«Je ne pensais pas que cela dépasserait Springfield.» Il y a quelques jours, Erika Lee a propagé la rumeur la plus tenace et étrange de l'année. Bien sûr, elle n'est pas la seule à avoir affirmé que les (nombreux) migrants établis dans cette petite ville de l'Ohio s'en prenaient aux animaux domestiques de la communauté.
La photo d'un homme trimballant une oie décédée avait, elle aussi, participé à l'emballement général.
Emballement? Le mot est faible. Depuis que cette thèse est devenue un scandale national, les autorités locales sont sur les dents et Donald Trump en a fait un argument phare de sa campagne, surfant sur la rumeur pour prouver que les démocrates sont en roue libre sur l'épineux dossier de l'immigration. La bonne affaire, à moins de deux mois de l’élection.
Histoire d'enfoncer le clou, le candidat républicain a d'ailleurs fait sienne de cette histoire, en prime time mardi soir, lors du débat face à Kamala Harris, suscitant de nombreuses moqueries et parodies sur les réseaux sociaux.
The Kiffness x Donald Trump - Eating the Cats 😿🐶 Stream / Buy: https://t.co/r9KxcnOn4n pic.twitter.com/bZpytKBEdO
— The Kiffness (@TheKiffness) September 13, 2024
Aujourd'hui, au vu du scandale que son message a suscité, Erika Lee dit regretter sa publication sur Facebook, déposée dans un groupe dédié à la vie de Springfield. Supprimé depuis, son coup de gueule était en réalité un témoignage rapporté et déformé, qui faisait état d'un voisin dont la fille avait perdu son chat.
Mais ce n'est pas tout:
Déjà abondamment partagé sur le réseau de Zuckerberg, ce message a pris une ampleur folle lorsque X s'en est emparé. Les militants d'extrême droite en ont fait leur petit-déjeuner et cette rumeur est devenue le combat personnel du colistier de Trump, JD Vance.
Ajoutez à cela des médias populistes en boucle sur la polémique, à l'instar de Fox News qui aligne les témoignages horrifiés des habitants de la ville, vous obtenez une affaire d'Etat et une énième preuve que l'immigration va peser très lourd sur le scrutin de novembre.
Alors que les autorités de Springfield s'époumonent encore à rappeler que ces allégations sont sans fondement, c'est Newsguard, un organisme chargé de pister la désinformation en ligne, qui a repéré le détonateur de cette affaire.
Et Erika Lee, responsable de la première salve de mensonges, semble s'en vouloir énormément. A NBC News ce week-end, cette femme, manifestement émue, a déclaré que «ça a littéralement explosé, pour devenir quelque chose que je ne pouvais imaginer».
Etant donné que tous les regards sont désormais braqués sur elle et sa famille, Erika Lee a décidé de retirer sa fille de l'école, le temps que ça se tasse: «La tension est forte à Springfield en ce moment. Si j’étais à la place des Haïtiens, je serais terrifiée moi aussi, craignant que quelqu’un ne s’en prenne à moi. Encore une fois, ce n’est pas ce que j’essayais de faire».
Comme toujours, si cette rumeur a pris autant aux tripes, c'est que tout n'est pas faux dans cette histoire. L'explosion démographique dans cette petite ville de 60 000 habitants est un véritable casse-tête pour les autorités, complètement dépassées depuis que 20 000 Haïtiens s'y sont établis à cause de la pandémie de Covid-19, en 2020.
Des individus qui, pour beaucoup, bénéficient d'un statut protégé, en vertu d’une loi fédérale qui est chère à Kamala Harris et que Donald Trump rêve, évidemment, de dézinguer s'il venait à prendre le pouvoir.
Alors que la rumeur des migrants mangeurs de chats et de chiens ne tient toujours que par une amie d'un voisin qui a entendu dire que quelqu'un a vu que, le candidat MAGA a déjà promis de «déporter tous les Haïtiens de Springfield». Sur place, ça dégénère. Des militants d’extrême droite manifestent dans les rues et un homme en tunique du Ku Klux Klan y a été vu en fin de semaine, distribuant des tracts, encerclé de trumpistes.
Une chose est certaine, la campagne présidentielle a pris du muscle et le candidat républicain est manifestement prêt à tout pour ne pas perdre.