il y a longtemps déjà.