Le burger de deux Romands fait sensation aux Etats-Unis
C’est aussi cocasse qu’éprouvant d’avoir à digérer une frustration d’origine genevoise quand on s’envole pour la Floride. On vous explique? Mi-octobre, nous apprenons par l’intermédiaire d’Instagram qu’un dynamique restaurant à smash burgers du bout du lac s’apprête à dégainer ses meilleures armes culinaires dans notre burger joint préféré des Etats-Unis. Le hic, c’est que nous atterrirons en Floride à peine trop tard pour assister (et goûter!) à cette collaboration, qui fera voyager les patrons de Pretty Patti de Miami à New York, sur invitation de l’excellent Skinny Louie.
Et si vous avez déjà eu l’honneur de croquer dans un smash burger écrasé avec amour par les petites mains de Skinny Louie ou de Pretty Patty, vous comprendrez le désarroi qui nous a nourris pendant deux semaines.
Pour saisir toute l’essence de cet événement qui ne s’est hélas pas joué sous nos yeux encore humides de déception, il faut zoomer quelques secondes sur le marché américain de la food, qui est frappé par une concurrence à la limite de l’implosion. De Los Angeles à Brooklyn, en passant par les quartiers de Wynwood et Brickell à Miami, la nouveauté est devenue une véritable drogue. Il ne se passe pas un jour sans qu’un blog influent ne dégaine sa liste des «10 meilleurs (insérez ici une spécialité culinaire) de (insérez ici une ville qui a le vent en poupe).
C’est simple, quand on ouvre un bistrot aux Etats-Unis, on peut très bien attirer l’attention une semaine et crever dans la solitude et les dettes le mois suivant, parce qu’un nouveau «meilleur sandwich cubain» a déboulé dans le quartier.
C’est encore plus vrai dans l’arène terrifiante des burgers. Et les réussites flamboyantes d’un Shake Shack ou d’un Five Guys ne sont pas la norme. Dans ce Squid Game de la bidoche smashée entre deux potato buns, qui effleure déjà le marché suisse, une récente échoppe parvient pourtant à tirer son épingle du jeu à la vitesse de la lumière. Vous l’aurez compris, on parle ici de Skinny Louie.
Née dans le quartier de Wynwood en fin d’année 2023, l’affaire tenue par Gonzalo Rubino n’en finit plus de s’étendre. Figurez-vous que, dans les prochains mois, une grosse dizaine de nouvelles adresses vont éclore sur toute la côte est. Pas mal pour un menu qui est désarmant de simplicité: trois burgers, des frites et un milkshake à tomber à la renverse. C’est tout. Enfin presque, puisque l’on peut aussi y déguster un soda. Oui, un seul: un Coca-Cola Original Taste, en bouteille. That’s it.
Lorsque nous avons couvert l’élection présidentielle aux Etats-Unis durant trois mois, en 2024, il paraissait donc inconcevable de flâner entre les palmiers sans croquer dans le fameux «Skinny Louie Cheeseburger» dont tout le monde parle. Et nous avons été évidemment terrassés par un bonheur indescriptible.
Quand un simple burger populaire parvient à nous faire ressentir des émotions inconnues, on s’approche de l’expérience étoilée, le prix en moins. Le secret? Epurer la recette comme on essore une serpillère, jusqu’à atteindre une pureté quasi biblique.
Alors en arrivant à Miami il y a une semaine, il nous fallait absolument nous rencarder sur cette surprenante collaboration avec l’une des échoppes à smash burgers les plus alléchantes et dynamiques de Suisse romande.
Coup de fil au Genevois Adrian Smith, qui vient tout juste de rentrer de son aventure américaine: «Une expérience impressionnante, incroyable, c’était fou, on a été littéralement bluffé», nous explique le cofondateur de Pretty Patty, encore essoufflé par l’allégresse.
La collaboration s’est donc organisée naturellement, «sans le moindre objectif financier», comme pour sceller dans une croûte de viande juteuse une amitié basée sur un concept, une énergie et des valeurs communes.
Dans les bagages des Genevois? Un beurre café de Paris, des frites allumettes et une entrecôte smashée, dans un écrin tout trouvé: le bun de Skinny Louie. «Tout s’est fait très vite et ce burger spécial est parti en production avant même qu’on atterrisse en Floride», précise Adrian Smith qui avoue par la même occasion en avoir avalé «au moins quatre ou cinq entre Miami et New York», dans les différentes adresses américaines des copains de Skinny Louie.
Imaginer un jour faire goûter son propre burger à des clients américains exigeants est le rêve de beaucoup de gosses. Et le cofondateur de l’enseigne genevoise, qui a su injecter une bonne dose d’American Dream dans le concept de Pretty Patty, c’est un fantasme enfin assouvi: «Avec Lucas, mon meilleur ami et cofondateur, on a eu la chance d’avoir vécu une enfance gorgée de voyages aux Etats-Unis avec nos parents».
Au point d’imaginer ouvrir une succursale de Pretty Patty aux Etats-Unis, après la réussite de ce partenariat de quelques jours? «L’aventure nous a fait effectivement beaucoup réfléchir sur l’avenir. Nous avons été impressionnés par l’énergie des villes comme Miami et New York.
Pour Adrian Smith, une chose est sûre, «les produits de haute qualité et une carte épurée au maximum» sont l’avenir de la restauration, en tout cas dans les grands centres urbains. A Miami, un resto fait d’ailleurs sensation dans le quartier de Coconut Grove.
Sì Papa, ouvert tout récemment, ne propose en effet qu’un seul plat: la lasagne. Ni plus ni moins. «Si j’ai toujours eu tant de peine à manger dans des restaurants italiens classiques, c’est parce qu’il fallait toujours choisir entre une pizza et des pâtes, sur une carte à rallonge, ajoute l’entrepreneur genevois. Une carte courte, c’est bon pour la gestion de stock de l’établissement et les clients ne se cassent plus la tête pendant des heures».
Alors que du côté de Pretty Patty l’expérience américaine s’est très bien passée, il nous fallait aussi sonder l’hôte de luxe, à savoir le patron de Skinny Louie. Au bout du fil. Gonzalo Rubino est tout aussi dithyrambique: «C’était un réel plaisir d’accueillir les Suisses ici. Nous nous entendons très bien depuis le début et nous nous sommes rencontrés une première fois durant un contest de burgers en Argentine».
Les clients américains ont-ils aimé le fameux beurre café de Paris?
Et il faudra rester attentif ces prochains mois: l’échoppe de la côte est va rendre la pareil à son homologue genevois en faisant voyager les burgers de Skinny Louie en Suisse. «Peut-être en mars ou avril 2026, on se réjouit!», ajoute l’entrepreneur américain. Une chance unique de déguster le meilleur burger de Miami, car Gonzalo Rubino ne compte pas exporter son affaire en Suisse de si tôt: «Il y a encore beaucoup à faire aux Etats-Unis. Sur la côte est et peut-être en Californie un jour».
La Californie, où Pretty Patty a d’ailleurs purement et simplement été copié de la tête au pied par un établissement qui porte le même nom et arbore le même logo que l’enseigne genevoise. La triste rançon d’un succès monstre sur les réseaux sociaux? «Oui, sans doute. C’est très fâcheux cette histoire», conclut Adrian Smith, prêt à en découdre. Une raison de plus pour sortir les muscles et exporter Pretty Patty de l’autre côté de l’Atlantique.
